mercredi 27 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (8) Quand la honte ravive la douleur

SUITE 7

Dès que Maman m'a relâchée, je suis restée un instant, à genoux, fesses à l'air, hébétée, pleurant comme une madeleine.
"Allez, file dans ta chambre, et cache moi ces fesses bien rouges...", lança Maman, avec un ton ironique, qui me sortit de ma torpeur.
Je me relevai, en titubant un peu, comme groggy, et épuisée que j'étais après cette volée en règle.
Je remontai vite fait ma culotte, coinçant au passage le bas de ma robe, mais l'essentiel était sauf, ma lune était à l'abri des regards.



Mon bas du dos était écarlate et chaud comme un radiateur, je sentais la chaleur sous mes mains, même à travers le coton épais de ma culotte.
Cela augmentait encore mon émotion et faisait monter de gros sanglots dans ma gorge, alors que je quittais le salon pour aller me réfugier dans ma chambre.
J'y montai les yeux embués de larmes, me dirigeant comme au radar, et fermai bien ma porte derrière moi avant de me jeter sur le lit, m'affalant sur le côté, et plongeant la tête dans l'oreiller pour y pleurer longuement.



J'étais haletante un bon moment, puis ma respiration se calma petit à petit. La fessée avait comme un effet calmant, j'en sortais comme essorée, avec des sentiments mêlés.
La longue claquée avait eu raison de mes nerfs qui étaient à vif depuis plusieurs jours, depuis que j'avais la certitude qu'une fessée m'attendait. Et, à la limite, il y avait presque du soulagement. Je l'avais tellement crainte, redoutée, imaginée presque, que la fessée reçue m'enlevait ce flot d'angoisse de la tête.
Mais, la douleur qui remontait par moment, les picotements sur mon épiderme, et aussi des images, des bruits, des mots de Maman, qui résonnaient encore dans ma tête, me faisaient à nouveau repartir dans une crise de larmes.
J'essayais alors de me calmer à nouveau, de respirer moins vite, de chercher des idées positives.
Et quand le calme revenait, j'avais quasiment envie de m'endormir, pour que le sommeil mette du temps entre ma fessée et l'instant présent. Je me serais presque mise de moi-même en pyjama pour rester au lit jusqu'au lendemain, pour ce jour du retour sur les genoux maternels devienne un "hier", se conjugue au passé...


D'un côté, le choix maternel de me flanquer la tannée méritée peu après mon retour du collège, m'avait épargné l'attente et l'angoisse supplémentaires qu'aurait provoquées une décision de "s'occuper de mon cas" après le dîner.
Il aurait fallu subir les regards anticipateurs des frangines, la boule de peur qui coupe l'appétit, et l'envoi dans la chambre dès le desert avalé, pour "préparer" mes fesses.
Là, au moins, j'échappais à ces moments étranges et hélas si souvent vécus... Mais, a contrario, cette fessée de fin d'après-midi, laissait toute une plage horaire avant le coucher, où j'allais forcément devoir réapparaitre, et affronter allusions, morales, et à n'en pas douter moqueries.
Surtout que, un quart d'heure après que j'ai rejoint ma chambre, j'entendis sonner au portail du jardin. C'était Tata Jacqueline qui arrivait...
Je me levai de mon lit et guettai derrière les rideaux de ma fenêtre entrouverte. Je ne voulais pas me montrer, mais savoir ce qui se passait, mon premier réflexe étant comme une sorte de soulagement en pensant qu'à 15 ou 20 minutes près, Tata aurait débarqué alors que j'étais sur les genoux de sa soeur, culotte baissée, prenant une fessée magistrale. Finalement, je me disais que j'avais eu de la chance.
Aline et Diane étaient accourues au devant de Tata : "Coucou, les filles, ça va ? Où est donc votre mère ?"
Diane répondit : "Elle fait du repassage dans la cuisine".
Tata demanda encore : "Et Christine, elle ne joue pas dehors par ce beau soleil ? Elle révise peut-être ses devoirs ?"
C'est Aline, la turbulente de ces dernières semaines, qui se fit un plaisir de vendre la mêche. "Oh, non, Tata, Christine est dans sa chambre. Maman l'a punie, tu sais..."
"Ah, bon ?", eut à peine le temps de dire Tata sur un ton interrogatif, que ma chère soeur développa sa pensée : "Même que Maman lui a donné la fessée tout à l'heure. Même que c'était une grosse fessée déculottée..."
De derrière ma fenêtre, je pouvais observer chaque détail de la scène et j'enrageais. Je me doutais bien que Tata aurait appris mon infortune, mais l'espèce de joie moqueuse de ma soeur en racontant la scène me donnait envie de pleurer à nouveau...
Maman apparut sur le pas de la porte fenêtre du salon et vint embrasser sa soeur. "Tu dines avec nous, comme convenu ", demanda Maman à Tata qui acquiesça. Je compris ainsi que Maman, sachant qu'elle aurait du monde à dîner, avait certainement préféré régler ses comptes avant l'arrivée de Tata. Restait que, pour moi, cela faisait un regard de plus à devoir affronter pour la soirée, dans ma position de vilaine fille venant d'être punie comme elle le méritait...
Tata interrogea Maman sur ce que venait de dire Aline : "Alors, Christine a encore fait des siennes à ce qu'il paraît".
Maman répondit après avoir soupiré longuement : "Ah, ça tu peux le dire. Je ne sais pas quand j'en finirai avec leurs bêtises à toutes les trois. Mais, là, ma grande s'est distinguée, oh que oui... Je te raconterai ces exploits, en tout cas, ce que je peux te dire c'est que mademoiselle a été servie. Cela faisait un bout de temps que cela lui tournait autour, mais elle vient de récolter une fessée maison qui devrait la calmer un moment, j'espère..."
Tata n'en demanda pas plus. Maman avait précisé qu'elle lui "raconterait" plus tard. La soirée ne faisait que commencer, et ma tante sentait bien que sa soeur était suffisament énervée et qu'il valait mieux qu'elle ne se hasrade pas à prendre la défense de sa nièce préférée. Surtout que, dans le cas présent, il était trop tard...
Maman et Tata rentrèrent. Elles avaient des essayages de couturière à faire, et pour Maman le dîner à finir de préparer. Mes soeurs furent invitées à rester "jouer calmement" dehors, car ce n'était "vraiment pas le moment" de pousser leur mère à bout...
Je me rallongeai sur mon lit, espérant que l'on me laisserait tranquille le plus longtemps possible. Ce n'est en effet qu'à 19 h 30, que Maman, du bas, m'appela à descendre. Je ne bougeai pas la première fois. Un deuxième appel, plus énergique retentit, et je me décidai à rejoindre la famille qui se trouvait au salon, où Tata et Maman prenaient un petit verre de Porto blanc en apéritif.


Je descendis à pas de loup, lentement, hésitant avant de franchir le seuil de la porte, prenant une grande respiration, avant de me montrer, penaude, le profil bas, le regard pluôt vers le sol.
Tata était assise sur le canapé. Elle avait un petit sourire qui en disait long. J'y lisais : "Ah, te voilà, ma pauvre chérie". Mais, Tata m'observait avec un air gentiment taquin, plus que moqueur. Comme pour dire que j'avais un drôle d'air, ainsi toute gênée et repentante...

2 commentaires:

  1. Charmant épisode, qui appelle plusieurs commentaires.
    En premier lieu, il est intéressant de voir en Christine la douleur surpasser la pudeur : à l’issue de cette fessée, elle a oublié tout l’environnement et n’a même plus le réflexe de se reculotter, elle demeure à genoux, en larmes et les « fesses à l’air », à tel point que c’est sa mère qui doit lui demander de remonter sa culotte. (J’imagine d’ailleurs que, sur la peau meurtrie, le contact même léger du coton doit se révéler douloureux.) Ce faisant, pittoresque détail, elle coince le bas de sa robe, ce que ne manquent pas de nous rappeler les illustrations décidément bien choisies.
    Après quoi Christine se retrouve dans sa chambre, enfouissant son visage dans l’oreiller pour y sangloter à son aise. J’imagine que dans ses moments, notre infortunée narratrice doit se sentir terriblement seule : personne à qui confier ses tourments. Ni sa maman, que fâche encore cette bêtise majuscule, ni ses petites sœurs qui s’en gaussent, ni même sa tante Jacqueline qui prendra systématiquement le parti de sa sœur. En outre, j’imagine bien que le sujet demeure tabou entre copines. Et comme Christine est trop grande pour avoir un ours en peluche ou une amie imaginaire… La voilà seule face à ses responsabilités.
    D’ailleurs, tante Jacqueline arrive, et Aline ne se prive pas de lui raconter la récente infortune de son aînée. Comme Christine le craignait, la voilà bonne pour un dîner familial durant lequel elle se trouvera la cible de mortifiants commentaires et quolibets, héroïne bien malgré elle d’une péripétie tout à son désavantage.
    Et puis… en entrant dans le salon, encore tout à ses sanglots, Christine n’a-t-elle pas oublié de rabattre sa jupe ? Voilà qui pourra s’avérer croustillant, mais je ne m’étale pas davantage afin de ne pas défraîchir votre spontanéité. Je me laisserai surprendre par la suite de votre récit.

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  2. Encore quelques excellentes remarques et réflexions de Mardohl. Je suis également rassurée, car le manque de commentaires me faisaient craindre que mon fan-club soit parti en vacances, tous et toutes en même temps.
    Merci donc.

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