SUITE 147
Je sursautai quand la sonnerie de la fin des cours se fit entendre. Pour une fois, j'aurais bien préféré qu'elle ne retentisse pas de sitôt... Je n'étais nullement pressée de retrouver Maman et Mlle Simon...
Je devais attendre Mlle Simon et Maman dans le couloir
du bâtiment administratif du collège,
un endroit associé à bien des mauvais souvenirs
des années précédentes, et aux conséquences cuisantes...
Cette dernière devait recevoir Maman dans un des deux petits bureaux individuels, proches de la salle des profs, près du secrétariat et du bureau de la principale. C'était là une partie du bâtiment du collège que je n'appréciais guère, associée qu'elle était avec des souvenirs de colle, sans oublier un passage en conseil de discipline, ni le conseil de classe qui avait entériné mon redoublement, un an et demi plus tôt...
Me voyant m'y diriger, les deux moqueuses de ma classe arboraient un sourire en coin, imaginant certainement qu'il y aurait des sujets de moquerie dans les jours à venir...
Les moqueuses m'ayant vue me diriger vers le bâtiment administratif
se mirent à ricaner, espérant avoir bientôt des sujets de moquerie...
Maman était arrivée au collège avec dix minutes d'avance, selon le vieux principe que l'on ne fait pas attendre les professeurs. Je la retrouvai dans le couloir, près de la salle d'attente, et elle m'accueillit déjà plutôt froidement. Elle avait en effet, entre temps, croisé la principale qu'elle connaissait bien, de par mes exploits des trois premières années de collège.
Maman me résuma la conversation avec elle, qui aurait dit : "Christine, ça va pour le moment. Elle travaille plutôt pas trop mal. Avec juste encore une tendance à être un peu dissipée". Bref, rien de grave, mais assez pour agacer ma mère, pour qui je devrais être studieuse, attentive et parmi les premières de la classe !
Je tentai de lui faire dire que "c'est plutôt bien quand même". Mais, elle n'acquiesça pas, répondant au contraire : "J'espère que l'avis de Mlle Simon sera plus positif... Je l'espère pour toi, Christine... Mais, j'ai bien l'impression qu'il était temps que je reprenne les choses en main" !
En estimant qu'il était temps de "reprendre les choses en main...",
Maman ne m'annonçait rien de bon...
Je savais trop ce que cela voulait dire...
L'expression me fit frissonner une fois encore. J'imaginais trop ce que cela sous-entendait...
Mlle Simon arriva sur ces entrefaites et Maman la remercia chaleureusement de lui accorder un peu de temps. La jeune prof répondit que c'était normal, et que cela permettait de mieux connaitre les élèves et leurs familles, ce à quoi Maman rétorqua en la féliciitant de ce bon état d'esprit, et en ajoutant un de ses couplets habituels sur la nécessité que parents et profs travaillent de concert, etc., etc.
Et, comme je m'y attendais, je dus rester dans le couloir pendant que Maman et la prof s'isolèrent dans le petit bureau... Je n'aimais pas cette situation d'attente, où il n'y a rien d'autre à faire qu'à imaginer ce qui se dit entre les deux adultes... Et dont le sujet principal est ma petite personne...
Au bout de dix minutes, je commençais à m'impatienter, surtout que la longueur de l'entretien laissait peu de chances à ce que Mlle Simon "oublie" de parler de la fameuse punition des cent lignes... Même si je pouvais théoriquement l'espérer, la petite voix de ma raison me disait dans ma tête qu'il fallait que je m'attende hélas à devoir me justifier pour quelque chose qui réunissait plusieurs des choses dont Maman avait horreur, à savoir du bavardage en cours, une punition, et circonstance aggravante, une cachotterie, et une ribambelle de mensonges par omission ou dénégation...
Sûr que l'année passée, il aurait fallu bien moins que cela pour me retrouver, culotte baissée, sur les genoux maternels, pour une fessée "bien méritée", du moins selon les critères maternels...
Plus l'entrevue de Maman et de la prof durait, et plus j'angoissais...
Je n'avais plus guère d'espoir que mes cachotteries
Je n'avais plus guère d'espoir que mes cachotteries
ne soient pas venues aux oreilles de Maman...
Et j'imaginais ce qu'elles me vaudraient...
Le quart d'heure passa, et je vivais chaque minute supplémentaire avec une angoisse croissante. Même si, à tout réfléchir, c'était bien une façon de faire de Maman de vouloir créer des liens avec les enseignants pour que la communication passe au mieux, et pour que les profs ou les instit' soient bien réactifs en cas de problème avec moi ou mes soeurs.
Dans le cas de Mlle Simon, je l'ai appris plus tard, mais Maman avait poussé l'amabilité jusqu'à s'enquérir du fait que la jeune enseignante n'avait pas de difficultés pour s'intégrer dans notre petite ville où elle venait d'être nommée, alors qu'elle était auparavant dans la préfecture et ville universitaire voisine.
Maman lui avait donné des conseils à propos de la vie associative locale, et avait même évoqué de l'inviter à dîner un de ces soirs. Sans en fixer la date quand même. Mais, j'imagine bien la scène, et Maman faisant tout pour être bien vue de ma jeune prof. Il est vrai qu'elle n'avait jamais vraiment réussi, les années précédentes avec ma bête noire de Mlle Paule, la vieille fille revêche qui m'avait valu tant d'ennuis...
Je sursautai quand, au bout de vingt bonnes minutes, la porte s'ouvrit. Mlle Simon arborait comme un petit sourire, en coin. Maman, elle, semblait froncer les sourcils. La jeune prof s'adressa à moi sur un ton presque taquin : "Ah voilà donc notre petite cachotière, celle qui cache ses punitions à sa mère" !
En me traitant de petite cachotière, Mlle Simon avait le sourire.
Mais Maman ne l'avait pas du tout...
Et de me promettre qu'on allait s'expliquer à la maison...
Je sursautai, même si la phrase ne faisait que confirmer ce dont j'étais presque sûre que cela allait arriver... Mon coeur se mettant à battre fort, je balbutiai : "Bah, euh, je, euh, enfin... C'est à dire que, euh... je vais vous expliquer..."
Mais, Maman me coupa la parole d'un ton qui, lui, n'était pas à la plaisanterie : "Bon, Christine, je ne suis pas sûre qu'il y ait grand chose à expliquer à ta professeure. Cela nous regarde surtout toi et moi... Mlle Simon a d'autres choses à faire... Prends donc ton cartable et nous allons rentrer à la maison, où une petite discussion nous attend..."
Je baissai la tête et attrapai mon cartable, pendant que Maman prenait congé de l'enseignante : "Merci encore Mademoiselle, et croyez bien que je suis désolée des agissements de Christine, mais je vous assure que je vais faire le nécessaire pour qu'elle n'ait plus envie de recommencer. En tout cas, si elle persiste à faire des siennes, n'hésitez pas à m'en faire part, je saurai agir en conséquence..."
Mlle Simon acquiesça et nous dit au revoir en nous raccompagnant jusqu'à la porte de la conciergerie. Une fois dans la rue, Maman prit le chemin de la maison, en faisant juste un petit détour pour passer à la boulangerie reprendre une baguette, car elle avait proposé à Tata Jacqueline de rester à dîner.
La perspective que ma chère tante soit à la maison, me rassurait un peu, car j'imaginais bien qu'elle allait prendre ma défense. Mais, je ne me faisais guère d'illusion quant à ce qui m'attendait une fois que Tata serait repartie...
Je n'étais pas pressée de rentrer,
d'autant que Maman avait annoncé la couleur
avant même qu'on ne s'explique,
en me conseillant de "préparer mes fesses".
J'en tremblais à l'avance...
Je trainais toutefois un peu la patte, marchant derrière Maman, ce qui contribua à l'agacer : "Christine, peux-tu marcher normalement ? Je comprends que tu ne sois pas pressée de rentrer, mais cela ne changera rien et tu n'échapperas pas à notre petite discussion..."
Je tentai de plaider ma cause : "Mais, Maman, je vais t'expliquer".
Elle répliqua : "Tais-toi donc, et n'aggrave pas ton cas. Se faire punir de cent lignes pour bavardage est inadmissible, Christine. Et, en prime, me le cacher en mentant effrontément est pire encore... Alors, je serais à ta place, je n'énerverais pas davantage ma mère en trainant les pieds. Et, je commencerais à préparer mes fesses..."
Je suppliai : "Oh, non, Maman, noooon ! Tu sais, j'ai aussi bien travaillé. J'ai même eu un 16 sur 20 hier !".
Maman ricana : "Arrête ton cinéma, Christine. Je ne suis pas dupe. Un 16, la veille du rendez-vous avec la prof, ça prouve surtout que tu avais peur de ce qu'elle allait me dire, et ça montre aussi et surtout que tu es bel et bien capable de ramener de vraies bonnes notes, si tu te donnes la peine de travailler... Au lieu de cela, Mademoiselle papote en classe et se contente de notes moyennes... Tu sais, Christine, je ne devrais même pas te féliciter pour un 16, mais te punir à chaque fois que tu n'as pas au moins 14. En tout cas, prépare tes fesses, ma fille, prépare tes fesses..."
Je me mis à sangloter, et Maman rajouta : "Garde donc tes larmes pour plus tard... Tu vas en avoir bien besoin..."
J'eus beau essayer de commencer à plaider ma cause...
Maman ne voulut rien entendre...
Et de me répéter, geste à l'appui, que je devais préparer mes fesses...
Jusqu'à y faire une allusion à peine voilée devant la boulangère...
En prenant la baguette à la boulangerie, la patronne remarqua que je faisais grise mine, et demanda : "Votre fille ne semble pas dans son assiette. Aurait-elle encore fait des siennes ?" Ce à quoi Maman rétorqua : "Vous ne croyez pas si bien dire... Nous allons de ce pas en parler à la maison".
Je rougis et détournai le regard, alors qu'en rendant la monnaie à Maman, la boulangère me glissa : "Ma pauvre demoiselle, courage, c'est juste un mauvais moment à passer". Mais je me serais bien passée de ce propos faussement compatissant.
Nous finîmes le trajet sans dire un mot, Maman m'ayant laissée passer devant, et je marchai cette fois à allure normale, n'ayant qu'une envie, qui était d'aller me réfugier dans ma chambre dans l'attente de la "discussion" promise par Maman, et dont je devinais bien quelle en serait l'issue, qui ressemblerait certainement à un "monologue" d'une main maternelle sur mes fesses épargnées à son goût depuis trop longtemps !
Je ne pouvais raisonnablement plus compter sur une clémence maternelle...
Depuis la rentrée, j'avais échappé maintes fois à une fessée...
Cette fois, mensonge et bavardage, c'était assurément de trop...
A SUIVRE