Je sortis donc de ma chambre et descendis l'escalier vers le rez-de-chaussée. J'avais la tête qui bouillonnait, mais je ne voulais plus réfléchir, sinon je ne serais jamais descendue, et il n'était pas question d'attendre le retour de mes soeurs, cette menace que Maman avait distillée en ne doutant pas qu'elle ferait son effet...
Quitte à retrouver le chemin des genoux maternels, mieux valait que ce soit sans témoin, même si, la plupart du temps, je m'arrangeais pour gagner du temps plutôt que de précipiter les événements...
Maman était assise sur la banquette du salon, et mes copies de maths étaient posées bien en évidence sur la table basse devant elle. Je m'arrêtai à l'entrée de la pièce, la tête et le regard baissé, sans rien dire. Maman m'interpela : "Ah, te voilà quand même, Christine ! Tu n'es pas pressée de t'expliquer à ce que je vois... Mais, je devine pourquoi..."
Je gardai le regard fuyant et murmurai : "Mais, je, euh, je suis là, M'man" !
Elle rétorqua : "Heureusement encore... Mieux valait pour toi que je ne sois pas obligée de venir te chercher..." Et, me désignant le fauteuil à sa droite, elle ajouta : "Assieds-toi là, et réponds donc à la question que je t'ai posée tout à l'heure... Qui a signé cette copie d'un 5 sur 20 en maths ? Allez, Christine, réponds bien cette fois... J'espère pour toi que la fessée que je t'ai donnée t'a fait retrouver la mémoire..."
Maman m'avait demandé de m'asseoir, et me montra la copie
à la signature falsifiée... J'hésitais encore, mais comprenais
que cette fois, j'allais bien devoir avouer mon forfait...
Je sentis mon coeur qui battait la chamade. J'étais comme haletante, au bord des larmes, et me mis à balbutier : "Bah, euh, je, euh, je ne sais, euh..." J'allais presque encore nier, et Maman haussa la voix, en criant presque : "Christine !!!"
Le ton était celui d'une colère sourde, et je me repris, bredouillant : "Oui, Maman, oui... Oui, euh, c'est, euh, enfin, c'est moi... C'est moi qui ai signé le devoir. Je, euh..."
Maman m'interrompit : "Et pourquoi donc, Christine ? Pourquoi ne me l'as-tu pas montré ce contrôle ?"
Je tentai : "Euh, bah, il fallait le rendre, et j'avais, euh, oublié..., euh, de le faire signer"
La réplique maternelle fusa : "Tu avais oublié ? Ne me prends pas pour une idiote à nouveau, Christine. Dis-moi plutôt que tu avais peur de me la montrer cette mauvaise note, très mauvaise même pour une redoublante censée être bonne en maths. C'est cela, hein ?"
Je baissai la tête et me mis à sangloter : "Bah, euh, oui, M'man, euh, je voulais pas que tu me disputes..."
Elle eut un sourire en coin, devant le terme que j'employais : "Que je te disputes, comme tu dis... Que je te gronde, c'est ça...? Sois donc plus précise, Christine... Qu'est-ce qu'elle donne, Maman, à sa grande fille quand elle ramène une mauvaise note ? Ou quand elle ment effrontément comme tout à l'heure ? Allez, dis-le moi..."
Je sanglotai à nouveau et baissai la tête sans répondre. Maman reposa la question : "Allez, Christine, Maman donne quoi aux menteuses ? Comme tout à l'heure... Tu as oublié déjà ? Tu veux que je recommence ?" Devant l'insistance maternelle, je répondis à mi-voix: "Non, non, ne recommence pas. Bah, la, euh... c'est la f..., la fessée, M'man".
Maman enchaina : "Parfaitement, Christine, la fessée. Et donc, c'est bien pour éviter une bonne fessée que tu savais mériter que tu as décidé d'imiter la signature de Maman, en imaginant que personne ne s'en apercevrait..."
Maman me poussait jusqu'au bout de mon raisonnement,
et je ne pus qu'expliquer le pourquoi de cette falsification.
C'était par peur d'être "grondée" ce que Maman me fit préciser en me faisant
reconnaître que c'était pour éviter une fessée méritée...
Je lâchai entre deux sanglots : "Oh, pardon, pardon, Maman. Mais, euh, comment tu as vu ?"
Elle rétorqua : "Le pardon, on verra plus tard... Mais, d'abord, tu imagines que je puisse ne pas me souvenir si j'ai vu ou non un de tes contrôles ? Et puis, même si ce n'est pas trop mal imité, je te signale que je mets toujours "Vu" et non "Vue" ! Et que lorsque je signe, je n'oublie jamais de mettre un tout petit tiret entre A et M, d'Anne-Marie, même en initiales... Tu vois, il faudra faire plus attention, si tu voulais un jour recommencer... Mais, j'espère bien t'en ôter l'envie..."
Je me mis à pâlir, autant par la menace finale, que du fait d'avoir pu faire ces deux erreurs manifestes dans mon travail de faussaire en herbe...
Je répliquai en tentant d'être convaincante : "Oh, non, Maman, non, je ne recommencerai pas, jamais, promis, jamais de jamais... Pardon, je te demande pardon..."
Maman était visiblement excédée : "Enfin, tu as quand même réussi à tromper la vigilance de ta prof de maths... Heureusement pour toi qu'elle ne l'ait pas vu, sinon je me demande si ne serais pas aller te flanquer une volée devant elle..."
Je suppliai : "Pardonne-moi, Maman, pardonne-moi... Je te montrerai tout maintenant, tout, même les mauvaises notes, si j'en ai encore..."
Maman me cloua le bec : "Tais-toi donc, Christine... Quand je pense que tu as réussi à rouler ta prof... Ah, tu devais bicher intérieurement, ce jour-là, et depuis des semaines, à rire sous cape en te disant que tu avais échappé à une nouvelle fessée... Mais, la chance n'est pas éternelle, ma fille. Un jour, il faut payer ses dettes, et ce jour est arrivé... Il va bien falloir que tu la reçoives, cette fessée, Christine... Et avec les intérêts !"
Maman n'avait pas tort : je me souvenais combien je "bichais"
intérieurement après que la prof n'ait pas remarqué la fausse signature...
J'étais toute heureuse d'avoir pu, ce qui était assez rare,
éviter une nouvelle déculottée...
Je pris ma petite voix suppliante : "Mais, Maman, ça y est, j'ai déjà eu ma fessée tout à l'heure..."
Elle me fit taire : "Tais-toi donc, Christine. Ne dis pas n'importe quoi. Tu as juste eu ce que tu méritais pour m'avoir menti effrontément, alors que je te mettais le nez sur ta fausse signature... Mais, il n'en reste pas moins que ton 5 sur 20 en maths méritait une bonne fessée, et que c'est même parce que tu n'en doutais pas un instant que tu as essayé d'y échapper... Pas question donc que tu reçoives pas ton dû !"
Je ne savais plus quoi dire, et ne faisais que répéter : "Non, Maman, non, oh non, non..."
Mais, elle n'en avait pas fini avec sa sentence... Et poursuivit : "Mais si, mais si, Christine, tu n'imaginais pas que j'allais te faire grâce d'une fessée avec laquelle tu joues à cache-cache depuis des semaines... Tu vois, c'est le dernier jour de l'année scolaire, cela tombe bien pour régler les comptes..."
Maman annonça qu'on allait régler nos comptes... Je protestai en rappelant
que je venais déjà de recevoir "ma" fessée, une heure avant dans ma chambre...
Mais, Maman rétorqua que c'était pour avoir menti effrontément,
que cela n'allait pas m'empêcher de recevoir mon dû...
Maman avait une logique imparable, et son raisonnement ne me surprenait pas, tant j'y étais habituée. Mais, je constatais qu'elle insistait sur la fessée à laquelle j'avais voulu échapper, jusqu'à me faire admettre que c'était un dû, ce dont je me doutais au fond de moi.
Sauf que, dans son esprit, il n'y avait pas que la mauvaise note et le mensonge, et la suite me fit encore angoisser davantage...
Elle poursuivit donc : "Mais, à l'heure des comptes, il faut aussi parler de la signature imitée... Et, c'est autrement plus grave qu'une simple mauvaise note, Christine. Il faut que tu en aies conscience... Cela s'appelle un faux, une contrefaçon, un usage de faux, et si tu étais majeure, cela pourrait t'envoyer au tribunal, voire en prison. Il n'est pas question que je te laisse faire... Alors, je t'annonce déjà que tu devras me faire une série supplémentaire de devoirs de vacances pour que tu comprennes combien c'est grave ce que tu as fait là..."
Des devoirs en plus, cela ne me réjouissait guère, mais j'avais l'impression que j'allais assez bien m'en tirer...
J'avais cependant tiqué sur le "je t'annonce déjà" qui sous-entendait une suite autre que les devoirs de vacances...
Hélas, j'avais raison de tiquer, car Maman reprit en disant : "Bon, on verra ça pendant les vacances mais, en attendant, j'ai un moyen plus sûr encore pour que tu te rappelles de tes premiers essais de faussaire, et t'ôter l'envie de recommencer... Et ce moyen, Christine, cela va être une tannée magistrale, une déculottée dont tu te souviendras longtemps, ma fille... Et, estime toi heureuse que je n'attende pas le retour de tes soeurs pour te rougir les fesses devant elles..."
La détermination maternelle était impressionnante, et je me suis remise à pleurer, voyant déjà Maman se décaler pour s'asseoir au milieu du canapé. Je soliloquai : "Maman, Maman, oh non, Maman".
Mais, cela ne servait à rien, et l'ordre tant craint retentît, alors que Maman tapotait ses genoux pour m'indiquer le chemin : "Allez, Christine, viens ici... Tout de suite..."
Maman avait annoncé la sentence, et s'était décalée pour être assise
au milieu du canapé, une position que je lui connaissais bien...
Elle me présentait ses genoux... Je comprenais bien que ne pas m'avancer,
ou la faire attendre l'aurait incitée à décider d'attendre le retour de mes soeurs...
Je m'approchai donc, lentement, pleurant sous le coup de l'émotion,
consciente que je venais en quelque sorte apporter mes fesses
pour "une tannée magistrale, une déculottée" dont je me souviendrais...
A SUIVRE