"Dépêche-toi de sortir de la salle de bain, Christine..."
(SUITE 2)
La nuit avait été agitée. Cauchemardesque... Je n'arrivais pas à dormir, en pensant à mon zéro pointé, à mes cent lignes à faire, à ce cahier à faire signer à Maman, et à ces mensonges répétés que j'avais fait quand elle m'avait questionnée, quand elle avait bien vu que je n'étais pas dans mon assiette et qu'elle avait voulu me faire dire ce qui n'allait pas...
J'avais trop d'angoisse, j'imaginais tellement que tout cela me vaudrait une bonne fessée que je n'avais pas pu me résoudre à être franche, à reconnaître mes fautes.
J'ai quand même dormi, d'un sommeil agité, avec des images angoissantes dans la tête. En essayant simplement de me consoler en me disant qu'au moins je gagnais quelques heures de tranquillité... Si l'on peut appeler cela de la tranquillité...
Ce matin, je n'ai cours qu'à dix heures, et j'ai un peu de temps avant de retourner au collège, alors que mes soeurs vont en classe normalement à huit heures.
Maman m'a réveillée quand même, ne voulant pas que je me prélasse au lit et sachant que j'ai toujours des devoirs ou des leçons à réviser. Mes carnets de notes en dents de scie ne sont assez brillants pour que je m'exonère de tout travail...
J'ai laissé mes soeurs occuper les premières la salle de bain et je suis descendue prendre mon petit-déjeuner en attendant que la place soit libre. Aline et Diane m'ont rejointe dans la cuisine et ont avalé leur chocolat chaud avant de partir vers l'école.
N'étant pas pressée, j'ai pris mon temps jusqu'à ce que Maman ait accompagné mes soeurs jusqu'à la porte, vérifiant cartable et habillement avant qu'elle ne parte à pied en classe.
Puis Maman m'a envoyée me préparer : "Allez, Christine, va faire ta toilette et te mettre à réviser tes leçons. On a un peu de temps, je viendrai vérifier tes devoirs..."
Dans la salle de bains, je repense à ces mots : "On a un peu de temps..."
Et si je prenais mon courage à deux mains, si je profitais du fait qu'Aline et Diane sont parties pour me confier tranquillement à Maman... L'idée tourne dans ma tête... C'est vrai, c'est le moment... Mieux vaut avouer à temps, me conseille la voix de la raison... En même temps, une autre partie de ma tête s'inquiète... Avouer, c'est aller droit à la fessée...
Courage ou pas courage, franchise ou pas franchise, la question me taraude l'esprit, me paralyse... Je n'avance pas. J'ai mis dix minutes avant de me brosser les dents, je viens de me débarbouiller le bout du nez... J'hésite entre deux petites voix contradictoires qui vont décider de mon destin dans les minutes à venir...
Allez, Christine, sois grande, de toute manière, si ce n'est pas maintenant, ce sera ce soir et de toute manière, il faudra bien avouer... En plus les petites seront là... Allez, cette fois, je me dis que c'est mieux ainsi et qu'au moins je serai débarrassée de mon angoisse...
Je prends mon courage à deux mains et je me prépare à affronter ce qui m'attend... Allez, encore deux minutes de calme... Je cherche dans ma tête les premières phrases que je vais dire à Maman, comment je vais présenter ça...
Il ne faut pas que je tarde trop. Elle est déjà remontée à l'étage, sûrement pour ranger la chambre des petites... Je tends l'oreille...
"Allez, dépêche-toi de sortir de la salle de bain, Christine... Mets-toi au travail..." a-t-elle dit en passant devant la porte. J'entends ses pas qui se dirigent vers ma chambre... Il va falloir que j'y aille cette fois...
Mais, les doutes me reprennent... Allez, il faut que je bouge, que j'ose...
Cette fois c'est décidé, je me compose un petit visage doux et implorant et je m'apprête à rejoindre Maman, à lui dire ce que je cache depuis la veille...
Mais, soudain, j'entends une interjection et la voix de Maman qui résonne : "Ah, mais ce n'est pas vrai... Christine !!!"
Qu'y a-t-il ? J'entrouvre la porte de la salle de bain et m'avance vers la chambre, de l'autre côté du couloir... Maman y est debout à côté de ma petite table bureau. En m'attendant, elle a ouvert mon cartable, regardé mes cahiers, trouvé le mot à signer...
"Ah, je savais bien que tu me cachais quelque chose... Je le sens quand tu me mens, Christine... Ah, je comprends pourquoi tu n'avais pas envie que j'apprenne tes exploits..." Elle me regarde avec des yeux noirs, les poings posés sur les hanches...
"Maman, Maman, je, euh, j'allais te le dire, je venais pour ça, je t'assure, crois-moi..." Les mots me sortent de la bouche, je les crie presque, tellement ils sont sincères, tellement, c'est vrai, tellement j'étais (presque) décidée à en parler à maman, à avouer...
Mais, comment me croirait-elle, puisque c'est elle qui a tout découvert, à cause de deux petites minutes d'hésitation de trop de ma part ?
Je croyais pouvoir faire acte de franchise, profiter du calme de ce début de matinée sans mes soeurs pour affronter l'orage en espérant en adoucir la force...
Mais, j'ai une fois de plus loupé ma manoeuvre et je me retrouve en bien fâcheuse posture... Je n'ai même pas eu le temps de m'habiller et suis encore en tenue de nuit, le coeur battant, l'angoisse au front...
"Maman, je vais, je peux, euh, t'expliquer..." Je voudrais qu'elle me laisse un instant pour que je plaide ma cause, que je tente de la convaincre que j'allais vraiment lui dire, que j'allais être franche, que je ne voulais plus mentir...
Mais, elle est sous le choc de la découverte, sur la confirmation de ce qu'elle pressentais bien, sur la preuve qu'elle avait maintenant que je lui avais caché la vérité... Alors, ce que je craignais l'emporte, la sentence tombe par ces mots que Maman martèle :
"Tais-toi, Christine, tu as assez menti comme ça... Un zéro et cent lignes à faire, tu veux peut-être que je te félicite... Tu savais très bien ce qui t'attendait... Alors, je ne vais pas te faire languir davantage... Je vais t'apprendre à te moquer de moi... VIENS ICI... Je vais te flanquer une fessée dont tu te souviendras longtemps, crois moi, Christine !"