mardi 8 mars 2011

Ces moments où le coeur bat fort : la tuile en maths (ET APRES SUITE 5) !

SUITE

Tata voyait à l'évidence que je n'allais pas bien. Sur le chemin du collège à la maison, j'avais réussi à ne rien dire, éludant ses questions. Mais, une fois arrivées, nous nous sommes installées au salon, où Tata a regardé dans mon cartable pour voir le cahier de textes et les devoirs à faire, ainsi que le carnet de correspondance, au cas où il y aurait un mot d'un prof.
Ce n'était pas le cas, puisque les bulletins de colle arrivaient par la Poste et que le mien ne seraient pas là avant le lendemain, voire le surlendemain.
Tata était rassurée : "Ah, tu m'as fait peur. Je croyais que tu avais encore fait des tiennes en classe. Si ce n'est pas ça, c'est moins grave, tu sais. Tu t'es disputée avec une copine ou je ne sais quoi ? Allez, dis-le à Tata. Tu sais, tant que ce n'est pas un problème scolaire, c'est rien du tout..."

La remarque de Tata tomba à pic. C'était hélas bien un problème scolaire et, elle qui se voulait rassurante, venait a contrario de me confirmer que j'avais raison de m'inquiéter...
Maman m'aurait dit cela, j'aurais continué à nier, en jouant la montre jusqu'à l'arrivée du bulletin de colle. Là, c'était Tata, nous étions toutes seules à la maison, elle avait une attitude pleine de compassion et de bienveillance et j'ai craqué...

J'ai avoué en pleurant sur l'épaule de Tata


Il fallait que cela sorte, j'étais trop angoissée et je me suis mise à pleurer, éclatant en gros sanglots sur l'épaule de ma tante, et sortant des phrases hachées par l'émotion : "Oh, Tata, snif, snif, j'ai, euh, snif, j'ai été punie en classe, snif, snif, pas fait exprès, snif, Corinne grimace, et bouhouhou, prof, snif, snif, a doublé les, bouhouhou, heures de colle, snif, bouhouhou..." 
Tata n'avait pas compris ce qu'il en retournait vraiment, mais que sa nièce en avait gros sur le coeur.
Elle est allée me chercher un verre de limonade, m'a demandé de le boire calmement, alors qu'elle tamponnait mon visage avec son mouchoir pour sécher mes larmes.
"Allez, ne pleure plus, Christine. Redis moi ça tranquillement. Tu as été punie en classe, c'est ça ? La prof t'a donné deux heures de colle, c'est ça ?"
J'acquiesçais entre deux sanglots, avant de repartir à pleurer : "Non, pas deux heures, non, quatre heures, bouhouhouhou..."
Tata réussit à me calmer à nouveau :  "Ne pleure pas comme ça, Christine. Ce n'est pas grave, mais si la prof a cru que tu te moquais d'elle, on peut la comprendre. Tant pis, quatre heures de colle, c'est dur, mais tu feras plus attention en cours, ma pauvre chérie. Ce n'est pas la fin du monde".
La vision positive et un rien fataliste de Tata me fit arrêter de pleurer. Je restais blottie dans ses bras, et cela faisait du bien. J'étais comme sur un nuage déconnecté de mon cauchemar quand Tata ajouta : "J'en connais une qui ne sera pas très contente, mais ce sont des choses qui arrivent".
L'allusion à Maman me fit à nouveau éclater en sanglots. "Oh, Tata, non, ne le dis pas à Maman, non, s'il te plait..."
Elle tomba des nues. "Comment veux-tu que je cache cela à ta mère ? C'est toi qui va lui dire d'ailleurs. Il va bien falloir qu'elle signe le bulletin de colle, non ?"
Je grommelai : "Je, euh, j'l'ai pas le bulletin, il arrivera par la Poste."
Tata comprit : "Et tu voudrais le cacher à ta mère jusque là ? Tu crois que c'est malin d'ajouter un mensonge à ta bêtise en classe ? Je ne suis pas sûre que cela soit le bon calcul, tu sais... Il faut lui dire ce soir, tu sais ?"
Je ne me faisais pas à cette idée : "Non, Tata, non, si je lui dis, elle va, euh, euh, se fâcher..."
Tata de rétorquer : "Et si tu ne lui dis pas, tu crois qu'elle se fâchera moins quand elle comprendra tes cachotteries ?"   
L'argument était imparable et me laissa sans voix.
 "Tu sais, ta Maman sera peut-être compréhensive si tu lui expliques bien. Tu as déjà eu des heures de colle cette année et alors que s'est-il passé ? Tu as été punie aussi à la maison, à chaque fois ?", demanda Tata. Entre deux soupirs renifleurs, je répondis : "Voui, toujours. Et c'était que deux heures, pas quatre..."
 Tata me regarda désolée : "Ta mère a dû penser que c'était sûrement mérité, si elle t'a punie. Tu verras bien cette fois. Sois franche d'abord et elle en tiendra compte. Mais je comprends que ce ne soit pas drôle. Surtout qu'elle n'y va pas de main morte, ma pauvre chérie, j'ai pu le constater l'autre fois, tu te souviens ?"
Quelle question : bien sûr que je me souvenais. Et j'avais surtout l'intention de chasser ces images de ma tête...
Mais Tata, elle, se remémorait la scène : "Ah, pour une fessée, c'était une sacrée fessée, ma pauvre Christine. J'en avais mal pour toi. Mais quelle idée tu avais eu de défier ta mère du regard alors que tu avais déjà un beau zéro à te faire pardonner ? Quand je l'ai vue t'attraper, je savais que tu allais passer un sale quart d'heure. Tes pauvres petites fesses ne sont pas restées blanches longtemps. Ma chère soeur a vraiment le chic pour flanquer une bonne fessée... Faut dire qu'avec trois filles de votre acabit, c'est souvent le seul moyen de se faire comprendre..."
J'écoutais Tata et je sanglotais doucement. "Arrête Tata, je t'en prie, j'ai pas envie d'en reparler..."
Tata l'admit : "Je comprends que tu ne sois pas fière de toi, ma chérie. Je crois que tu l'avais un peu cherchée. Et, d'ailleurs, est-ce que tu as été punie depuis ?"
Si je l'avais été, j'aurais hésité à répondre, trouvé sa question gênante, mais là, comme si j'étais toute fière de moi, j'ai rétorquai : "Ah, non Tata, je n'ai pas été punie, je n'ai pas reçu de fessée depuis, promis". C'était comme un titre de gloire, il est vrai que l'épisode du bulletin trimestriel où j'y avais échappé était toujours dans ma mémoire.
Tata se fit moraliste en se voulant rassurante : "Tu vois, Christine, la fessée de l'autre jour aura été utile, si tu as été suffisamment sage pour y avoir échappé depuis... Je ne garantis rien pour tes histoires de colle cette fois...  Mais, quand une bêtise est faite, il faut savoir assumer... En tout cas, crois moi, la cacher ne ferait qu'aggraver la situation. Tu n'es pas d'accord "
Je dis que oui, mais je pensais non. Tata demanda : "Tu penses vraiment que tu vas recevoir la fessée ?"
J'ai dit le fond de ma pensée entre deux spasmes : "Snif, oh, oui, snif. C'est, euh, c'est sûr..."
Tata me regardait avec un air compatissant : "Alors, réfléchis, Christine. De toute manière, ta mère saura que tu as été collée, et si elle sait que tu l'as caché, elle sera encore plus en colère... Maintenant que c'est fait, le mieux c'est de lui dire tout simplement. Même si tu dois préparer tes fesses, ma pauvre. Allez, tu n'en mourras pas, et depuis l'autre jour elles ont eu le temps de redevenir toutes blanches.... C'est vrai que cela ne va peut-être pas durer..."
Tata avait quand même un petit sourire en coin en finissant cette phrase. Je lui en voulais un peu, car pour moi c'était déjà comme si je me sentais plonger en travers des cuisses maternelles...
Mais, il n'était que 15 h 30, et nous avions près de deux heures pour que je fasse mes devoirs, et que Maman revienne...

A SUIVRE

7 commentaires:

  1. Avant toute chose : mais non Agnès, je ne me moquais aucunement de vous ! Ne décelez donc pas d'ironie dans mes compliments, ils se voulaient sincères. D'ailleurs, j'ai lu avec intérêt vos récents ajouts. Comme ceux Christine, vos récits sont nantis d'une solidité narrative, savent saisir une atmosphère et partir d'un détail. La scène du train, par exemple, a su évoquer avec pittoresque et précision jusqu'aux infimes et délicieuses circonstances et péripéties constituant la cause et la conséquence d'une SIMPLE MENACE de fessée. D'autres récits de ce cru, relevant à la fois de l'anecdotique et du vrai, rencontreraient mon intérêt le plus aiguisé.
    Quant à vous Christine, j'ai beaucoup apprécié vos deux derniers chapitres. J'ai notamment ressenti avec un profond attendrissement le dialogue très touchant entre la narratrice secouée de sanglots, et les propos pleins de bon sens de tante Jacqueline. Voilà un passage des plus "séguriens", car imprégné de sage morale. Il incombera à la fautive de révéler elle-même la nature et les raisons de sa faute, comme une petite fille modèle et bien élevée de bonne famille sachant marcher vers son supplice avec courage et résignation, dans une acceptation dévolue à la rédemption (et accessoirement à la volonté toute raisonnable et calculée de limiter un peu les dégâts).
    Certaines répliques tirent presque des larmes, comme si les pleurs de Christine étaient contagieux pour ses lecteurs. Notre chahuteuse de première s'est muée en une petite fille désespérée, craintive, un petit animal traqué. Les propos hachés et plaintifs de Christine n'en rendent que plus émouvante la compassion avisée de Jacqueline, en qui notre héroïne trouve une oreille, à défaut d'une réelle alliée.
    Rien n'est gratuit, autant dans vos répliques que dans vos "didascalies" (si vous me permettez ce terme, accusant la dimension "théâtrale" de ce passage), chacune concourant à rendre à cette scène une tonalité tout autant réaliste que pathétique. Jacqueline doit demander à sa nièce de se répéter, les sanglots ayant rendu inaudible le premier épanchement. Mais non sans lui avoir, avec toute la complice prévenance qu'on lui connaît, servi un verre de limonade et séché ses larmes (elle aurait pu la moucher aussi). Quand elle a compris de quoi il en retourne, elle en minimise la portée (d'autres tatas sadiques l'exagérerait), prend sa nièce dans ses bras, parvenant ainsi à lui faire brièvement oublier sa situation, avant de lui en rappeler les conséquences inéluctables qui l'attendent. Nouveaux sanglots et échanges rapides, au cours desquels Jacqueline explique patiemment à sa nièce qu'il ne lui servira à rien de chercher à cacher ses heures de colle. Rappel (peut-être un peu ostentatoire) de la précédente fessée, accompagné d'un double compliment pour sa sœur (qui sait s'y prendre pour fesser) et ses nièces (qui savent s'y prendre pour en recevoir). La réplique que je préfère, c'est celle où Christine avoue fièrement à sa tante qu'elle n'a pas reçu de fessée depuis la dernière fois, ce qui en rappelle l'efficience et rappelle aussi l'intérêt de la "non fessée". Christine a su se montrer sage, Christine est devenue un peu plus adulte, ainsi que permet de le souligner une période sans fessée. Ultimes consolations de tata Jacqueline se voulant lénifiante sur la dureté du châtiment. "Ce n'est qu'un petit mauvais moment à passer."
    Je m'aperçois que, contrairement à Agnès qui innove et invente, je ne contente de paraphraser vos textes. Je me perçois, dans ce contexte, davantage comme un analyste que comme un créateur, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas.
    Avec toute mon estime,
    Mardohl

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  2. Chère Christine,

    Décidemment Tata Jacqueline était une sympathique et candide gaffeuse. Elle aborde la question, si délicate pour vous, des punitions maternelles avec une franchise pour le moins embarassante. Il faut que vous ayez été bien certaine de sa bienveillance à votre égard et de ses bonnes intentions pour ne pas vous sentir trop froissée par son manque de tact. Cela vous à laissé sans doute un peu vexée, mais en fin de compte pas mécontente de pouvoir vous confier, et ça c'est un thème que je trouve intéressant et une idée que je n'ai pas trop de mal à accepter.
    Pendant les quelques années où il m'est arrivé de recevoir des fessées j'ai sans cesse révé d'une confidente. Idéalement c'était une fille de mon âge, ou plus âgée - une sorte de grande soeur - à qui j'aurai pu parler en toute franchise, sans tabou, de ce que je tenais à tout prix à cacher aux autres ; une figure amicale qui aurait su me consoler dans les moments de crise, mais aussi à qui je n'aurais pas eu de peine à confier, naturellement, sans honte, le secret de ces scènes humiliantes qu'il m'arrivait de vivre lorsque ma conduite laissait à désirer. Je la voyais parfois naïve, toute surprise de la sévérité des punitions que je lui décrivait ; d'autres jour je souhaitais plutôt une amie imaginaire qui sache elle même par expérience personelle ce que cela signifiait de recevoir "de temps en temps" des fessées : le désir de cacher que l'on était encore punie "comme ça", l'espoir d'y échappper, l'angoisse de voir qu'une fois encore on n'y échapperait pas, et toute l'amertume que l'on ressentait lorsqu'on se retrouvait toute seule à sangloter dans son lit parce qu'une Maman excédée venait de mettre sa menace à exécution...
    Mais si forte était la gêne d'aborder ce sujet, que jamais à cette époque je n'ai pu m'y résoudre, avec qui que ce soit. Et pourtant en y réfléchissant, cette confidente, elle était à portée de ma main : ma cousine, qui avait un an de plus que moi, qui était une de mes amies les plus proches avec qui je m'entendais parfaitement, et dont les parents étaient largement aussi sévères et largement aussi convaincus des effets bénéfiques de la fessée que l'était Maman. Nous aurions pu en parler. J'y ai parfois pensé, peut-être elle-même l'a-t'elle désiré, mais aucune des duex n'est jamais allé plus loin : c'était tout bonnement trop embarassant, la honte était trop forte. Lorsque je savais que Nathalie avait été punie, et bien plus, les rares fois qu'il m'est arrivé d'en être témoin, nous n'avions ni l'une ni l'autre envie de confidences ; bien au contraire, il s'installait entre nous une gêne pénible et nous ne désirions rien tant que trouver une diversion, quelque occupation nouvelle pour nous changer les idées.
    Dans cet échange avec votre tante, ce que j'aime bien c'est ce moment où vous vous exclamez "Ah, non Tata, je n'ai pas été punie, je n'ai pas reçu de fessée depuis, promis", comme si par la grace de la confiance qui était née entre vous au fil du dialogue, vous arriviez à parler spontanément, avec assurance, en lâchant sans balbutier ni rougir ce mot tabou de "fessée.

    Amicalement

    Agnès

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  3. Ah décidément, Agnès et moi avons apprécié la même réplique !
    Et je constate qu'Agnès sait aussi se montrer analytique !

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  4. Bonsoir Christine,

    en tant qu'ancien et "vieux" lecteur, cette série me plait beaucoup, et surtout me remplis d'empathie de façon rétrospective.

    Celà fait entre vous et votre tante beaucoup d'émotions vécues... ou à vivre en peu de temps.

    J'en retiens juste l'expression d'une réelle et grande tendresse entre vous et votre tata. Il en faut pour évoquer un sujet aussi "chaud".

    Au plaisir de vous lire encore longtemps.

    Laurent

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  5. Sympa ces compliments et cette fidélité. Je vous rassure : la suite ne va pas tarder, mais je m'étais accordée une grosse semaine loin de mon ordi.
    Reprise bientôt. Promis !

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  6. Ceci dit le conseil de votre tata est bienveillant, c'est le meilleur

    Marine

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  7. (d'autres tatas sadiques l'exagérerait)

    CIEL !

    Il fallait évidemment lire :

    (d'autres tatas sadiques l'exagéreraient)

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