dimanche 31 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (9) La leçon de morale alimente mes cauchemars

SUITE 8

"Ah, te voilà quand même. Tu descends plus vite d'habitude quand ta tante est là. Cela ne plait guère de devoir t'appeler plusieurs fois pour que tu obéisses, Christine. Ce n'est pourtant pas le jour où tu as intérêt à te distinguer... Tu l'as déjà assez fait comme ça", lança Maman quand j'apprus donc enfin, l'air penaude, et le pas timide.
Je comprenais que Maman était encore en rogne après moi, et je suis allée embrasser Tata, qui m'a serrée dans ses bras, où je restai quelques secondes. Comme un refuge, même si j'avais senti dans le regard presque amusé de la soeur de Maman une sorte de gentille moquerie à mon égard.




"On va pouvoir passer à table", poursuivit Maman qui venait de reposer son verre de Porto sur la table basse, avant de se rasseoir en constatant que Tata avait encore deux ou trois gorgées à finir.
Rien ne pressait, mais j'aurais bien aimé quand même que l'on passe au diner pour éviter de nouvelles parlotes autour de mon cas.
Surtout que si Tata et Aline s'étaient assises sur le canapé, Diane et Maman étaient sur des chaises, Maman ayant repris la la place où elle s'était "occupée" de mon cas...
C'était étrange. Il n'y avait plus de Christine sur ses genoux, mais j'avais l'impression de m'y revoir, et je repensais à la porte-fenêtre, prenant conscience que mes soeurs n'avaient dû pas rater grand chose de la scène...

Je m'étais assise à mon tour et je n'avais envie de rien dire, j'aurais voulu être transparente, être la fille invisible.
Mais, j'étais forcément le centre de tous les regards et j'avais conscience que mes oreilles allaient bientôt siffler à nouveau, à propos de mes exploits.
Sentant peut-être ma gêne, Tata Jacqueline embraya la conversation sur mes soeurs, demandant à Diane si elle avait de bonnes notes, ce que ma petite soeur confirma en frimant un maximum...


La même question posée à Aline eut une réponse plus ambigüe. Elle attendait un résultat de composition et n'était pas des plus confiantes. Maman intervint : "J'espère que cela ne sera pas aussi mauvais que le mois dernier, sinon ça pourrait aller mal, tu sais bien Aline..." 
Ma soeur ne releva pas faisant semblant de ne pas comprendre précisément. Diane, qui pouvait se permettre de jouer les filles modèles, releva, lançant à Aline : "Tu sais, si tu as des mauvaises notes, eh bien, Maman te donnera la fessée, la fessée déculottée, comme à Christine".
L'évocation de mon cas raviva mon émotion, et me rappela que j'avais le bas du dos encore endolori. J'eus du mal à me retenir de sangloter à nouveau.



Maman tint toutefois à rabattre le caquet de la vantarde, menaçant : "Diane, s'il te plait, tu ferais bien de te taire. Ce ne sont pas tes oignons. Et tu n'es pas à l'abri toi non plus. Cela fait un petit moment que tu y échappes, mais si tu veux prendre la suite de Christine, je peux aussi te baisser ta culotte ma chérie..."
Ma soeur qui était rieuse et enjouée, se figea d'un coup et tira une mine pas possible, vexée de cette réplique maternelle. A tout autre moment, j'aurais retenu, de mon côté, un sourire moqueur. Là, à l'évidence, la tirade de Maman était bienvenue et nécessaire. Toutefois, j'avais mal ressenti sa façon de présenter la chose. En menaçant Diane de "prendre ma suite" et de baisser sa culotte "aussi", elle rappelait bien à tout le monde ce qui m'était arrivé peu avant...
Tata ayant fini son verre, Maman ramassa ce qui était sur la table basse et se dirigea vers la cuisine pour ranger et finir de préparer le diner. Tata la suivit se proposant de donner un coup de main.
Je fus chargée pour ma part de dresser le couvert et fis donc plusieurs aller-retour entre cuisine et le coin salle à manger du salon.
Maman grognait en évoquant ses filles : "Vivement qu'elles grandissent vraiment", et Tata en profita pour lui demander qu'elle lui "raconte" mes exploits, comme elle l'avait annoncé quand Tata était arrivée.
Aline et Diane étaient restées dans le salon, mais comme j'allais et venais entre cuisine et salle à manger, je ne manquai rien des confidences maternelles.
Peut-être aurais-je dû me boucher les oreilles, ne pas m'attarder dans la cuisine, mais autant le sujet me faisait honte, autant je n'arrivais pas à me détacher des paroles maternelles.
Cela me mettait au bord des larmes, mais j'avais besoin de savoir ce que Maman en disait, ce que Tata en saurait.



Maman expliqua donc ma grosse bourde, et je fus même surprise de l'entendre dire : "Cela peut arriver. Une maladresse et le feutre casse, si au moins Christine m'avait prévenue à ce moment-là, cela n'aurait pas tourné à la catastrophe..."
Tata jouait les compréhensives, minimisant à son tour ma maladresse. Mais la voix de Maman retrouva des accents sévères en évoquant la suite : "Ce qui est grave, c'est que ta chère nièce a tout caché au milieu d'une pile de linge, et je ne te dis pas les dégâts... Il y a plusieurs vêtements à jeter, c'est irrattrapable."
Ma tante ne put que reconnaître qu'il y avait de quoi être vraiment fâchée... "D'où ce qui s'est passé avant que j'arrive, donc. Ma nièce préférée, comme tu dis, a dû passer un mauvais quart d'heure", rétorqua Tata, alors que j'étais revenue dans la cuisine.
Me voyant, elle se retourna et me dit : "Ah, ma pauvre chérie, ça ne doit pas être drôle, mais c'est ce qui arrive quand on désobéit ou on fâche sa Maman. Et avec ta grosse bêtise, connaissant ta Maman, tu savais bien que aurais la fessée, non ? Tu le comprends, Christine ?"
Je ne voulais certainement pas entamer un débat sur le sujet, j'étais rougissante et encore honteuse que la conversation tourne autour de mes fesses...
J'ai donc cherché l'apaisement, en acquiesçant entre deux sanglots me remontant à la gorge : "Bah, euh, oui, euh, oui Tata, je, euh, je comprends".
Maman rembraya : "Ca, comprendre, je pense qu'avec la volée qu'elle a prise, je n'en doute pas. Je crois que Christine a eu le temps de réfléchir, parce que Mademoiselle a été soignée avec une déculottée magistrale. J'espère surtout qu'elle s'en souviendra et arrêtera ses mensonges à répétition".
Tata plaida pour moi : "Mais, oui, je suis sûre que Christine a compris. Tu sais, je lui ai souvent dit qu'il fallait toujours dire la vérité à sa Maman, que cela ne faisait qu'empirer les choses de faire des cachotteries, et là en est bien la preuve..."
J'acquiesçai encore : "Oui, Tata, je sais, je me souviens". Même si les exemples qui me revenaient n'étaient pas concluants à mon sens.
Je sentais bien que cette histoire de mensonge, de bêtise cachée durant trois jours, était ce qui mettait le plus en rogne Maman. Mieux valait tenter de changer de sujet, ne pas relancer, espérer que Tata n'en rajoute pas. Mais, c'était mission impossible...


mercredi 27 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (8) Quand la honte ravive la douleur

SUITE 7

Dès que Maman m'a relâchée, je suis restée un instant, à genoux, fesses à l'air, hébétée, pleurant comme une madeleine.
"Allez, file dans ta chambre, et cache moi ces fesses bien rouges...", lança Maman, avec un ton ironique, qui me sortit de ma torpeur.
Je me relevai, en titubant un peu, comme groggy, et épuisée que j'étais après cette volée en règle.
Je remontai vite fait ma culotte, coinçant au passage le bas de ma robe, mais l'essentiel était sauf, ma lune était à l'abri des regards.



Mon bas du dos était écarlate et chaud comme un radiateur, je sentais la chaleur sous mes mains, même à travers le coton épais de ma culotte.
Cela augmentait encore mon émotion et faisait monter de gros sanglots dans ma gorge, alors que je quittais le salon pour aller me réfugier dans ma chambre.
J'y montai les yeux embués de larmes, me dirigeant comme au radar, et fermai bien ma porte derrière moi avant de me jeter sur le lit, m'affalant sur le côté, et plongeant la tête dans l'oreiller pour y pleurer longuement.



J'étais haletante un bon moment, puis ma respiration se calma petit à petit. La fessée avait comme un effet calmant, j'en sortais comme essorée, avec des sentiments mêlés.
La longue claquée avait eu raison de mes nerfs qui étaient à vif depuis plusieurs jours, depuis que j'avais la certitude qu'une fessée m'attendait. Et, à la limite, il y avait presque du soulagement. Je l'avais tellement crainte, redoutée, imaginée presque, que la fessée reçue m'enlevait ce flot d'angoisse de la tête.
Mais, la douleur qui remontait par moment, les picotements sur mon épiderme, et aussi des images, des bruits, des mots de Maman, qui résonnaient encore dans ma tête, me faisaient à nouveau repartir dans une crise de larmes.
J'essayais alors de me calmer à nouveau, de respirer moins vite, de chercher des idées positives.
Et quand le calme revenait, j'avais quasiment envie de m'endormir, pour que le sommeil mette du temps entre ma fessée et l'instant présent. Je me serais presque mise de moi-même en pyjama pour rester au lit jusqu'au lendemain, pour ce jour du retour sur les genoux maternels devienne un "hier", se conjugue au passé...


D'un côté, le choix maternel de me flanquer la tannée méritée peu après mon retour du collège, m'avait épargné l'attente et l'angoisse supplémentaires qu'aurait provoquées une décision de "s'occuper de mon cas" après le dîner.
Il aurait fallu subir les regards anticipateurs des frangines, la boule de peur qui coupe l'appétit, et l'envoi dans la chambre dès le desert avalé, pour "préparer" mes fesses.
Là, au moins, j'échappais à ces moments étranges et hélas si souvent vécus... Mais, a contrario, cette fessée de fin d'après-midi, laissait toute une plage horaire avant le coucher, où j'allais forcément devoir réapparaitre, et affronter allusions, morales, et à n'en pas douter moqueries.
Surtout que, un quart d'heure après que j'ai rejoint ma chambre, j'entendis sonner au portail du jardin. C'était Tata Jacqueline qui arrivait...
Je me levai de mon lit et guettai derrière les rideaux de ma fenêtre entrouverte. Je ne voulais pas me montrer, mais savoir ce qui se passait, mon premier réflexe étant comme une sorte de soulagement en pensant qu'à 15 ou 20 minutes près, Tata aurait débarqué alors que j'étais sur les genoux de sa soeur, culotte baissée, prenant une fessée magistrale. Finalement, je me disais que j'avais eu de la chance.
Aline et Diane étaient accourues au devant de Tata : "Coucou, les filles, ça va ? Où est donc votre mère ?"
Diane répondit : "Elle fait du repassage dans la cuisine".
Tata demanda encore : "Et Christine, elle ne joue pas dehors par ce beau soleil ? Elle révise peut-être ses devoirs ?"
C'est Aline, la turbulente de ces dernières semaines, qui se fit un plaisir de vendre la mêche. "Oh, non, Tata, Christine est dans sa chambre. Maman l'a punie, tu sais..."
"Ah, bon ?", eut à peine le temps de dire Tata sur un ton interrogatif, que ma chère soeur développa sa pensée : "Même que Maman lui a donné la fessée tout à l'heure. Même que c'était une grosse fessée déculottée..."
De derrière ma fenêtre, je pouvais observer chaque détail de la scène et j'enrageais. Je me doutais bien que Tata aurait appris mon infortune, mais l'espèce de joie moqueuse de ma soeur en racontant la scène me donnait envie de pleurer à nouveau...
Maman apparut sur le pas de la porte fenêtre du salon et vint embrasser sa soeur. "Tu dines avec nous, comme convenu ", demanda Maman à Tata qui acquiesça. Je compris ainsi que Maman, sachant qu'elle aurait du monde à dîner, avait certainement préféré régler ses comptes avant l'arrivée de Tata. Restait que, pour moi, cela faisait un regard de plus à devoir affronter pour la soirée, dans ma position de vilaine fille venant d'être punie comme elle le méritait...
Tata interrogea Maman sur ce que venait de dire Aline : "Alors, Christine a encore fait des siennes à ce qu'il paraît".
Maman répondit après avoir soupiré longuement : "Ah, ça tu peux le dire. Je ne sais pas quand j'en finirai avec leurs bêtises à toutes les trois. Mais, là, ma grande s'est distinguée, oh que oui... Je te raconterai ces exploits, en tout cas, ce que je peux te dire c'est que mademoiselle a été servie. Cela faisait un bout de temps que cela lui tournait autour, mais elle vient de récolter une fessée maison qui devrait la calmer un moment, j'espère..."
Tata n'en demanda pas plus. Maman avait précisé qu'elle lui "raconterait" plus tard. La soirée ne faisait que commencer, et ma tante sentait bien que sa soeur était suffisament énervée et qu'il valait mieux qu'elle ne se hasrade pas à prendre la défense de sa nièce préférée. Surtout que, dans le cas présent, il était trop tard...
Maman et Tata rentrèrent. Elles avaient des essayages de couturière à faire, et pour Maman le dîner à finir de préparer. Mes soeurs furent invitées à rester "jouer calmement" dehors, car ce n'était "vraiment pas le moment" de pousser leur mère à bout...
Je me rallongeai sur mon lit, espérant que l'on me laisserait tranquille le plus longtemps possible. Ce n'est en effet qu'à 19 h 30, que Maman, du bas, m'appela à descendre. Je ne bougeai pas la première fois. Un deuxième appel, plus énergique retentit, et je me décidai à rejoindre la famille qui se trouvait au salon, où Tata et Maman prenaient un petit verre de Porto blanc en apéritif.


Je descendis à pas de loup, lentement, hésitant avant de franchir le seuil de la porte, prenant une grande respiration, avant de me montrer, penaude, le profil bas, le regard pluôt vers le sol.
Tata était assise sur le canapé. Elle avait un petit sourire qui en disait long. J'y lisais : "Ah, te voilà, ma pauvre chérie". Mais, Tata m'observait avec un air gentiment taquin, plus que moqueur. Comme pour dire que j'avais un drôle d'air, ainsi toute gênée et repentante...

samedi 16 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (7) Quand la fessée se prolonge en tannée...

SUITE 6

Deux BN et un verre de lait m'attendaient sur la table de la cuisine. J'aurais dû être contente. Maman n'était pas trop gâteaux tout faits, et nous avions la plupart du temps des tartines de vrai pain, avec beurre et confiture, ou compote, les BN et autres produits industriels n'étant que pour quelques jours de ci de là, notamment pour nous faire plaisir.
Ce 23 mai, ils ne me consolaient pas de ma triste position. Et même des BN, j'avais du mal à les avaler.
Maman était rentrée avec une pile de linge sec et s'installa sur la table de la salle à manger pour trier ce qui était à repasser et ce qui était à ranger directement.
"Tu n'as pas encore fini ton goûter, Christine. Décidément, tu es bien lente ce soir... Allez, dépêche-toi. Tu mettras ton verre dans l'évier et tu viendras me voir. Je t'attends dans le salon..." avait-elle lancé au passage.
Dans le salon, maintenant ? C'était ce qui ressortait de sa phrase. J'aurais préféré qu'elle dise : on en parlera ce soir, dans ta chambre, avant de dormir. Mais, ce n'étaient hélas pas les désidérata d'une Christine qui faisaient la loi à la maison...
Et puis, depuis que je craignais ce moment, j'étais devenue fataliste, j'avais presque envie qu'on en finisse.
Le salon, cela faisait plus solennel que ma chambre, mais tant que mes soeurs jouaient dehors, cela restait assez intimiste, et mieux valait ne pas trop faire attendre Maman dans ce cas.
J'avais la gorge sèche, et les trois dernières gorgées de lait tiède m'ont fait du bien, petit moment de douceur précédant l'orage.
J'hésitais à sortir de la cuisine, à faire les quelques pas vers le salon. J'aurais voulu arrêter le temps, ou alors être déjà à demain. Mon regard se posa sur le grand calendrier accroché au mur à côté du réfrigérateur. Un de ces calendriers qui affichent six mois de l'année et qu'on retourne en été. Maman y inscrivait certaines dates, comme des pense-bête. Des rendez-vous pris à l'avance chez le médecin, des dates de vacances, etc.
Je regardai ces dernières semaines. Il y avait "Coiffeur" le 10 mai, Voyage scolaire Diane le 15 juin, etc. Et puis, tiens, "Christine à l'anniversaire d'Anne" dans la case du 16 avril...
Mais, pour moi, c'était surtout ce qui m'attendait au retour qui restait dans ma mémoire... A quoi je pensais depuis que j'avais cassé le feutre...
Aujourd'hui, à la case du 23 mai, il n'y avait rien, il n'y aurait rien, mais moi dans ma tête je la marquais d'une croix...



"Christine, qu'est-ce que tu fabriques ?", la voix maternelle me sortit de ma torpeur rêveuse ou plutôt cauchemardeuse...
"Euh, j'arrive, Maman, j'arrive..." dis-je en me dirigeant vers le salon-salle à manger. Maman y était assise sur une chaise qu'elle tourna et dégagea de la table sans se relever totalement.
Je m'arrêtai en voyant qu'elle me présentait ses genoux. D'un index, elle faisait le geste m'invitant à venir vers elle.
"Maman, s'il te plait, tu sais, euh, je te demande pardon, je ne voulais pas, euh, tacher tes vêtements..." plaidais-je avec une voix doucereuse et sanglotante.
"Christine, allez, viens ici, il n'y a rien à discuter. Tu as largement mérité cette fessée et tu sais bien que tu n'y échapperas pas. Alors, ne m'énerve pas davantage.." répliqua-t-elle d'un ton sec et courroucé.
J'aurais plutôt d'habitude encore chigné et me serais faite prier davantage avant de venir vers elle, mais là, peut-être consciente de l'étendue des dégâts de ma bêtise, je me suis approchée tête basse comme un mouton obéissant.
A peine ai-je eu une sensation de vertige, de trouille avant de plonger en travers de ses cuisses, attirée d'un bras ferme par Maman qui m'avait attrapé le poignet.
Je n'ai même pas dit un mot tant qu'elle dégagea ma jupe, la remontant bien dans mon dos, et je me surpris à ne pas tenter de dégager mon bras pour essayer de l'empêcher de baisser ma culotte. Non, j'ai seulement psalmodié un "Non, non, Oh, Maman, non, non" presque timide, presque à mi-voix, sans conviction.



"Oh, si Christine, oh que si...", répondit Maman à qui ma semi-passivité ne devait pas déplaire, et qui en profitait pour parfaire son oeuvre, pour dégager parfaitement la cible de son courroux, pour prendre le temps de bien me mettre en position avant de donner les premières claques...
"Ah, tu l'as bien cherchée, celle-là, Christine. Mais, tu ne vas pas être déçue, crois-moi", dit-elle, toujours sans avoir levé la main pour l'abattre sur ma lune qui tremblait, encore toute blanche et sans plus aucune protection...
Je tentai de l'amadouer : "Oh, Maman, ne sois pas trop dure. C'est une grosse bêtise, oui, mais je suis sage depuis longtemps, tu sais".
Comme toujours, mon argument tomba à plat...
"Oh, ce n'est pas une raison, ma fille. Je veux bien admettre que cela fait quelque temps que tu as échappé à la fessée, mais il s'en est fallu de peu deux ou trois fois. C'est même à se demander, pour avoir fait une telle bêtise, si cela ne te manquait pas. Eh bien, je vais te rafraichir la mémoire si tu ne te rappelles plus ce que c'est qu'une bonne fessée, Christine..."
J'aurais mieux fait de me taire finalement, ce rappel que je n'en avais pas reçue depuis un certain temps ne faisait que remonter la détermination maternelle.
Parce que me rappeler, ça oui, je me rappelais, et n'avait pas besoin d'une nouvelle fessée pour me souvenir de la dernière. Maman, elle, ne l'avait peut-être pas précisément en tête, mais moi je me voyais comme si c'était hier, ce 16 avril au soir, dans ma chambre, pyjama baissé, déculottée sur les genoux maternels.
Cela faisait un mois et sept jours, et mes fesses étaient écarlates, brûlantes, claquées méthodiquement. 37 jours plus tard, mes fesses étaient à nouveau offertes à la dextre maternelle, encore blanches, encore fraiches, mais plus que pour quelques instants... Ca y est, la si longue pause s'achevait dans un bruit mat... La fessée, ma fessée tombait, enfin, oserais-je dire...




Je serrai les dents, alors que les claques pleuvaient. Maman était remontée, décidée à donner une fessée mémorable. Je le savais, je le sentais dès les premières claques, il y avait de l'application, de la volonté de corriger sa fille comme elle le méritait.
Je tentais de retenir mes larmes, j'étouffais au maximum mes cris, ne voulant pas rameuter mes soeurs, ni alerter le quartier.
Comme dans ces cas où la punie a conscience qu'elle ne l'a pas volée cette fessée, je prenais l'averse avec une sorte de dignité, tant que la douleur ne me faisait pas passer au registre des cris aigus.
L'histoire était moins "parlante" qu'entre d'autres moments, même si la fessée s'entrecoupait de ces petits monologues maternels rappelant la faute, répétant que j'allais m'en souvenir, etc., etc.
C'était une fessée marquante, longue et précise, me "tannant" le moindre centimètre carré de mes rondeurs jumelles...
Après de longues minutes, Maman desserra un peu l'étreinte, mais sans me relâcher. Comme si elle jaugeait son oeuvre, se demandait si cela suffisait. Je restai immobile. Je sentais qu'il valait mieux ne rien dire, mais un "Maman, snif, snif, ça suffit, snif" m'échappa, et lui permit de rebondir...
"Tais toi, Christine. Ce n'est pas toi qui commande. Ah, tu l'as bien méritée cette fessée. Pour ta bêtise et pour m'avoir menti... Quand je pense que tu m'as caché ça, au lieu de me le dire. Si encore, tu m'en avais parlé avant que ça sèche, au lieu de le dissimuler. Franchement, je me demande quand tu comprendras Christine. Ah, je voyais bien depuis ce week-end, peut-être même depuis vendredi que tu n'avais pas la conscience tranquille. Je te sens, Christine, et malgré ça, tu continues à faire tes cachotteries en croyant que tu échapperas à ce que tu mérites... Mais, non, tu vois, Maman arrive toujours à savoir... Ah, Christine, rien que pour ça, tu mériterais une autre volée..."
Et, me bloquant à nouveau complètement, Maman se remit à claquer ma lune, avec une énergie renouvelée. C'était moins précis, moins appliqué qu'avant sa tirade, mais on sentait une colère rentrée qui s'exprimait, me donnant un supplément de claques plus que généreux, presque comme une fessée supplémentaire. Surprise par cette ardeur nouvelle au moment où je m'attendais à être libérée, à être débarrassée, je réagis plus vivement qu'avant, me mettant à crier, ne pouvant retenir mes gémissements, mes protestations, il est vrai que cette claquée finale s'abattait sur une lune déjà écarlate et qu'elle avait une vivacité propre à raviver la douleur.
Je gigotais sans pouvoir empêcher Maman de parachever sa correction. Elle, bien décidée à ce que la leçon soit retenue, claquait et claquait encore en menaçant : "Ah, Christine, j'en ai assez de tes mensonges. Tiens, tiens, tiens et tiens, et ça sera ainsi à chaque fois que tu me mentiras. Réfléchis bien avant de recommencer, sinon je n'ai pas fini de m'occuper de tes fesses..."
La "bonne fessée" annoncée tournait à la "tannée mémorable" et s'achevait par l'épuisement des combattants. Le bras de Maman décocha encore quelques dernières claques que je reçus sans plus même me débattre, calmée que j'étais par cette volée.
En détournant la tête vers la porte-fenêtre du salon, au moment où Maman desserrait son étreinte et tapotait ironiquement ma lune rougie en disant "Allez, c'est fini, rhabille-toi", j'aperçus deux têtes collées contre la vitre. Aline et Diane regardaient la scène avec des grands yeux pétillants. Depuis quand étaient-elles en position de guet ? Je ne le savais pas, mais je me doutais bien qu'elles n'avaient pas dû louper grand-chose, d'autant que la fenêtre proche était entrouverte et devait diffuser aussi la bande son, si j'ose dire.
Quand Maman, qui leur tournait le dos, se releva de sa chaise, les petites disparurent. Sûr qu'elles avaient emmagasiné de quoi se moquer de leur ainée un bon moment...

vendredi 15 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (6) L'orage est annoncé

SUITE 5

Allez, Christine, quand il faut y aller, il faut y aller... J'essayais de me motiver avant d'aller affronter Maman...
Ne pas me montrer était risquer de l'inquiéter, de l'énerver davantage. De toute manière, il n'y avait plus de suspense. Le feutre cassé en évidence sur mon bureau, le linge souillé qui trempait : ma grosse bêtise avait été découverte. C'était pour l'instant comme une histoire sans parole, mais je ne pouvais plus espérer échapper à l'explication, n'ayant pas réussi à faire disparaitre ces preuves, dont la disposition bien en évidence me désignait sans coup férir.
Je suis quand même allée voir dans la salle de bain le linge qui trempait, essayant de constater si les taches s'étaient estompées. J'ai même tenté de frotter un peu, mais sans résultat : pour indélébile, le feutre l'était vraiment. Certes, la tache rougissait légèrement l'eau savonneuse, mais l'encre était bien imprégnée au coeur des fibres, et ne disparaitrait pas...
Autrement dit, à part la solution de tout teindre en rouge ou en plus foncé, c'était fichu, foutu, et j'en connaissais une qui devait être furax...



Je me décidai enfin à aller au devant de Maman qui se trouvait au jardin avec mes soeurs. Elle était en train d'étendre du linge à sécher.
"Tiens, te voilà, Christine. Tu n'es pas en avance, ce soir. Tu sais que je n'aime pas que tu traines sur le chemin du retour.", me lança Maman en me voyant arriver.
"Euh, bah, non, je n'ai pas trainé. Non, M'man, j'ai peut-être marché un peu moins vite, c'est tout. Euh, je peux prendre mon goûter ?", dis-je en feignant l'innocence.
Maman rétorqua : "Oui, ton goûter est sur la table de la cuisine. Va le manger, et nous aurons à parler ensuite... Ah, Christine, Christine, c'est étonnant comme tu n'es pas pressée de rentrer certains jours... Surtout quand je suis pressée de te revoir, moi..."
Je fronçai les sourcils et fis la moue : "Euh, que veux-tu dire, Maman ?"
Elle répliqua : "Tu dois bien le savoir. A voir ta mine, ma fille, je pense que tu es déjà passée dans ta chambre et que tu as compris que j'avais trouvé le résultat de tes bêtises..."
Aline et Diane qui mangeaient leurs BN et buvaient leur verre de lait, assise à la table de la terrasse, écoutaient ce dialogue avec attention. Elles avaient stoppé leur conversation dès que j'étais apparue. Sûr que Maman avaient dû montrer qu'elle m'attendait de pied ferme.
Je n'avais pas envie de prolonger l'échange ainsi devant elles. Je rétorquai : "Bah, oui, j'ai été posée mes affaires dans ma chambre. Et je, euh, j'ai vu, euh, je t'expliquerai, M'man, tu sais, euh, je ne l'ai pas fait exprès..."
L'expression m'était sortie de la bouche comme un réflexe, comme le "c'est pas moi" ou le "c'est pas de ma faute" fusaient parfois, quitte à nier l'évidence, et signe de mon trouble profond.
C'était un réflexe de gamine, et je savais que Maman supportait mal ce genre de manière de me défausser. Elle le confirma : "T'expliquer, t'expliquer. Je ne suis pas sûre qu'il y ait grand chose à expliquer, Christine. C'est plutôt moi qui vais te donner une explication à ma manière. Et sur tes fesses, ma fille".
Des larmes me sont montées aux yeux en entendant ce que pourtant je m'attendais à entendre.
"Oh, non Maman, pardonne moi. J'ai juste pas fait exprès de casser le feutre. J'ai pas fait attention, et j'ai marché dessus.", répondis-je avec une petite voix implorante.
Elle haussa le ton : "Je veux bien te croire, Christine, que tu n'as pas fait exprès. Mais, si au moins tu m'avais prévenue sur le champ, si tu m'avais simplement montré le short taché, au lieu de cacher ta bêtise dans le panier à linge". 
Je marmonnai : "Bah, euh, oui Maman, j'aurais dû, mais j'avais, euh, peur que tu te fâches..."
Maman s'emporta : "Et voilà, tu as tout gagné, Christine. Ton feutre a taché toutes les affaires qui se trouvaient à côté, et elles sont fichues, irratrapables. Alors, oui, ma chérie, tu avais raison de craindre que je me fâche, mais dans ces conditions-là, ce n'est pas un peu que je vais me fâcher... Je vais te flanquer une fessée dont tu te souviendras longtemps, crois-moi..."
C'était donc dit et redit devant mes soeurs, et je ne pouvais rien répliquer tant j'avais conscience que le raisonnement maternel était imparable.
J'ai tourné les talons et suis rentrée dans la cuisine, en pleurnichant. Mon goûter était sur la table, je m'y suis assise et j'ai commencé à manger, sans appêtit, la gorge nouée. J'aurais pu aller le manger sur la table de la terrasse, mais cela aurait signifié affronter le regard de mes soeurs, et je ne m'en sentais pas capable. Je ne le voulais surtout pas... Surtout pas !   

A SUIVRE

mardi 12 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (5) La crainte était (hélas) fondée

SUITE 4

Je m'étais couchée avec cette angoisse en tête. Demain, lundi, jour de classe après le week-end, jour où Maman était tranquille pour vaquer à ses tâches ménagères, lundi serait forcément jour de lessive, et donc de découverte de mon dernier exploit...
Du 16 avril, jour d'anniversaire d'Anne, hélas ponctué de retour à la maison par une fessée mémorable, à ce 23 mai que nous serions demain, cela faisait donc un mois et sept jours que j'échappais aux foudres maternelles.
Et, cette fois, je me doutais bien que ma météo personnelle prévoyait un orage carabinée. Car, même si, à bien réfléchir, ma faute n'était qu'une succession de mauvais réflexes, le fait d'avoir depuis ces 37 jours frôlé à plusieurs reprises une nouvelle explication avec Maman, ne rendait que plus infime encore ma chance d'y échapper. 



Tournant et me retournant sur mon lit, en cette soirée de fin de printemps assez moite, j'avais du mal à m'endormir. Jusqu'à ce que l'éclair surgisse : la possibilité d'une échappatoire...
Que n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Il suffirait demain matin d'enlever discrètement du panier à linge les quatre pièces de vêtement souillées par le feutre indélébile pour faire disparaître ma faute.
Je gagnerais au moins du temps, et je m'endormis en pensant que j'avais trouvé la solution.
Hélas, le lendemain matin, je ne fus jamais tranquille. Il aurait fallu être seule, fouiller la panière de fond en comble, récupérer les vêtements, réussir à les sortir de la salle de bains sans se faire remarquer, puis les cacher en lieu sûr...
Un matin de classe avec nous trois à passer à la salle de bain et Maman sur le dos, c'était mission impossible...
Il y avait encore une chance que Maman ne se mette pas à faire ses lessives le matin, et que je puisse intervenir à midi.
Je rentrai quand même pas rassurée pour un sou, imaginant que ma bêtise avait peut-être été déjà découverte...
Le sourire maternel à mon arrivée m'ôta un gros poids. Cela montrait bien que Maman n'avait encore rien vu.
Je jouai les innocentes, trop contente que l'orage ne soit pas encore en vue...
Avant de repartir au collège, je prétextai un livre oublié pour remonter et tenter de vider la panière de la salle de bains. Mais, à peine y étais-je que j'entendis le pas de Maman dans l'escalier.
Je dus donc filer dans ma chambre prendre un livre au hasard pour ne pas me démasquer...
Maman, elle, allait dans la salle de bains, justement pour prendre de quoi faire une première machine. Elle avait changé nos draps et emplit une corbeille complète avec.
"Avec tout ce qu'il y a, j'ai bien trois tournées de machine à laver à faire", commenta Maman, en me croisant. "Allez, Christine, il est l'heure, ce n'est pas le moment d'être en retard en cours. File, ma chérie, à tout à l'heure".
J'hésitai un instant, j'avais envie d'avouer, mais c'était si simple de filer et de gagner du temps avant qu'elle ne se mette en colère. J'ai donc tourné les talons et filé, gardant l'image de Maman, son panier à linge sous le bras... Avant d'en remplir d'autres...



Inutile de dire que l'après-midi en cours n'a pas été très studieuse. Je faisias semblant d'écouter, mais j'avais d'autres idées en tête, et elles n'étaient pas gaies...
Par chance, aucun prof ne m'a interrogée et j'ai évité le pire. Dans ce genre de période de stress, j'aurais été capable de me récolter deux heures de colle, ce qui n'aurait fait que doubler la mise de ce qui m'attendait...
Je n'avais aucune envie de rentrer à la maison, mais je n'avais pas le choix...



J'ai pris mon temps, marchant doucement, tête basse, fuyant les copines du quartier qui voulaient faire un bout de chemin ou me raccompagner jusqu'à ma porte. J'avais trop peur de l'accueil pour prendre ce risque.
En arrivant chez nous, j'entendis les cris joyeux de mes soeurs qui jouaient dans le jardin derrière la maison. Je rentrai sans faire de bruit. La maison était silencieuse. Maman était sûrement aussi au jardin.
Avant de signaler mon retour, je n'avais qu'une hâte : monter voir dans la salle de bains, si Maman avait vidé la panière, si mon forfait était découvert...
J'avais le coeur qui battait fort, et il s'arrêta un instant en constatant que tout le linge sale avait disparu...
Tout ou presque, car dans le lavabo rempli d'eau moussante, je reconnus le fond de robe maternelle et mon short tachés qui trempaient. Je compris que Maman essayait de faire disparaître les taches, tentant de détacher l'indétachable...Aïe, aïe, aïe, le suspense n'avait plus lieu d'être. Tout était découvert. En ressortant, les jambes flageolantes, je posai mes affaires dans ma chambre. Sur la table de mon bureau, trônait un petit sac plastique transparent. Maman y avait mis le feutre cassé... 
Elle aurait pu le jeter directement, mais en le posant sur mon bureau, c'était comme l'on présente les pièces à conviction, dans des sacs scellés, pour les montrer aux jurés d'un procès.
Le message était clair. Avant même que j'ai à m'expliquer, cela voulait dire : "Christine, c'est ton feutre, Christine, je sais que c'est toi qui as fait ça. Christine, nous allons avoir un compte à régler".
Je ne savais pas quoi faire. Il fallait que je signale ma présence, avant que Maman ne s'inquiète. J'avais déjà dix bonnes minutes de retard. En même temps, aller à sa rencontre, c'était comme marcher vers ce que je craignais...
Allez, courage, Christine. De toute manière, depuis que ce fichu feutre a craqué sous ton pied, tu ne doutes pas de ce qui t'attend... Sois grande, rejoins Maman, l'heure est venue de l'énoncé du verdict. Allez, Christine, prépare tes fesses...

A SUIVRE

mardi 5 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (4) Une angoise inavouable...

SUITE 3

Hormis ces conversations crispantes entre Maman et Mamie sur les exploits de moi et mes soeurs, nous étions bien dans le parc et, mes soeurs jouant calmement, le moment se prolongea.
Tranquille dans mon coin, fatiguée d'une semaine de travail, et d'une nuit qui n'avait pas été vraiment réparatrice, de par la faute de mon stress, je fermai les yeux allongée dans l'herbe. J'ai dû même dormir une petite demi-heure, avant de me réveiller en sursaut, la mine apeurée, et poussant un petit cri.
Maman se retourna et me demanda : "Qu'est-ce qu'il y a Christine ? Tu as été piquée ? Ou tu fais un cauchemar ?"
Je ne répondis pas, rouvrant grand mes yeux et cherchant à m'ôter de la tête une vision de cauchemar... C'est vrai que je venais de faire un mauvais rêve, et m'étais réveillée en sursaut alors que je me voyais allongée sur les genoux maternels, culotte baissée, la main de Maman claquant ma lune rosissante...




Heureusement, ce n'était qu'un mauvais rêve, mais il avait été entretenu par les mots de Maman tout à l'heure. Je m'en rappelais la moindre virgule : "Ma grande a toutes les qualités du monde quand elle le veut bien... Sauf que le naturel revient vite au galop et qu'il faut savoir réagir.  Et Christine sait bien ce que je veux dire..."
Oh, que oui, que je le savais... Et que je le craignais pour les heures à venir...



De fait, ma trouille venait de la veille. J'étais allée faire les courses avec Maman en ville, et nous avions acheté des corbeilles dans un bazar. Près de la caisse, j'avais vu des feutres à encre permanente et convaincu Maman d'en acheter un noir et un rouge, afin de marquer des affaires de sport et aussi des cassettes audio.
J'avais pris les marqueurs et les avais mis dans ma poche de short, malgré les recommandations de Maman de faire attention, car "comme taches, c'est mortel".
Mais, jouant la grande, j'avais promis de faire attention et de m'en servir prudemment.
Rentrée à la maison, vendredi soir, je m'étais mise à effectuer mes marquages, gardant ensuite les feutres bien en poche, pour ne pas que mes soeurs me les prennent...



Après le diner, je m'étais mise en pyjama, laissant trainer par terre mes habits du jour, avec la consigne de les mettre au sale ensuite. Mais, allant et venant en chaussons dans ma chambre, j'ai marché par inadvertance sur mon short, provoquant un "crac" qui n'était pas de bon augure. Le feutre rouge était brisé et mon short affichait une belle auréole foncée, mélange du bleu du tissu et du rouge de l'encre.
N'ayant pas envie d'avouer cette petite gaffe à Maman, j'ai vite ramassé mes habits du jour et mis le tout dans la panière à linge, imaginant que l'on pourrait croire que le feutre se serait brisé dans la machine...
Hésitant à laisser cela ainsi ou à retirer le stylo, je me retournais dans mon lit en n'étant pas tranquille. Me relevant, alors que les petites dormaient, pour aller boire un peu d'eau, j'ai regardé à nouveau le fruit de mes exploits.
Et, là, je n'ai plus ri du tout, si tant est que la situation aurait pu me faire sourire, ce qui n'était pas le cas...
Le feutre toujours dans la poche du short bleu tout taché avait continué à couler. Et il avait souillé plusieurs pièces du linge entassé dans la panière...
Il y avait un fond de robe en soie de Maman qui était rougi sur vingt centimètres, une paire de socquettes d'Aline et, bien plus grave encore, le haut de mon survêtement blanc presque tout neuf qui était largement taché, la matière ayant servi d'éponge en quelque sorte.
Bref, ma bêtise initiale s'était muée en catastrophe, et si l'encre était aussi indélébile que Maman le prétendait, tout était irrécupérable...
J'ai replacé le tout bien au fond du panier à linge sale, me disant que Maman ne faisant guère de machine le week-end, j'allais gagner du temps et pouvoir essayer de trouver une explication, mais j'imaginais déjà que ce serait mission impossible...



Vous comprenez donc pourquoi ce dimanche passé chez Mamie et cette journée loin de la maison et de la machine à laver était comme un sas avant une explication qui me pendait au nez.
Une explication qui, mon cauchemar en témoignait, avait déjà dans mon esprit une forme bien déterminée, et tant redoutée...
Après deux bonnes heures passées au parc et avant l'heure du diner, nous avons quitté Mamie pour rentrer à la maison. Nous étions dimanche soir, il fallait se coucher tôt pour l'école du lendemain, et dès le dîner avalé Maman nous fit vite mettre en pyjama. Elle vint ensuite dans nos chambres, sortit les affaires que nous allions mettre lundi matin, récupéra nos vêtements du jour pour les mettre au sale, faisant monter le tas dans la panière posée dans un coin de la salle de bain.
"Avec tout cela, j'aurai bien trois tournées de machine à faire demain... Et autant de repassage ensuite... Ah, je vais avoir de quoi m'occuper", commenta Maman alors que j'étais en train de me brosser les dents.
J'ai eu la tentation de profiter du moment pour avouer ce que j'avais fait, et je balbutiai un "Maman", un rien plaintif. Son, "Qu'est-ce qu'il y a encore ?" me fit peur. Cela n'était pas le moment, du moins en jugeai-je ainsi. Même si, devant mon silence, Maman sortit de la salle de bain en commentant à voix haute. "Oh, je ne sais pas ce que tu mijotes, Christine, mais je n'aime pas quand je te sens comme ça, pas dans ton assiette. J'espère vraiment pour toi que tu ne me prépares un mauvais tour... Sinon, ça va aller mal, ma fille..."
J'étais verte. Une fois de plus, elle sentait que je lui cachais quelque chose... Et je comprenais que je m'enferrais dans une attitude qui n'arrangeait rien...
En sortant à mon tour de la salle de bain, j'ai croisé le regard de mes soeurs qui se retenaient de pouffer de rire ouvertement. Elles sentaient que leur grande soeur filait un mauvais coton et, comme cela faisait longtemps qu'elles n'avaient plus eu d'épisodes claquants à guetter, Aline et Diane bichaient intérieurement...
Heureusement que l'heure était de dormir, que Maman vint vite éteindre, sans que j'ose profiter de l'instant pour libérer ma conscience. Je me disais qu'au point où j'en étais, mieux valait attendre qu'elle ne découvre elle-même le fruit de mes exploits...
Ce dimanche soir-là, comme la veille, mon sommeil fut agité. J'avais hâte de quitter la maison pour aller au collège, histoire de ne pas être là quand Maman s'occuperait du linge. Pour essayer de me changer d'idées aussi. Mais, cette histoire qui me minait depuis vendredi soir me siscitait des réflexions diverses et contradictoires.
J'étais toujours persuadée que gagner du temps était positif, mais je me disais aussi que j'avais été idiote. Si j'avais appelé Maman au moment où j'avais seulement taché mon short, j'aurais certainement pris une gifle, voire une fessée expresse sur le coup de la colère, sur l'idée de "Ah, je t'avais bien prévenue, etc."
Mais, mon vieux réflexe de cacher, de mentir pour gagner du temps, m'avait amené à tout faire empirer. Le short foutu, ce n'était pas un drame, les socquettes non plus, mais le fond de robe en soie de Maman et mon survêtement blanc en prime, là c'était une perte importante, une bêtise de gamine devenue une énorme boulette...
Ajoutez à cela les réflexions maternelles, les demi-menaces des dernières heures, et je prenais conscience que mon avenir passait par les genoux maternels...
Allait-elle faire ses lessives lundi matin, ou l'après-midi ? C'était la seule incertitude pour moi. Découvrirait-elle la catastrophe avant le déjeuner ou après ? Mais, je savais bien que ce lundi 23 mai se profilait très mal pour moi.
J'imaginais même mes copines me parler de leur soirée à venir. "Tiens, moi, je vais regarder le film sur le deuxième chaîne, Maman voudra bien si j'ai fini mes devoirs", dirait peut-être Anne. Et Laure de renchérir : "Moi, j'ai ma rédac à faire. J'ai pas pu travailler ce week-end, alors je la ferai ce soir".
Et puis, peut-être que Marie-Laure dirait : "Ah, bah, moi, vous savez, c'est comme tous les lundis, moi j'ai gymnastique. Et toi, Christine ?"
J'espérais déjà que ce genre de dialogue n'aurait pas lieu, sinon je devrais cacher mon trouble, jouer les innocentes, faire comme si de rien n'était, alors que dans le plus profond de mon for intérieur, je savais ce qui m'attendait. Mais, j'étais bien sûr trop fière, trop pudique, trop secrète pour partager mes angoisses. Je ne me voyais pas dire à Anne : "La télé, tu rêves. Avec ce que Maman va me mettre, ce sera au lit direct..."
Ni répondre à Marie-Laure : "Ah, toi tu as gym ? Euh, moi, ce soir, c'est fessée !!!"

A SUIVRE