Rentrée à la maison pour le déjeuner, je ne pus me retenir de répondre à Maman qui me devinait d'humeur guillerette que j'étais fière de moi, et que j'avais réussi mon interro d'anglais... Maman me dit qu'elle serait contente quand elle verrait la note, se méfiant de ma tendance à enjoliver les choses...
J'insistai en disant que j'étais sûre de moi, mais Maman demeura dans l'expectative, commentant : "J'en serai très heureuse aussi, si c'est bien le cas... Cela nous changera des heures de colle, n'est-ce pas Christine ? En tout cas, je comprends que pour toi, ce sera plus facile à m'annoncer, si tu vois ce que je veux dire..."
Je comprenais très bien l'allusion... Je n'insistai donc pas, comme je me gardai bien de dire à Maman qu'il s'en était fallu de peu pour que je me retrouve avec cent lignes à faire signer le soir même...
Maman restait sceptique quant à la bonne note que j'espérais.
Elle espéra que cela serait vrai... Et, me prenant le bras, et me regardant
avec un petit air entendu, elle ne douta pas que ce serait "plus facile à annoncer"
que si j'avais eu deux heures de colle...
Je compris l'allusion... et j'en frissonnai du bas du dos...
De retour au collège pour l dernier après-midi de cette semaine agitée, je tentai tant bien que mal de ne pas faire attention aux allées et venues de Babette et Brigitte, ni à leurs sourires moqueurs quand nous étions proches, ni à leurs petits gestes furtifs qu'elles me faisaient à distance...
Pour la dernière heure après la récréation, nous étions réparties en deux groupes pour l'éducation physique, et j'échappai aux deux moqueuses, me retrouvant dans la même équipe que Martine. Comme nous avions fini nos exercices avant les autres, nous discutâmes et je vis bien que ma camarade me regardait avec un mélange de compassion et d'agacement.
Elle exprima ses reproches : "Tu ne m'as pas tout dit sur ce qui t'est arrivée samedi dernier. Il parait que tu as eu trois fessées le même jour. C'est Brigitte qui raconte ça. Il parait que c'est sûr, même que tu en aurais eu deux le matin et une autre le soir. Et même que votre voisine t'aurait vue les fesses à l'air sur les genoux de ta mère dans le salon..."
Je suffoquai et protestai : "C'est pas vrai, c'est que des mensonges, c'est pas vrai du tout... Elle a tout inventé et elle dit ça pour m'embêter, c'est tout..."
J'appris donc que Brigitte racontait mes mésaventures du week-end passé...
Elle faisait même croire que Maman m'aurait déculottée
dans le salon sous les yeux de la voisine...
De quoi faire rire les copines qui s'imaginaient aisément la scène,
mais c'était une invention et j'en pleurai presque d'émotion...
Martine vit que j'étais au bord des larmes, et chercha à me calmer : "Ne t'en fais pas, Christine, moi je ne dis rien à personne, mais ça ne sert à rien de me raconter des mensonges à moi. Je sais bien que tout n'est pas inventé puisque c'est ta Maman elle-même qui a dit à la mienne qu'elle t'avait donné la fessée. Rappelle-toi, tu me l'as confirmé l'autre jour quand on a discuté sur le banc toutes les deux. Alors, tu vois que Brigitte ne dit pas que des bobards..."
Je compris que je ne pouvais nier l'évidence, du moins tout contester puisque, justement, Martine avait su me tirer des confidences l'autre jour. Je cherchai surtout à rectifier ce qui était faux et à minimiser le reste : "Bon, ce n'est pas tout faux, mais il y a des choses inventées. D'abord, j'ai eu que deux fessées, pas trois, la deuxième le soir, c'est vrai, parce que j'avais cassé une pile de verres. Mais, la voisine, elle n'a rien vu du tout. Elle est juste arrivée pendant que Maman me donnait la première, mais elle n'a rien pu voir, surtout que Maman me les a données dans ma chambre, je te jure que c'est vrai..."
J'avais parlé avec beaucoup de conviction dans la voix, et Martine me regardait avec les yeux écarquillés, comme si j'étais moitié une fille à plaindre, moitié une sorte d'héroïne à qui il arrivait d'étonnantes aventures...
"Mais, alors, elle t'a déculottée les deux fois ? Ma pauvre, ça a dû chauffer drôlement pour tes fesses. Surtout qu'elle devait être sacrément fâchée contre toi pour te redonner la fessée le même jour...", commenta Martine visiblement heureuse de ne pas être à ma place. Je baissai le regard en acquiesçant, sentant comme un réconfort à voir que Martine me plaignait.
Etait-ce parce qu'elle me regardait avec compassion,
ou par besoin de me confier, de rétablir la vérité,
toujours est-il que j'avouai à Martine ce qui s'était réellement passé
samedi à la maison, avec mes fessées du matin et du soir...
Je l'avais même laissé déduire que j'avais bien reçu des fessées déculottées, détail que j'avais plus ou moins éludé lors de notre conversation sur le banc, mais, au point où j'en étais, cela en devenait accessoire, l'essentiel étant de mon point de vue que j'ai nié que la voisine ait pu me voir, et que j'ai ramené le nombre de fessées de trois à deux, puisque la première était dans mon esprit bien une seule fessée, même si elle m'avait valu un double déculottage...
En tout cas, alors que l'heure de la sortie approchait, j'avais hâte de quitter le collège, touchée intérieurement par les racontars des deux pimbêches dont j'imaginais bien qu'elles devaient se répandre de bouche à oreille, et me valoir bien des moqueries dans mon dos...
Le problème principal était que ces moqueries se fondaient sur une large base de faits réels, avec des erreurs et des exagérations sur des détails seulement, ce qui rendait ma position bien délicate...
Rectifier des éléments, c'était avouer le plus gros... Me battre aurait été une façon de montrer l'importance que j'y accordais et le mal que cela me faisait à l'intérieur...
Là encore, tout comme j'avais tendance à cacher les choses, à n'avouer mes fautes qu'au dernier des derniers moments possibles, tout comme je cherchais surtout à gagner du temps, à retarder l'échéance, en sachant pourtant que cela ne faisait qu'aggraver mon cas, et rendre la fessée inévitable, de même par rapport à ses moqueries, mon réflexe était la fuite, la politique de l'autruche, de tenter de faire comme si de rien n'était, d'éviter les moqueuses, de ne pas répondre, ou du moins de garder tant que possible son calme...
Surtout que j'avais bien conscience que pour ne plus alimenter les moqueries, comme aurait dit Maman, je n'avais qu'à "plus mériter de fessées" ! Mais, c'était plus facile à dire qu'à faire...
Lorsque la sonnerie de la fin des cours retentit, je pris mon temps pour ranger mes affaires, et restai même plusieurs minutes dans la classe, ayant bien dans l'idée de laisser les moqueuses sortir du collège avant moi, n'étant pas d'humeur à supporter leurs sarcasmes.
Il n'y avait plus guère d'élèves quand je franchis la porte, et j'étais satisfaite de ma manoeuvre.
Je fis exprès, à la fin des cours, de rester en classe
quelques minutes de plus,
afin d'éviter de croiser les deux moqueuses
à la sortie du collège...
Mais, surprise, surprise, je tombai sur Babette et Brigitte qui m'attendaient cent mètres plus loin, au coin de la rue. Je fis grise mine en les voyant. Babette commenta : "Bah, alors, Christine, tu traines ? Tu as peut-être peur de rentrer à la maison ? Ta Maman t'attendrait-elle pour te donner la fessée ?", dit-elle en riant à gorge déployée.
Je haussai les épaules : "Pff, c'est même pas vrai, laissez-moi tranquille."
Brigitte enchaina : "De toute façon, on ne te croit plus. Tu dis que des mensonges, mais nous on sait comment tu es punie par ta mère. Comme une gamine, oui, comme une vraie gamine..."
Je protestai : "C'est pas vrai, je dis pas de mensonges. J'ai pas peur de rentrer, Maman ne m'a rien promis".
Babette rétorqua : "Sauf que la dernière fois, tu nous as dit que tu n'avais pas été punie, alors que tu as eu trois fessées, et même que la voisine elle a tout vu, hi hi... Oh, la honte !"
Je foudroyai Babette du regard, et lançai : "C'est pas vrai, c'est pas vrai, j'en ai pas eu trois, pas trois..."
Mais je me mordis les lèvres en constatant que ma phrase était comme un aveu... Il était facile de comprendre que si je protestais surtout et avec véhémence contre le nombre de trois, c'était que j'avais bien reçu une fessée, voire deux...
La rencontre avec Babette et Brigitte m'avait déstabilisée.
Sans le vouloir, j'avais de fait avoué avoir reçu la fessée samedi.
Je me remis à marcher, la tête basse, très émue,
alors que derrière moi les deux moqueuses
jouaient le soi-disant épisode de l'accueil de la voisine
par Maman en pleine explication avec son aînée...
Je repris mon cartable que j'avais posé par terre, et me remis à marcher vers la maison. Babette et Brigitte m'emboîtèrent le pas, se mettant à jouer la scène qu'elles imaginaient. Brigitte faisant : "Dring, dring... Dring, dring... Bonjour Madame, je ne vous dérange pas ?" Et Babette d'enchainer : "Mais non, mais non, entrez donc. Je suis en train de donner la fessée à ma grande fille... Venez donc voir dans le salon... Je termine de lui rougir les fesses et on pourra prendre un café..."
Les deux moqueuses s'esclaffèrent après leur tirade. Je ne pus m'empêcher de me retourner et de leur répondre : "Arrêtez, arrêtez de dire n'importe quoi. C'est pas vrai. C'est de l'invention. La voisine, elle n'a rien vu, rien du tout... Parce que la voisine, elle était repartie quand Maman a recommencé de me donner la fessée..."
Brigitte ricana : "En tout cas, au moins tu avoues que tu as reçu une grosse fessée. Et, qu'est-ce que tu en sais, peut-être que la voisine, elle a pu voir de dehors par la fenêtre du salon ? C'est même sûr qu'elle a dû t'entendre crier sous les claques de ta Maman..."
J'étais tellement vexée de leurs moqueries que je ne me rendais pas compte que j'alimentais involontairement leur curiosité... Voulant avoir raison, je répliquai encore : "Non, elle a pas pu entendre, c'est pas vrai. Parce que c'était dans ma chambre, pas dans le salon. Il n'y a que mes soeurs qui pouvaient entendre, et qui ont juste un peu vu en ouvrant la porte quand la voisine a sonné..."
Babette s'amusa de l'image : "Ca doit les faire rire, tes petites soeurs, de voir tes fesses toutes rouges... Ca doit être moins drôle pour toi, Christine, de se faire baisser la culotte devant des gamines de l'école primaire... Oh, la honte..."
Babette imaginait mes écolières de petites soeurs riant sous cape,
en assistant à la fessée déculottée de leur collégienne d'aînée...
Cette moquerie me touchait d'autant que je ne pouvais pas
la démentir... Effectivement, samedi dernier, Aline et Diane avaient pu voir
étalées sur les genoux maternels, mes fesses nues et écarlates,
que Maman s'appliquait à corriger comme je le méritais...
Et, ce n'était, hélas, loin de là, pas la première fois...
Je sentis des larmes me monter aux yeux, et je me mis à courir le plus vite possible, détalant devant les deux moqueuses. Heureusement, elles ne me suivirent pas. Je ne m'arrêtai qu'au coin de la rue de notre maison, où je repris mon souffle, essuyai mes larmes, et tentai de refaire bonne figure avant de rentrer. Je n'avais aucune envie de raconter la scène à qui que ce soit, j'étais déjà assez perturbée et bouleversée par la teneur de ce dialogue et tout ce qu'il avait fait remonter en moi...
A SUIVRE