SUITE 11
Deux jours étaient pourtant passés sans nouvel alerte. Mais, cet après-midi, le ciel venait de me tomber sur la tête... En marchant derrière Maman, je repensais à ce qui venait de se passer, à cette journée qui semblait si belle et qui se terminerait à n'en plus douter dans l'orage tant redouté...
"Allez, les filles, dites au revoir à Tata. Il est temps de rentrer à la maison", avait lancé Maman alors que nous terminions toutes les trois notre goûter dans le parc municipal, où nous venions de passer deux heures avec Tata Jacqueline.
Aline et Diane ne s'étaient pas faites prier, sachant qu'elles pourraient jouer dans notre jardin en rentrant. Je n'avais pas le même enthousiasme et demandai si je pouvais rester avec Tata.
"Pas question, Christine. Tu rentres avec nous. Tu sais bien que nous avons un compte à régler toutes les deux. Allez, dépêche-toi et ne m'énerve pas davantage, cela n'arrangerait pas ton cas, ma fille...", avait répondu Maman d'un ton qui ne souffrait aucune contestation.
Tata Jacqueline m'a serré dans ses bras en me disant au revoir, comme si elle voulait me donner du courage, me réconforter à l'avance. Elle non plus ne doutait pas de ce qui m'était promis...
Oui, c'est vrai, je l'avoue, la veille, j'avais bâclé un devoir que Maman m'avait donné à refaire. Cette série de travaux de l'année à recommencer, alors même que j'allais avoir une année de redoublement avec le même programme, commençait à m'ennuyer.
Le constat par Maman que j'avais fait le strict minimum sans aucun effort notable l'avait mise au bord de l'explosion. Et c'est bien parce que nous devions aller faire des courses et qu'elle avait ensuite un rendez-vous chez le coiffeur, que Maman s'était contentée de hausser le ton. Mais, pour la première fois depuis ces dernières semaines de calme inespéré, la menace avait été énoncée de façon claire et abrupte : "Ca suffit, Christine. Je ne le répéterai pas. A la prochaine remarque, c'est la fessée. A force de la chercher, tu vas la trouver, je te le dis, moi..."
Mais, heureusement, j'avais échappé au pire...
Le lendemain, donc, j'avais conscience qu'il fallait ne pas tenter le diable... Et je tenais donc à ce que tout se passe au mieux, et que même mes soeurs énervent le moins possible Maman, sachant que si on la poussait à bout, je me trouverais sûrement en première position dans la liste des punissables et qu'elle ne l'aurait pas oublié...
J'avais été même serviable à midi, aidant Maman à débarrasser, puis me dépêchant de commencer les devoirs du jour.
Il faut dire que nous devions aller au parc municipal retrouver Tata et y passer l'après-midi, dès que nous aurions fini (et bien fait) nos fameux devoirs.
Diane, dispensée comme toujours, était partie la première avec Tata qui était passée la chercher.
Moi, j'avais assez vite fini un programme du jour plutôt facile, et Maman m'avait autorisée, privilège de grande à rejoindre Tata et Diane, seule à pied, le parc n'étant qu'à quelques rues de la maison. Pendant ce temps, elle devait attendre qu'Aline ait fini les siens et les avoir vérifiés.
Toutefois, ayant pitié de ma soeur, et cherchant surtout à faire qu'il y ait le moins de conflit possible ce jour-là, j'avais donné un coup de main en douce à Aline. Elle avait une série d'opérations multiplications et divisions à faire. C'était très facile pour moi, et afin qu'elle ne perde pas trop de temps à calculer, je lui avais écrit sur un petit bout de papier les dix bons résultats.
J'étais donc confiante, et j'avais dit en retrouvant Tata au parc que Maman et Aline n'allaient pas tarder, ma soeur ayant presque fini quand je suis partie...
Or, près de trois quarts d'heure sont passés avant que mère et fille ne rappliquent, un retard qui ne me semblait pas très normal... J'ai vite su pourquoi !
Le constat par Maman que j'avais fait le strict minimum sans aucun effort notable l'avait mise au bord de l'explosion. Et c'est bien parce que nous devions aller faire des courses et qu'elle avait ensuite un rendez-vous chez le coiffeur, que Maman s'était contentée de hausser le ton. Mais, pour la première fois depuis ces dernières semaines de calme inespéré, la menace avait été énoncée de façon claire et abrupte : "Ca suffit, Christine. Je ne le répéterai pas. A la prochaine remarque, c'est la fessée. A force de la chercher, tu vas la trouver, je te le dis, moi..."
Mais, heureusement, j'avais échappé au pire...
Le lendemain, donc, j'avais conscience qu'il fallait ne pas tenter le diable... Et je tenais donc à ce que tout se passe au mieux, et que même mes soeurs énervent le moins possible Maman, sachant que si on la poussait à bout, je me trouverais sûrement en première position dans la liste des punissables et qu'elle ne l'aurait pas oublié...
J'avais été même serviable à midi, aidant Maman à débarrasser, puis me dépêchant de commencer les devoirs du jour.
Il faut dire que nous devions aller au parc municipal retrouver Tata et y passer l'après-midi, dès que nous aurions fini (et bien fait) nos fameux devoirs.
Diane, dispensée comme toujours, était partie la première avec Tata qui était passée la chercher.
Moi, j'avais assez vite fini un programme du jour plutôt facile, et Maman m'avait autorisée, privilège de grande à rejoindre Tata et Diane, seule à pied, le parc n'étant qu'à quelques rues de la maison. Pendant ce temps, elle devait attendre qu'Aline ait fini les siens et les avoir vérifiés.
Toutefois, ayant pitié de ma soeur, et cherchant surtout à faire qu'il y ait le moins de conflit possible ce jour-là, j'avais donné un coup de main en douce à Aline. Elle avait une série d'opérations multiplications et divisions à faire. C'était très facile pour moi, et afin qu'elle ne perde pas trop de temps à calculer, je lui avais écrit sur un petit bout de papier les dix bons résultats.
J'étais donc confiante, et j'avais dit en retrouvant Tata au parc que Maman et Aline n'allaient pas tarder, ma soeur ayant presque fini quand je suis partie...
Or, près de trois quarts d'heure sont passés avant que mère et fille ne rappliquent, un retard qui ne me semblait pas très normal... J'ai vite su pourquoi !
Maman est arrivée, amenant le panier de goûters, mais Aline, au lieu de caracoler vers nous, faisait grise mine.
Tata le constatant l'interrogea, mais soeurette ne répondit pas. C'est Maman qui s'en chargea : "Oh, Aline vient d'avoir un petit souci... Je lui ai demandé de refaire devant moi quelques opérations qu'elle venait de faire à grande vitesse et sans faute... Mais, cela s'est avéré plus difficile devant sa chère Maman, n'est-ce pas Aline ?"
Ma soeur détourna les yeux et resta muette, me jetant de petits regards inquiets qui me firent comprendre que j'allais être découverte...
Maman le confirma : "Le plus drôle, Jacqueline, mais en fait cela ne me fait pas rire du tout, c'est qu'Aline s'était faite faire ses opérations par Christine".
Par réflexe habituel, je sursautai en disant : "Mais, non, c'est pas vrai... Ce n'est pas moi..."
Ce à quoi Maman répliqua : "Inutile de mentir en plus, Christine. C'est vraiment une sale manie chez toi. Aline avait encore le bout de papier écrit de ta main avec les résultats. J'ai d'ailleurs failli me faire prendre à cette manoeuvre. Sauf qu'Aline, trop contente de n'avoir pas à se fatiguer avec le calcul a recopié trop vite et juste inversé deux des résultats d'opération. Tout était bon sauf que deux des chiffres n'étaient pas sur les bonnes lignes..."
Tata Jacqueline n'avait pas pu s'empêcher de sourire en imaginant l'entourloupe, glissant : "Ah les futées, quand même".
Maman poursuivit d'un ton ferme : "Mais, à futée, futée et demie, et je ne me laisserai pas berner ainsi. Aline s'est ramassée une paire de claques magistrale et a dû refaire ses opérations devant moi... Elle a de la chance d'avoir réussi en s'appliquant à trouver neuf des dix résultats, sinon j'allais m'occuper de ses fesses..."
Nous suivions toutes les quatre le discours maternel, Tata et Diane avec un sourire en coin, alors qu'Aline était au bord des larmes, et que moi, je tirais une mine plus qu'inquiète, que les phrases suivantes de Maman firent passer de l'inquiétude à l'angoisse...
"En tout cas, je ne me ferai plus prendre et je ne laisserai plus les filles travailler sur la même table sans que je sois dans la pièce. Et, j'en connais une qui va payer ça...", dit-elle. Je fronçai les sourcils, apeurée. Maman confirma : "Oui, Christine, tu peux faire la grimace. Nous allons régler nos comptes à la maison, et ça va barder, je te le promets..."
Mieux valait ne pas rétorquer en public, et tournai la tête en mordant mes lèvres pour réprimer un sanglot qui me montait à la gorge.
Tata essaya de plaider ma cause : "Ce n'est pas si grave. Elle voulait juste aider sa soeur."
Maman n'était pas de cet avis : "Quand je lui demande justement de l'aider ou de la faire réciter, Christine rechigne. Là, c'était en douce, ce n'était rien d'autre que de la triche, et je ne peux pas l'admettre..."
Tata concéda que oui, mais demanda si c'était bien nécessaire de me punir sévérement.
Maman ne voulut rien savoir : "Laisse-moi faire à ma manière, s'il te plait. Christine a amplement mérité une bonne fessée. Elle a déjà eu de la chance d'y échapper ces derniers jours. Et celle-là, elle l'a bien cherchée et elle n'y coupera pas, crois moi..."
J'avais compris sans cela, et je pestais intérieurement d'entendre Maman développer le sujet.
Allongée sur une couverture, et prenant une pose d'angelot, Diane ne manquait rien de la scène, buvant les paroles de Maman, et me regardant grimacer. Elle devait bicher intérieurement... Nul ne penserait plus à la fessée qu'elle avait reçue récemment. L'actualité se focalisait à nouveau sur la grande soeur...
Un nouvel épisode des malheurs de Christine était en route. Chez les Spaak, c'était comme les titres du 20 h familial, c'était même le programme du soir...
Nous sommes restées jusqu'à 18 h au parc. En partageant vers 4 h et demi le goûter apporté par Maman. L'ambiance était plutôt joyeuse chez mes soeurs, l'appétit moindre en ce qui me concernait...
Et me voici donc en cette fin d'après-midi, suivant Maman sur le chemin de la maison...
Pour une fois, Aline et Diane n'avaient pas rechigné pour se mettre en route. Seule, j'avais tenté de prolonger la sortie, voire de vouloir rester avec Tata. Qui ne tente rien, n'a rien, dit-on, mais, la ficelle était évidemment trop grosse.
Tata le constatant l'interrogea, mais soeurette ne répondit pas. C'est Maman qui s'en chargea : "Oh, Aline vient d'avoir un petit souci... Je lui ai demandé de refaire devant moi quelques opérations qu'elle venait de faire à grande vitesse et sans faute... Mais, cela s'est avéré plus difficile devant sa chère Maman, n'est-ce pas Aline ?"
Ma soeur détourna les yeux et resta muette, me jetant de petits regards inquiets qui me firent comprendre que j'allais être découverte...
Maman le confirma : "Le plus drôle, Jacqueline, mais en fait cela ne me fait pas rire du tout, c'est qu'Aline s'était faite faire ses opérations par Christine".
Par réflexe habituel, je sursautai en disant : "Mais, non, c'est pas vrai... Ce n'est pas moi..."
Ce à quoi Maman répliqua : "Inutile de mentir en plus, Christine. C'est vraiment une sale manie chez toi. Aline avait encore le bout de papier écrit de ta main avec les résultats. J'ai d'ailleurs failli me faire prendre à cette manoeuvre. Sauf qu'Aline, trop contente de n'avoir pas à se fatiguer avec le calcul a recopié trop vite et juste inversé deux des résultats d'opération. Tout était bon sauf que deux des chiffres n'étaient pas sur les bonnes lignes..."
Tata Jacqueline n'avait pas pu s'empêcher de sourire en imaginant l'entourloupe, glissant : "Ah les futées, quand même".
Maman poursuivit d'un ton ferme : "Mais, à futée, futée et demie, et je ne me laisserai pas berner ainsi. Aline s'est ramassée une paire de claques magistrale et a dû refaire ses opérations devant moi... Elle a de la chance d'avoir réussi en s'appliquant à trouver neuf des dix résultats, sinon j'allais m'occuper de ses fesses..."
Nous suivions toutes les quatre le discours maternel, Tata et Diane avec un sourire en coin, alors qu'Aline était au bord des larmes, et que moi, je tirais une mine plus qu'inquiète, que les phrases suivantes de Maman firent passer de l'inquiétude à l'angoisse...
"En tout cas, je ne me ferai plus prendre et je ne laisserai plus les filles travailler sur la même table sans que je sois dans la pièce. Et, j'en connais une qui va payer ça...", dit-elle. Je fronçai les sourcils, apeurée. Maman confirma : "Oui, Christine, tu peux faire la grimace. Nous allons régler nos comptes à la maison, et ça va barder, je te le promets..."
Mieux valait ne pas rétorquer en public, et tournai la tête en mordant mes lèvres pour réprimer un sanglot qui me montait à la gorge.
Tata essaya de plaider ma cause : "Ce n'est pas si grave. Elle voulait juste aider sa soeur."
Maman n'était pas de cet avis : "Quand je lui demande justement de l'aider ou de la faire réciter, Christine rechigne. Là, c'était en douce, ce n'était rien d'autre que de la triche, et je ne peux pas l'admettre..."
Tata concéda que oui, mais demanda si c'était bien nécessaire de me punir sévérement.
Maman ne voulut rien savoir : "Laisse-moi faire à ma manière, s'il te plait. Christine a amplement mérité une bonne fessée. Elle a déjà eu de la chance d'y échapper ces derniers jours. Et celle-là, elle l'a bien cherchée et elle n'y coupera pas, crois moi..."
J'avais compris sans cela, et je pestais intérieurement d'entendre Maman développer le sujet.
Allongée sur une couverture, et prenant une pose d'angelot, Diane ne manquait rien de la scène, buvant les paroles de Maman, et me regardant grimacer. Elle devait bicher intérieurement... Nul ne penserait plus à la fessée qu'elle avait reçue récemment. L'actualité se focalisait à nouveau sur la grande soeur...
Un nouvel épisode des malheurs de Christine était en route. Chez les Spaak, c'était comme les titres du 20 h familial, c'était même le programme du soir...
Nous sommes restées jusqu'à 18 h au parc. En partageant vers 4 h et demi le goûter apporté par Maman. L'ambiance était plutôt joyeuse chez mes soeurs, l'appétit moindre en ce qui me concernait...
Et me voici donc en cette fin d'après-midi, suivant Maman sur le chemin de la maison...
Pour une fois, Aline et Diane n'avaient pas rechigné pour se mettre en route. Seule, j'avais tenté de prolonger la sortie, voire de vouloir rester avec Tata. Qui ne tente rien, n'a rien, dit-on, mais, la ficelle était évidemment trop grosse.
Les petites devant, qui rentraient en chantant, sautillantes et gaies, se donnaient la main, sagement et visiblement réunies, comme retrouvées dans une certaine complicité. Comme si elles avaient hâte d'être à la maison.
Quelques pas derrière, Maman marchait d'un pas décidé, sans courir, avec juste une allure déterminée, et des pensées qui devaient lui tourner dans la tête sur ce qu'elle avait à faire, du linge à étendre en passant par le dîner à finir de préparer, aux douches à faire prendre aux filles, et bien sûr aux comptes à régler avec Christine...
Cinq ou six pas derrière Maman, je suivais, sans vouloir me rapprocher, pour éviter qu'elle ne me parle, sans rester trop à la traine pour ne pas provoquer de courroux supplémentaire.
Si encore, Maman avait dit "On en reparlera à la maison" ! Si elle était restée dans le vague, dans le flou, mes pensées auraient bouillonné, cherchant à trouver la parade, l'excuse, l'explication, préparant ma plaidoirie...
Mais, la sentence était tombée sans équivoque aucune : "Christine a amplement mérité une bonne fessée. Elle a déjà eu de la chance d'y échapper ces derniers jours. Et celle-là, elle l'a bien cherchée et elle n'y coupera pas, crois moi..." Les mots de Maman à Tata tout à l'heure, je les avais en tête, je pouvais les réciter par coeur et ils ne me laissaient aucun espoir.
Bien sûr, j'aurais pu minimiser en me disant que je n'aurais jamais imaginé, le soir du bulletin et des deux volées, pouvoir passer près d'un mois ensuite sans la moindre fessée... Que cela aurait pu me consoler de me dire qu'Aline avait été servie plus qu'à son tour, et que même Diane n'y avait échappé...
Mais, cela ne me faisait que comprendre que cette fois, c'était la bonne...
J'en frémissais à l'avance, j'en avais les jambes flageolantes par moment, et des montées d'angoisse, de sanglots réprimés. Je savais que si les soirées sont souvent calmes et tranquilles en périodes de vacances, ce soir ne serait pas un soir comme les autres. J'en étais et j'en serais la vedette involontaire... Allez, Christine, marche, suis Maman... Allez, Christine, rentre à la maison où Maman va te donner la fessée...
A SUIVRE