vendredi 26 février 2016

Chronique d'un redoublement : 97. Quelques heures de gagnées, mais une surprise de Diane...

SUITE 96

Je n'aurais pas pu répéter un mot de ce qu'a dit Mlle Paule durant le dernier quart d'heure de son cours d'anglais. Heureusement qu'elle n'a pas cherché à m'interroger...
J'étais vraiment ailleurs, toute à mes pensées, qui s'entrechoquaient dans ma tête.
Je m'en voulais d'avoir réagi à voix haute, me réjouissant du malheur, ou du moins de la punition infligée à mes deux moqueuses de camarades...
Mais, surtout, je me répétais les avertissements maternels et les menaces sans équivoque qui les accompagnaient à propos de ce dernier mois de classe. Maman m'avait prévenue, et mes soeurs en avaient été les témoins, ce qui enlevait toute chance qu'elle se déjuge : durant ces dernières semaines, pas question de ramener autre chose que de bonnes notes, sinon...
Sinon, je n'aurais qu'à préparer mes fesses, et le souvenir de la dernière tannée reçue, sous les yeux de mes soeurs, était encore vif dans mon esprit pour me rappeler que lorsque Maman tient ses promesses, ce n'est jamais à moitié...




Le souvenir de me dernière fessée reçue devant mes soeurs
me hantait  et j'imaginais qu'une nouvelle colle 
dans la même matière me vaudrait au moins autant... 

Si encore, j'aurais été seule à imaginer ce qui m'attendait, j'aurais pu, comme je l'avais fait si souvent, jouer à la fille confiante, à celle qui ne craint rien, et tenter de ne rien montrer de mon angoisse, en gardant tout à l'intérieur de moi...
Mais, cette fois, depuis que Babette et Brigitte jouaient les oiseaux de mauvais augure, et se moquaient de mes punitions de gamine, j'appréhendais la fin du cours, les prochaines récréations et autres occasions qu'elles allaient avoir pour me titiller sur le sujet...
Je sais bien que mon réflexe premier allait être de tout nier en bloc, mais ce que mes deux camarades savaient sur le sujet, de par les confidences de ma mère (et aussi, ce que j'ignorais, de par les récits de Diane), rendait ma position de moins en moins crédible...
A la fin du cours, je laissai les deux moqueuses sortir et m'arrangeai pour les éviter le temps de la récréation. Mais, je les guettais de loin, et constatais qu'elles étaient bien entourées et avaient cette attitude de personnes qui échangent des secrets... Ce n'était peut-être pas ça, mais mon imagination angoissée me ramenait à ce genre d'hypothèse.
En rentrant en classe pour la dernière heure de cours de la journée, Babette réussit quand même à me glisser à mi-voix : "Alors, Christine, ta mère va s'occuper de tes fesses, ce soir..." Son petit geste de la main ne laissait aucun doute sur ce à quoi elle faisait allusion...


Babette avait réussi à me glisser des mots moqueurs, 
me prédisant une fessée magistrale le soir-même... 

Par chance, durant cette dernière heure de cours, avec la prof d'histoire-géo, j'étais placée au premier rang, et mes deux moqueuses trois pupitres derrière moi, et j'échappai à leurs mimiques et rires sous cape, en ne me retournant pas de toute l'heure. La Christine habituellement dissipée, ou du moins pas la dernière à rire, à participer en classe, s'était muée en modèle de silence, ce que la prof a dû remarquer, et sûrement mes camarades aussi qui devaient deviner que cela gambergeait dans ma petite tête...
Mais, je me gardais bien de faire partager mes pensées qui étaient bien éloignées du cours de géo, et se concentraient sur ce que j'allais faire ou ne pas faire en rentrant à la maison...
Quand la fin des cours sonna, je rangeai mes affaires comme une automate, et j'ai gagné la porte du collège sans dire un mot à personne. Devant l'établissement, je tombai sur Babette et Brigitte qui m'interpellèrent : "Hé ho, Christine, dépêche-toi de rentrer raconter tes exploits à ta maman. Je suis sûre qu'elle va te féliciter..." lança Babette.
Je haussai les épaules, jouant les blasées... Brigitte embraya : "Tu ne veux pas qu'on te raccompagne ? Tu pourrais nous inviter à jouer chez toi ?" Je ne pus m'empêcher de réagir, même si la ficelle était un peu grosse. Je répondis du tac au tac : "Euh, non, non, euh pas ce soir, pas ce soir..."
Mes camarades éclatèrent de rire, Babette enfonçant le clou : "Ah, oui c'est vrai que tu ne vas pas pouvoir jouer ce soir... Parce que ce soir, c'est la fessée qui t'attend... La grosse fessée déculottée sur les genoux de ta Maman... Et c'est bien fait pour toi, na !"
Je ne sus que dire : "Même pas vrai, c'est même pas vrai !" avec des larmes qui me montaient aux yeux et que je cachai en détournant la tête et  en prenant la poudre d'escampette, pendant que Brigitte lançait : "C'est ça, file. Va vite voir ta Maman..."


 Les deux moqueuses m'avaient à nouveau titiller,
à la sortie du collège, imaginant mon retour peu glorieux
à la maison avec une déculottée assurée...


J'avais couru jusqu'au carrefour suivant, et m'arrêtai une fois le coin passé, le coeur battant.
Babette et Brigitte ne m'avaient pas suivie. De fait, comme je pus l'observer de loin, elles étaient restées devant le collège, en attendant Corinne, à qui elles racontèrent mes exploits, un renseignement dont la "grande de quatrième" comprit l'importance, et se fit forte auprès de mes camarades de leur donner des nouvelles de la suite qui en serait donnée dans la famille Spaak...
Je restai de longues minutes bloquée, à deux rues de la maison, le cerveau traversé par une foule de sentiments contradictoires. Cette nouvelle colle était comme un fardeau insupportable. Je ne savais que trop que cela allait me valoir une déculottée maison, mais je ne pouvais supporter l'idée que Babette et Brigitte, et sûrement d'autres à qui elles allaient raconter mes tourments, étaient en train d'imaginer la scène...


J'étais restée bloquée à deux rues de la maison,
hésitant sur la conduite à tenir, ne sachant que trop
que même la franchise m'amènerait sur les genoux de Maman
pour une nouvelle tannée promise et méritée...  


D'un côté, dans le contexte particulier de ce dernier mois de classe, j'avais conscience que mieux vaudrait être franche avec Maman, mais d'un autre côté, j'aurais tellement voulu revoir Babette et Brigitte en leur disant : "Non, je n'ai même pas eu la fessée..."
Comment faire donc ? Attendre l'arrivée du bulletin de colle paraissait difficile, car nous étions vendredi soir, et que l'avis n'arriverait pas avant mardi ou mercredi, ce qui supposait aussi que Maman ne rencontre pas la prof ou une autre mère concernée, et aussi que j'arrive à cacher mon trouble, mon angoisse aussi longtemps...
Mais, rentrer et vider son sac tout de suite, c'était donner raison aux deux moqueuses, et je n'étais même pas sûre que mon élan de franchise aurait eu une conséquence sur ce qui m'attendait... C'était comme amener mes fesses sur un plateau pour les offrir à la sainte colère maternelle...
Finalement, je repris le chemin de la maison, en me disant que j'allais ne rien dire sur le moment, et que je chercherais une opportunité d'annoncer la nouvelle durant le week-end...
"Tu n'es pas en avance, Christine. Je n'aime pas quand tu traines en route", remarqua Maman quand je rentrai ayant en effet perdu un petit quart d'heure à réfléchir et à retrouver une attitude calme, ou plus exactement "faussement calme".
Mais, je me gardai bien de répondre, de peur que mon ton peu rassuré n'éveille les soupçons maternels... 
L'alerte passée, je ressentais déjà comme une petite satisfaction d'avoir gagné un peu de temps. Et les événements allaient m'aider pour une fois.


Maman avait remarqué que j'avais traîné en chemin...
Même si elle se doutait de quelque chose, je réussis à jouer
les innocentes... C'était toujours cela de gagné...

Ce vendredi soir, Maman était pressée, et n'allait pas tout de suite vérifier cartables, notes, leçons et devoirs, ayant du temps en perspective le samedi. Voilà qui m'évita de rajouter un mensonge de plus si elle m'avait demandé si tout s'était bien passé...
Aline avait rendez-vous chez le dentiste et Maman devait l'accompagner, nous annonça-t-elle. Puis, on dinerait tôt, avant que les deux petites n'aillent à la répétition de leur gala de danse de fin d'année. Diane devait y être de 19 h 45 à 20 h 45, et Aline de 21 h à 22 h
Les petites étaient très enjouées par leurs histoires de costumes, de pas à répéter, et j'avoue que cette agitation me permettait de rester à l'écart, de me donner une image de fille sage, et d'éviter les questions maternelles. Bref, je cachais bien mon jeu, et j'en jubilais intérieurement.
Les parents des petites danseuses s'étaient arrangées pour s'épargner une part des trajets, notamment pour ceux qui, comme Maman, avaient des enfants dans les différents niveaux (il y avait même un troisième cours pour les tout-petits de 18 h 30 à 19 h 30).
C'est une autre mère qui est venue chercher Diane, et la ramener alors que Maman allait emmener Aline dont elle suivrait la répétition.
Avant de partir, Maman me rappela la consigne. Diane devait se mettre en pyjama et aller au lit, et moi je devais me coucher aussi, même si j'avais la permission de lire en attendant son retour. Je savais aussi que je pouvais appeler Tata Jacqueline s'il y avait le moindre problème. Voilà qui me donnait un rôle de grande que j'appréciais, et me changeait de mes peurs et angoisses du moment...
En tout cas, j'avais la satisfaction de me dire que j'avais gagné une soirée, et je me disais, fataliste, qu'il ferait jour demain, et advienne que pourra...
Je surveillai la mise en pyjama de Diane, qui était sage, comme souvent quand elle n'était pas avec Aline. Elle était aussi fatiguée de sa répétition de danse et s'est mise au lit sans difficulté. Elle me demanda de laisser sa porte entrouverte et de la lumière dans le couloir, ce que Maman aurait elle-même autorisé.
Ayant à me mettre à mon tour en tenue de nuit, je dis bonsoir à ma soeur, et m'apprêtai à quitter la chambre des petites, quand Diane me demanda d'une petite voix curieuse : "Dis, Christine, c'est vrai que tu as eu deux heures de colle en anglais ?"
Je manquai de trébucher en me retournant, surprise, stupéfaite même...


La question de Diane, au moment du coucher, me stupéfia :
 "Dis, c'est vrai que tu as eu deux heures de colle en anglais?"
Je me sentis comme dans une impasse...
 

"Mais, mais, comment tu sais ?" l'interrogeai-je.
"Alors, c'est vrai, dis ? C'est Charline qui me l'a raconté." avoua sans peine Diane, et je compris en un instant le cheminement de la nouvelle, via les moqueuses et via Corinne, la grande soeur de Charline...
Je me sentais prise dans un piège, coincée, dans une impasse... Je ne savais plus quoi dire...
Diane chercha à en savoir plus : "Mais, Maman ne le sait pas encore ? Tu ne lui as pas dit, hein ? Elle ne va pas être contente..."
Je balbutiai : "Bah, euh, j'ai pas, euh j'ai pas eu le temps. Je lui dirai demain, promis. Mais, toi, tu ne dis rien, d'accord ?"
Diane hésitait : "Moi, je ne veux pas cacher quelque chose à Maman. C'est un mensonge, et elle n'aime pas ça..."
J'insistai : "Si elle ne sait pas, elle ne va pas te demander, alors tu ne mentiras pas. Et puis, tu vas sûrement dormir quand elle rentrera. De toute façon, je lui dirai demain. Allez, sois gentille, je n'ai pas envie d'en discuter ce soir avec Maman..."   
Diane comprit, commentant : "Surtout que si elle le sait, tu vas recevoir une sacrée fessée, c'est sûr, ça..."
Je cherchai à nier un instant et à jouer les détachées : "On verra, Si je lui explique bien, elle sera peut-être compréhensive, tu sais..."
Diane me ramena sur terre : "Je sais surtout ce qu'elle a promis pour le dernier mois de classe... Tu y échapperas peut-être ce soir, si je ne dis rien, mais tu peux préparer tes fesses pour demain. Je te dis que ça va barder..."
Je laissai Diane dans la pénombre, ne refermant pas totalement la porte, comme elle le souhaitait... Ce n'était pas le moment d'entrer en conflit avec soeurette, si je ne voulais pas que la soirée s'achève de la pire des façons...


En me déshabillant, je scrutai mon bas du dos... 
Je savais qu'il allait devenir brûlant et écarlate...
Et ce serait pour demain, au plus tard, si ce n'est ce soir...
J'en frissonnais de tout mon corps... 


Bouleversée et sachant maintenant que tout se réglerait au plus tard demain, je me hâtai de me mettre en tenue de nuit, imaginant que mieux vaudrait, pour éviter toute discussion, faire semblant de dormir quand Maman et Aline rentreraient...
En me déshabillant, j'observai un instant mon bas du dos dans la glace. J'en frissonnais en me disant que si j'arrivais à passer le cap de ce soir (ce qui n'était pas encore fait...), demain à n'en pas douter ma lune blanche allait devenir écarlate...

A SUIVRE