Meux valait en effet m'endormir après un baiser maternel que les fesses écarlates... Et j'ai apprécié particulièrement ce "Bonne nuit, ma chérie. Fais de beaux rêves", doublé d'un gros câlin d'une Maman qui ignorait les "exploits" de sa fille ainée...
J'avais juste une fraction de seconde pensé que j'aurais dû à ce moment précis soulagé ma conscience, et dire à Maman : "Faire de beaux rêves, j'aimerais bien, mais il y a quelque chose qui me chagrine, qui me reste sur le coeur, et que je voudrais bien te confier, à condition que tu ne te fâches pas". Mais, je savais bien que ce n'était pas possible, et je me suis abstenue, contrariée tout de même d'avoir ce problème de conscience...
Et j'ai eu du mal à m'endormir, me tournant et retournant, analysant la situation, sans pouvoir penser à autre chose que le fait que j'étais dans une impasse. Même si la petite voix tentatrice me disait qu'après la fessée d'Aline, ce n'était pas le bon jour pour provoquer un second orage dans la même soirée, et que je devais être contente d'avoir déjà gagné une journée, et qu'il ferait jour demain...
Mais, le "Fais de beaux rêves" de Maman revenait aussi et m'entraina, comme souvent en ce genre de situations, sur le chemin des cauchemars. L'un d'entre eux me fit me réveiller en pleine nuit, et je dus rallumer ma lumière, boire un verre d'eau, avant que ses images ne quittent ma tête...
Je venais de rêver que Maman était assise dans le salon, sur une chaise face au canapé et à la porte du couloir. Sur le canapé étaient assises mes soeurs et Tata Jacqueline, les yeux grand ouverts. Et moi, moi j'étais étendue en travers des genoux maternels, short et culotte baissés jusqu'aux mollets, attendant une fessée imminente...
Magie ou horreur du rêve, j'étais à la fois en position disciplinaire, tout en voyant la scène comme si j'étais juste à côté de Maman. Ce qui me donnait une vue imprenable sur mon propre dos. J'avais l'impression que ma lune était grande et rebondie, sans commune mesure avec les petites pommes d'Aline. Maman m'avait bien équilibrée et sa main droite était posée sur ma mappemonde postérieure comme pour juger de la fraicheur de mon épiderme, comme pour jauger la tâche à accomplir.
J'étais étrangement calme, résignée, ne gigotant pas le moins du monde, comme acceptant dans ce cauchemar ce que je combattrais forcément dans la réalité.
Maman semblait satisfaite, prête à laisser sa main droite entrer en scène, quand la porte du salon s'entrouvrit encore, laissant pénétrer la boulangère et sa vendeuse !
"Asseyez vous donc, Mme Breton, et toi Noémie aussi. Il reste deux chaises à côté de la commode. Vous arrivez juste à temps, je vous attendais pour commencer...", lança Maman en accueillant les visiteuses.
Personne ne semblait surpris de cette arrivée, comme si elle avait été prévue, et je ne protestais même pas, tournant la tête vers les arrivantes avec un petit sourire poli comme si je leur disais bonjour.
Noémie et Mme Breton assises, Maman redressa la position de son dos, re-vérifia que j'étais bien en équilibre, commentant pour son auditoire : "Voilà, on va pouvoir passer aux choses sérieuses. Comme je vous l'avais dit, quand elle n'est pas sage, ma grande fille reçoit de bonnes fessées bien méritées. Et bien sûr, pour que les claques fassent leur effet, je lui baisse sa culotte... Mais, assez parlé, vous n'êtes pas venues pour m'écouter donner un cours théorique. Je vais donc vous montrer ce qu'il en retourne. Comme ça, vous saurez de quoi je parle quand je menace mes filles de m'occuper de leur cas en rentrant à la maison..."
Noémie et Mme Breton acquiesçait : "Faites donc, je vous en prie. Ne faites pas trop attendre cette demoiselle", répliqua la boulangère, avec un petit sourire aux lèvres.
"Alors, puisque tout le monde est bien installé, allons y. Tu es prête, Christine ? Tu te rappelles pourquoi je vais te donner la fessée ?", interrogea Maman, et je m'entendis répondre, dans ce drôle de cauchemars : "Oh, oui Maman, je suis prête à recevoir une bonne fessée pour avoir chahuté en classe et récolté deux heures de colle". Et la main de Maman commençait à tomber, à la fois sur ma lune et sous mes yeux, où je voyais la paume maternelle rebondir et rebondir...
Mon cauchemar s'était arrêté là, je m'étais réveillée en sursaut, en gémissant, la main posée sur mes fesses comme pour me protéger...
Inutile de dire que j'avais passé une mauvaise nuit et que la journée suivante avait été pénible, ayant su dès mon arrivée au collège, que les enveloppes d'avis de colle n'étaient pas parties la veille, mais seraient postées le jour-même.
Si je tenais ma langue, cela me laissait une journée de répit, une journée pour jouer les innocentes, et surtout oublier ce cauchemar affreux et invraisemblable de par sa mise en scène, même si je savais que, concrètement, la fessée qui m'y était donnée n'était pas que de l'imaginaire, mais plutôt de l'anticipation.
Je rentrai le soir à la maison, sans crainte, hormis la possibilité que Maman ait rencontré ma prof, mais c'était peu probable.
La soirée passa sans problème, il est vrai qu'entre les cours de danse des petites, les courses de Maman à ranger, le passage rapide de Tata, je pus aisément jouer les innocentes sans être soupçonnées, sans que Maman ne subodore une entourloupe, même si, depuis la veille, il me semblait qu'elle se posait des questions à propos de ma gentillesse plus démonstrative que d'habitude... Une mère attentive a souvent de bonnes intuitions en la matière...
Cette seconde nuit depuis mon chahut en cours de maths fut un peu moins agitée, et le câlin maternel avait été autant apprécié que la veille, avec ce petit supplément d'une sensation que j'avais à nouveau gagné 24 heures, et que c'était dans ma tête une grande satisfaction.
J'essayai d'évacuer de ma tête le cauchemar de la veille, qui tentait de s'imposer à nouveau. Je me focalisai surtout sur la journée du lendemain, en me disant qu'il valait mieux que je prépare mes arguments puisque ce serait à coup sûr le jour J...
Je pensai donc moins à la boulangère et à sa vendeuse qui avaient peuplé mon cauchemar, et je pensai surtout à cette journée à venir, tentant de trouver comment je pourrais avoir une note géniale qui atténuerait la découverte de ma colle...
Peut-être en maths, essayai-je de me persuader, puisque nous avions à nouveau deux heures de cours le lendemain. J'y songeai toute la nuit, me faisant des films, des rêves moitié éveillés, où je décrochais trois 20 sur 20 dans la même journée.
Je me voyais ensuite, à la fin des cours, attendre l'enseignante de maths à la sortie de la salle des profs, près des casiers, et lui demander d'écrire un mot dans mon cahier de correspondance pour dire à Maman que j'avais eu des résultats exceptionnels. Mais, le rêve retombait dans le cauchemar, et la prof refusait, en me disant que les notes seraient dans le carnet mensuel et qu'il n'y avait pas à en parler avant.
J'insistais en vain, mais la prof n'était pas dupe : "Christine, même des bonnes notes ne rattrapent pas le fait que tu aies chahuté l'autre jour, et tant pis si ta Maman se fâche".
Puis, dans ce nouveau cauchemar, je voyais la prof regarder sa montre et me désigner la sortie : "Allez, Christine, il est temps de rentrer. Il ne faudrait pas que tu sois en retard en plus. Le facteur a dû passer chez toi, et je pense que ta Maman t'attend..." Et, toujours dans ce cauchemar demi-éveillé, la prof en m'accompagnant vers l'escalier de sortie, avait remonté l'arrière de ma jupe, tapotant furtivement à deux reprises le bas de ma lune, en disant avec un air moqueur : "Tiens, voilà deux belles joues qui vont être à la fête ce soir... Rentre donc vite à la maison, ta Maman va bien s'occuper d'elles, c'est sûr..."
Nul ne savait encore, à ce moment de la seconde nuit, qu'un bulletin de colle au courrier allait me valoir de sérieux ennuis, mais en deux nuits de cauchemar, je m'étais donc déjà vue déculottée devant famille et boulangerie réunis, et j'avais même imaginé ma prof parfaitement au courant...
Autant d'angoisses qui n'auraient pas eu lieu si j'avais avoué d'entrée, mais la sensation d'être encore les fesses blanches demeurait une sorte de consolation, voire de fierté dans ma tête de linotte...
Le matin du jour J, je me fis une fois encore transparente, gentille et serviable, pour éviter tout reproche. Lors de la récréation, je révisai mes leçons, ce que je ne faisais jamais, dans l'espoir d'une note miraculeuse. Et, à midi, en rentrant déjeuner, j'étais bien contente que le facteur ne soit pas encore passé jusque dans notre rue... Cette dernière était au milieu de sa tournée, et selon ce qu'il avait à distribuer, il passait juste avant ou peu après sa pause déjeuner. Mais, apparemment, là il n'était donc pas encore passé, ce qui était moins rassurant que s'il était passé sans rien apporter venant du collège...
Jouant encore les ainées modèles durant le déjeuner en famille, je repartis au collège, où j'appris par Martine, une camarade qui avait été collée en anglais, que l'enveloppe était arrivée chez elle, dans un quartier voisin du nôtre, à midi. Voilà qui ne faisait plus de doute : le facteur avait bien les enveloppes à distribuer, et ce serait chose faite dans notre rue aussi, comme souvent en début d'après-midi...
Cela me mit un sale coup au moral, et j'en perdis même une part de mon envie de décrocher la note miracle qui serait un bouclier ou du moins un atténuateur de fessée...
Je quittai le collège à la fin des cours, la mine défaite, la tête basse, en pensant que, cette fois, je cheminais vers mon destin, que ce qui m'angoissait depuis deux jours et deux nuits, allait sans nul doute trouver son épilogue et que, comme mon second cauchemar le faisait dire à la prof de maths, j'étais en train de ramener à la maison "deux belles joues" encore blanches, dont Maman allait sérieusement "s'occuper"...
En arrivant à la maison, Aline était dans le jardin, comme si elle m'attendait, les bras croisés, et avec un petit sourire en coin qui ressemblait à celui que j'avais imaginé sur les visages de Mme Breton et de sa vendeuse dans mon premier cauchemar...
"Maman est partie accompagner Diane chez le dentiste. Ton goûter est sur la table de la cuisine. Elle a dit que tu devrais faire tes devoirs en attendant qu'elle rentre. En tout cas, elle avait l'air en colère...", se fit un plaisir de me rapporter ma chère petite soeur, qui avait l'air aux anges.
"Elle t'a dit pourquoi ?", m'inquiétai-je, espérant qu'Aline n'en sache pas plus. Ce n'était pas le cas, hélas. Et sur un air moqueur qu'elle pouvait d'autant plus afficher que maman n'était pas là, Aline rétorqua : "Il y a une lettre du collège sur la table, à côté de ton goûter. Maman a dit que tu avais encore fait le clown en classe et que tu allais voir ce qui arrive aux chahuteuses..."
Je haussai les épaules et jouai les incrédules, tentant de cacher la trouille qui me faisait comme une boule dans le ventre. Je me hasardai à faire croire que j'étais confiante : "Pfff, c'est même pas vrai, parce que moi, je vais lui expliquer à Maman ce qui s'est passé et elle comprendra, tu verras. Et tu peux bien te moquer alors que, toi, il y a deux jours, tu as eu une bonne fessée. Moi, je vais te dire, c'est pas encore fait..."
J'ai tourné les talons pour rentrer prendre mon goûter et surtout voir la fameuse enveloppe, qui était bien là, sur la table de la cuisine. Aline était rentrée derrière moi, certainement pour voir ma tête.
Le bulletin de colle avait été sorti de l'enveloppe et était étalé sur la table. Le motif était bien celui que j'avais vu la prof écrire : "Bavarde au lieu de suivre le cours, et chahute derrière le dos de son professeur". J'eus plus de mal à afficher un visage ne trahissant pas mon angoisse, et je sentais que les larmes étaient prêtes à me monter aux yeux...
"Tu as vu ? Tu as vu ?" , demandait, insistante, Aline. Je rétorquai juste d'un "Pfff, c'est rien, je te dis..."
Mais quand Aline dit d'une petite voix presque rieuse : "C'est rien, c'est rien, c'est pas ce que disait Maman tout à l'heure. Je peux te dire qu'elle avait l'air fâché, et qu'elle a ajouté : j'en connais une qui peut préparer ses fesses..."
Je ne dis plus rien, et je finis mon verre de lait, avant de quitter la cuisine en prenant ma part de gâteau pour aller la finir dans ma chambre. J'aurais eu envie de gifler ma soeur, mais sachant qu'elle se plaindrait, et que ce n'était pas le moment de compliquer ma situation, je grimpai les escaliers, en entendant derrière moi la petite voix d'Aline, qui répétait en se retenant de pouffer : "Moi aussi, je sais qui c'est qui peut préparer ses fesses, c'est Christine, c'est Christine, et c'est bien fait pour elle, na, na ,na !"
J'avais, hélas, compris moi aussi que s'il y avait une lune en danger ce soir là, c'était bien la mienne...
A SUIVRE