mardi 8 septembre 2020

Chronique d'un redoublement : 155 BIS ou un commentaire avisé

 LE COMMENTAIRE DE MARDOHL!!!

Notre fidèle analyste m'a fait parvenir un très long et excellent commentaire par mail. La place étant limitée en longueur pour les commentaires, je le reproduis dans le prochain épisode (Voici donc une sorte de N° 155 BIS)



Chère Christine,

Je vous avais déjà fait savoir que j’appréciais, dans chacun de vos épisodes, la « touche particulière et inédite » distinguant ce chapitre de tous ceux qui le précèdent.

Dans votre dernier récit, vous nous offrez une primeur : pour la première fois me semble-t-il, vous nous présentez une scène dans laquelle Christine, confrontée à des antagonistes instruites jusque dans les moindres détails de ses déconvenues du vendredi précédent, et menaçant de les divulguer au reste de la classe, se voit contrainte de leur avouer expressément avoir reçu deux fessées déculottées. Jusqu’à présent, Christine avait limité de telles confidences aux oreilles bienveillantes de ses amies, et encore, non sans une forte réticence, et sans préciser que sa culotte en avait été baissée. On imagine l’humiliation que doit ressentir notre héroïne d’un tel aveu balbutié à contrecœur à des camarades moqueuses dont elle n’aurait jamais tenu à satisfaire la curiosité malsaine.

Toutefois, le dialogue relatant cette confession, réduit à quelques lignes, me laisse un peu sur ma faim, et je me suis permis d’en imaginer une version plus détaillée, que je vous propose ci-dessous. Je vous prie de ne pas considérer ma prose comme la correction caustique d’un professeur insensible, mais comme la « fanfiction » enthousiaste d’un lecteur élogieux.

« Brigitte joua les grands seigneurs et dit qu’elle acceptait, me demandant en échange de reconnaître tout haut que j’avais bien reçu deux fessées déculottées.

Ça y était, je ne pouvais plus me dérober, Diane leur en avait trop raconté pour que je puisse encore démentir. J’allais devoir leur avouer, avec les détails, ce que m’avait valu, vendredi dernier, l’entrevue de ma mère avec la prof d’anglais. Les larmes aux yeux, la bouche sèche, le cœur battant la chamade, les mains tremblantes, les yeux rivés au sol pour éviter leur regard, j’articulai : « Oui, euh, j’ai, euh, reçu la fessée vendredi. »

Brigitte toussota avec impatience et me lança un regard noir. « C’est-à-dire que ta maman t’a fessée sur le fond de ta jupe ou de ta culotte ? »

Je n’avais pu me résoudre, en effet, à prononcer l’adjectif « déculottée », mais j’ai compris qu’elles ne me laisseraient pas tranquille tant que je ne leur aurais pas admis que maman m’avait baissé la culotte. Je pris une profonde inspiration, réprimai un sanglot et, ressentant presque physiquement une vague d’embarras, je bafouillai, une boule dans la gorge, l’estomac noué, d’une petite voix penaude de petite fille : « Bah, euh, non, euh, c’était, euh, la, euh, fessée, euh… » puis chuchotant presque, avec une moue contrite, j’ajoutais, ainsi qu’elles l’exigeaient : « déculottée ».

Je n’aurais pas pensé qu’il m’allait être si difficile de prononcer ces quatre syllabes, par lesquelles je leur révélais explicitement qu’à la maison, j’étais encore punie comme une gamine. Je sentais mes joues s’empourprer, mes yeux s’embuer, ma respiration s’accélérer. Mais Babette ne se déclara pas encore satisfaite et me lança, impitoyable : « Et tu n’en as reçu qu’une seule, de fessée déculottée ? » Elle par contre, avec une ironie mordante, appuya volontairement sur ce dernier mot, à tel point que je craignis qu’il ne fût entendu par d’autres camarades. Aussi, pour ne pas qu’elle le formule encore, je dus cette fois leur dévoiler l’intégrale vérité. Reprenant ma voix saccadée, hésitante, pleurant presque, je leur signifiai : « Euh non, euh, j’en ai, euh, reçu deux. » Babette me toisa avec arrogance et me demanda, avec une jubilation non déguisée : « Deux fessées déculottées ? » et de guerre lasse, n’ayant d’autre choix que d’abdiquer toute fierté, j’énonçai une fois encore, dans un soupir de honte, cet adjectif si mortifiant : « Oui, euh,

deux, euh, déculottées » mais je ne pus m’empêcher d’ajouter : « Mais aucune des deux devant mes petites sœurs » ce qui évidemment s’avérait maladroit, puisqu’ainsi je leur attestais implicitement que, si ça n’avait pas été le cas vendredi dernier, il arrivait que cette occurrence, terriblement vexante pour moi, ne se produise.

Babette et Brigitte se regardèrent en pouffant de rire. Elles bichaient d’avoir obtenu enfin mon aveu, et j’imaginais bien qu’elles se représentaient mentalement la scène qu’elles m’avaient extorquée : elles me voyaient allongée sur les genoux maternels, jupe relevée, culotte baissée aux chevilles, les fesses rougissant sous la claquée, piaillant, me tortillant, suppliant comme la petite fille punie que j’étais encore et qu’elles n’étaient plus. Babette gloussa, enfonçant le clou, goguenarde : « La fessée déculottée en Quatrième ! Comme une fillette ! Alors que tu portes un soutien-gorge ! Ça, c’est vraiment la gênée ! » Parfaitement consciente de la tranchante et nue véracité de ces propos, du ridicule dont j’avais été contrainte de convenir, en un mot bouleversée par tant d’épreuves, cette fois je ne pus plus retenir mes larmes et, piteuse, tête et épaules basses, tortillant des mains, je me mis à pleurer de honte.

Brigitte, encore une fois, tempéra sa sévérité. Satisfaite de m’avoir enfin arraché ce genre de témoignage après lequel elle courait depuis l’année dernière, elle m’assura, d’un ton radouci : « Allez, ne chiale pas, on tiendra parole, on le dira à personne. » Mais Babette, dont je sentais la cruauté plus acérée, renchérit : « Dorénavant, quand tu recevras la fessée déculottée, tu viendras nous le dire tout de suite. Si on l’apprend par quelqu’un d’autre et que tu as le culot de nier encore, on ira le raconter à tout le monde, avec les détails, et même aux garçons. » Même aux garçons ! Je sursautai à cette perspective plus humiliante que tout, et encore une fois, j’acquiesçai à mon corps défendant, avant de les quitter enfin d’une démarche malhabile, comme empêtrée dans ma robe, reniflant, essuyant mes larmes de ma manche, vaincue, piteuse, mortifiée, hantée par le sentiment de ne plus jamais pouvoir apparaître comme une adolescente normale devant mes deux ennemies. »

Signé MARDOHL
A suivre bien sûr, mais cette fois de ma plume, promesse de Christinette