mardi 28 juin 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (3) Une trève dominicale, mais pas dans les pensées

SUITE 2

 J'avais finalement pu trouver le sommeil sans trop de difficultés. La perspective d'une journée chez Mamie justifiait dans ma tête le fait d'avoir renoncé à saisir les perches maternelles.
Je me disais que les habituelles conversations sur la santé et l'éducation des enfants n'auraient pas à se nourrir d'un épisode qu'aurait constitué une fessée reçue la veille au soir.
J'abordais donc cette journée dominicale de façon guillerette.


Arrivée chez Mamie, je profitai de mon statut d'ainée de ses petites-filles, de grande et plus ou moins chouchoute de ma grand-mère.
Avant même de passer à table, alors que j'avais pris place avec bonheur à côté de Mamie, l'apéritif (et le jus de fruit pour les enfants) tourna vite à quelques propos sur les deux dernières semaines écoulées sans voir ma grand-mère.
Maman admit que ses filles avaient été plutôt sages, et que ce dernier trimestre commençait bien, surtout pour Diane et Christine.
Assise en face de moi, je voyais Aline baisser les yeux et faire semblant de ne pas entendre...



Maman expliqua que "c'était plus dur avec Aline qui ne mettait pas beaucoup de bonne volonté pour apprendre ses leçons". Et d'ajouter : "C'est pourtant le trimestre où il ne faut pas se relâcher. C'est important pour ne pas risquer de redoubler".
Mamie à son habitude défendit ses petites-filles, rétorquant qu'il fallait tenir compte des capacités différentes de chacune selon les matières : "Elles ne peuvent pas être bonnes partout".
Maman le concéda, mais ajouta : "Je ne lui demande pas d'être première, mais au moins de travailler correctement chaque matière. Or, Aline a tendance à ne pas faire d'efforts là où elle est moins à l'aise. Et, ça, je ne peux pas le tolérer, tu le comprends bien..."
Mamie plaida quand même pour une certaine clémence. Maman répondit : "Etre clémente, tu en as de bonnes, pff. Je considère que je suis compréhensive quand elle a de vraies difficultés, mais pas jusqu'à admettre qu'elle abuse de ma gentillesse. Et quand il faut sévir, je fais ce qu'il faut. Une bonne fessée, il n'y a rien de tel pour qu'Aline redevienne appliquée et assidue."
Ma soeur chignait en entendant ces mots, et je me félicitais à nouveau de ne pas être dans sa situation...  
 


Le repas se passa sans trop guère d'autres allusions, et nous sommes sorties pour aller nous promener dans un parc voisin. Nous nous arrêtâmes près d'un espace de jeux, où mes soeurs allèrent jouer. J'avais commencé à vouloir faire de la balançoire avec elles, mais Aline cherchait visiblement à m'attirer des ennuis, se plaignant que je l'embêtais. Je comprenais que, vexée par les confidences maternelles qui la désignait comme l'indisciplinée au milieu de deux soeurs plus calmes (pour le moment), elle aurait bien provoqué quelques réprimandes à notre encontre Diane et moi.
J'ai saisi son jeu et pris conscience qu'il valait mieux ne pas tenter le diable, et ne pas risquer de me faire gronder pour des futilités à un moment où j'encourais des risques plus importants...
Mamie et Maman s'étaient assises sur un banc et devisaient. Je me suis installée sur le talus herbeux à quelques pas près d'elles. Sans en avoir conscience, je me remettais ainsi dans la peau de celle qui joue la grande fille sage et posée.




Mère et fille devisaient de choses et d'autres tout en ayant un oeil sur les petites. Le calme régnait et Mamie le fit remarquer : "C'est quand même agréable quand elles s'amusent gentiment. Tu vois, elles commencent à grandir tes filles. Tu n'es pas sortie de l'auberge, comme on dit, mais tu verras que le temps fait son oeuvre."
Maman dit qu'elle l'espérait en effet, mais qu'il y avait encore bien du travail en perspective.
Mamie essaya de rassurer sa fille, et me cita en exemple : "Tiens, regarde donc Christine. Elle est quand même plus calme qu'elle n'a été. Tu verras, elle te donnera de grandes satisfactions, je l'ai toujours su".
Maman modéra l'enthousiasme de Mamie qui m'avait été droit au coeur. Elle répliqua : "Oh, tu sais, il faut se méfier de l'eau qui dort. C'est vrai que ces derniers temps, Christine est moins dissipée en classe. Mais de là à penser que cela durera longtemps, je demande à voir".
Mamie insista : "En tout cas, elle est toute sage aujourd'hui".
Maman mit un bémol : "Parfois, tu sais, quand elle est aussi calme, c'est qu'elle n'a pas la conscience tranquille... Mais je te concède que depuis le début de ce dernier trimestre, cela se passe pour l'instant sans anicroche, ce qui n'a pas été souvent le cas, dans les mois précédents..."
Mamie voulait avoir raison : "Un bon mois sans grosse bêtise, c'est bien que Christine grandit. Elle est plus à même qu'Aline de comprendre combien un dernier trimestre est important. C'est bien ce que je disais".   
La réplique maternelle m'a moins plu... "Vu ainsi, tu n'as pas tort, bien sûr. Mais si Christine se tient à carreau, c'est aussi parce que, juste au début de ce trimestre, nous avons eu une sérieuse explication après que j'ai rencontré sa prof d'anglais. Et je pense que Christine n'a pas oublié la fessée qu'elle a reçue, et que cela a calmé notre demoiselle pour un moment..."



Maman s'était retournée vers moi et me scrutait du coin de l'oeil. Je me sentis rougir. Mamie comprit mon malaise et ne chercha pas à en rajouter. Avant de changer de sujet, Maman compléta son propos : "Enfin, j'aimerais te croire, mais cela ne dure jamais éternellement. En ce moment, c'est plus Aline qui me donne du fil à retordre, mais Diane est à surveiller comme le lait sur le feu. Et puis, si je suis bien contente que Christine me laisse un peu de répit, je sais trop bien ce dont quoi elle est capable. Ma grande a toutes les qualités du monde quand elle le veut bien... Sauf que le naturel revient vite au galop et qu'il faut savoir réagir.  Et Christine sait bien ce que je veux dire..."
Maman avait un petit sourire en coin en me regardant. Je me sentais gênée, vulnérable. De ma position je voyais Maman assise. Je voyais ses jambes, ses genoux. Sa main n'était pas encore à pianoter sur ses cuisses comme parfois quand elle m'y invite à venir m'allonger...
Mais, en repensant à mes angoisses, à ce que je savais et qu'elle ignorait encore, j'avais la sensation que Maman me signifiait en langage à peine codé : "Christine, prépare tes fesses, Christine, tu sais ce qui t'attend..."

A SUIVRE

Le beau temps ne dure pas éternellement... (2) Donner le change, ne rien laisser paraître

SUITE 1

Maman avait bien comme un sixième sens. Elle lisait dans nos pensées et comprenait quand quelque chose n'allait pas.  J'avais toujours été impressionnée par son sens de l'observation, mais je comprends avec le temps qu'il devait être facile de ressentir les troubles et angoisses de son petit monde, dès l'instant où elle nous avait mis au monde et devait, rien qu'à la façon dont nous respirions deviner si quelque chose clochait.
Sa réflexion en me voyant pensive sur le muret du fond du jardin en était la preuve, et elle m'avait alertée. Si je ne voulais pas qu'elle cherche trop les raisons de mon malaise, mieux valait donner le change et jouer au mieux la fille innocente...


Pas facile, pas facile, cette tâche-là... Surtout quand mes réflexions ne me laissaient plus guère de doute sur mon avenir postérieur...
Le soir, j'avais endossé le rôle de l'ainée serviable. Je m'étais proposée pour mettre la table, et j'avais débarrassé sans rechigner, restant en bas, au lieu de filer dans ma chambre, montrant que je pouvais encore rendre service si nécessaire.
"Merci Christine. Non, tu peux monter. Je vais juste passer un coup de serpillère et tout sera nickel. Je te trouve bien disposée, ma fille. J'espère que tu n'as rien à re reprocher...", commenta Maman.
Je protestai avec une force qui lui a sûrement paru suspecte. "Ah, mais non, mais non, Maman. Je veux juste t'aider".
Assise sur le canapé du salon, elle rétorqua en levant un doigt menaçant : "C'est bien, Christine. Mais, je me méfie quand même. Je sais bien d'expérience que lorsque cela fait quelque temps que tu n'as pas fait des tiennes, il faut s'attendre à de nouveaux exploits... J'espère pour toi que ce n'est pas le cas et surtout que tu ne me caches rien... Tu sais combien je déteste les mensonges, ma chérie. Je serais à ta place, je réfléchirais bien avant d'en faire... Sinon... Sinon... je ne te fais pas de dessin, Christine..."



Je suis montée dans ma chambre sans rien rajouter. Je voulais surtout cacher mon angoisse. J'avais le sentiment que Maman avait tout deviné et que je n'avais pas saisi la perche qu'elle me tendait. La franchise aurait peut-être adouci sa colère, modérer la réaction qu'elle aurait en connaissant mon dernier "exploit" comme elle disait...
Mais, on ne se refait pas. J'étais repartie dans une spirale d'enfermement dans mon besoin de gagner du temps.
Quand Maman est venue nous dire bonsoir et éteindre dans nos chambres, je l'ai embrassé comme d'habitude, mais j'étais à deux doigts d'éclater en sanglots. Heureusement, dans la pénombre, elle ne vit pas mon visage.
Au moment où elle quittait la pièce, j'ai eu un sursaut d'hésitation. J'ai dit : "Euh, Maman..."
Elle s'est retournée et m'a demandé "Quoi, Christine ?".
L'autre partie de moi a rétorqué : "Euh, non, euh, rien, euh, bonne nuit, Maman..."
Je pense que si elle était revenue s'asseoir au bord de mon lit et m'avait demandé : "Qu'est-ce qu'il y a ma chérie ? Tu veux me dire ce qui te chagrine. Allez, raconte à Maman", il est possible que je me sois confiée. J'étais tellement au bord de l'aveu.
Mais, ma nouvelle dénégation lui a suffi et elle a refermé la porte derrière elle.
Je me suis retrouvée dans l'obscurité. J'avais chaud, comme mal au ventre, l'estomac noué par cette tension nerveuse.
Je me trouvais bête et idiote d'avoir tergiversé, mais j'avais aussi le sentiment que c'était une petite victoire de voir ce samedi passer, cinq semaines juste après ma dernière fessée. Demain serait un autre jour, nous allions passer la journée chez Mamie, cela permettait d'espérer gagner encore un jour aisément. Au moins étais-je sûre que les discussions à la table familiale ne tourneraient pas autour de la fessée que j'aurais pu recevoir ce soir. Finalement, cet argument-là me plaisait vraiment et me consolait de mes tergiversations. Je m'endormis en pensant rassurée que c'était mieux ainsi, et qu'il valait mieux en effet que je sois la seule à savoir qu'une fessée m'attendait prochainement. La seule à le savoir vraiment, même si je devinais que Maman s'en doutait également un peu...

A SUIVRE

samedi 25 juin 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (1)

Le climat familial a quelques points communs avec la météo. Il alterne les moments de ciel bleu et les périodes orageuses, les coups de froid et les temps plus chaleureux. A ceci près que les saisons en question ne respectent jamais un calendrier prédéfini.
Et que, même si l'on aimerait qu'il fasse beau tous les jours, plus une accalmie dure et plus on peut craindre que le temps ne change brusquement...
C'est ce qui me trottait dans la tête en ce 21 mai printanier. Nous étions dans le jardin, mes soeurs jouaient avec une petite voisine, Maman s'occupait dans le petit carré de potager attenant au garage, à surveiller si ses plantations poussaient, à enlever quelques mauvaises herbes, à arroser ses semis.
J'avais lu un moment installée dans une chaise longue sous le cerisier, mais je n'arrivais pas à me concentrer sur ce volume de la bibliothèque verte que j'appréciais habituellement.
Alors, j'avais été faire le tour du jardin, et je m'étais assise sur le muret qui donnait sur la cour de la maison d'à côté. J'étais songeuse, perdue dans des réflexions assez contradictoires...



Et pourtant, vu d'un certain point, tout allait bien. Ce troisième trimestre scolaire était même étonnamment calme. Il y avait bien eu un "incident" la première semaine après les vacances de Pâques, mais plus rien depuis...
Peut-être m'étais-je tenue davantage à carreau ? Ou avais-je eu de la chance ? Quoi qu'il en soit, je n'avais plus récolté d'heures de colle, ni de mots à faire signer à la maison, le bulletin de fin avril (qui ne reflétait toutefois que trois semaines, puisque c'était vacances avant) avait même été fort correct, sans éclat, mais sans note catastrophique.
Maman ayant un peu de fil à retordre avec Aline, qui avait toujours plus de difficultés à apprendre que Diane et moi, j'appréciais vraiment cette accalmie, et le fait que les épisodes les plus orageux se déroulaient entre ma soeur et notre mère.

"Tu rêvasses, Christine ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette ?", remarqua Maman en passant à côté de moi pour aller chercher un produit insecticide dans la remise.
"Non, non, ça va, M'man, ça va", répondis-je à la hâte, comprenant que mon attitude pouvait paraître étrange à une mère dotée d'une sorte de sixième sens qui semble lire dans vos pensées...
Je tentai de prendre une pose moins anxieuse, car il n'était pas question qu'elle devine ce qui me tourmentait...
Ce n'était d'ailleurs pas clair pour moi non plus, car j'étais à la fois dans une certaine fierté, dans une sorte de soulagement que les jours se succèdent sans dispute, et paradoxalement dans un sentiment que tout a une fin, que le beau temps ne peut durer toujours, que plus on en profite et plus on se rapproche du prochain orage...
Le dernier en ce qui me concerne, c'était le 16 avril. Ne soyez pas étonnés que je m'en rappelle la date précise, mais c'était le jour de l'anniversaire d'Anne, une camarade de classe. Un samedi, celui de la semaine de rentrée après les vacances de Pâques.
J'étais allée chez elle pour un goûter qui avait été vraiment réussi. On s'était amusées comme des folles, entre six copines, sans les petites. Une journée inoubliable, à ceci près que, profitant que j'étais chez Anne, Maman était allée en ville faire des courses avec mes soeurs. Et elle avait rencontré ma prof d'anglais qui lui avait expliqué mes dernières frasques et son inquiétude à l'aube d'un trimestre décisif.
Quand Maman était venue me rechercher chez Anne, j'avais bien vu qu'elle n'était pas de la même humeur que moi...
A peine rentrées, mes soeurs ont été envoyées prendre leur douche, et Maman est venue dans ma chambre. En ce 16 avril, après l'anniversaire d'Anne, ce fut ma fête... Et autant j'avais ri tout l'après-midi, autant j'ai versé des larmes en recevant une fessée magistrale, une déculottée maison, hélas bien méritée...
Mais, depuis, et je croisais les doigts en y repensant, plus rien, sauf bien sûr parfois quelques menaces, voire des rappels à l'ordre, mais pour mon bas du dos, c'était le repos total et je m'en accommodais bien...
Cet après-midi, au fond du jardin, j'y repensais. Nous étions le 21 mai, cela faisait donc cinq semaines exactement que je ne m'étais plus retrouvée sur les genoux maternels...
J'espérais que cela puisse durer encore des jours et des jours, j'aurais bien pensé des semaines et des semaines, des mois et des mois, mais j'étais réaliste et méfiante. Surtout qu'avec le temps, les petites alertes avaient tendance à donner l'impression qu'il y avait une sorte de vase qui, un jour, bientôt peut-être, allait "déborder" comme on dit... Avec aussi l'impression que, dans ce genre de situation, un motif qui aurait peut-être été pardonné au lendemain d'une bonne déculottée, le serait moins après une longue période sans la moindre fessée...
A vrai dire, ce n'était pas tant le nombre de jours de calme, que je pouvais compter du fait que je me souvenais de la date précédente, qui me faisait penser et repenser à cela. A vrai dire, ce qui me souciait, c'était autre chose, c'était une angoisse montante, une inquiétude due à quelque chose que Maman ignorait. Du moins qu'elle ne savait pas encore...

A SUIVRE

lundi 6 juin 2011

Un accueil glacial pour un retard doublé d'un mensonge... (SUITE)

SUITE
Quelle nuit ! Je ne vais pas faire croire que je n'ai pas dormi : ce serait un mensonge à un moment du récit où le fait d'avoir menti me mettait justement dans une fâcheuse position...
J'ai fini par m'endormir après avoir longtemps tourné et retourné dans mon lit, me refaisant le film de cette soirée, pas celui du cinéma, mais de ma rentrée peu glorieuse...
Je m'en voulais de m'être mise toute seule dans une telle situation dont je connaissais déjà l'issue... Christine allait recevoir la fessée. Dit ainsi, cela faisait comme si c'était une autre personne, mais dans la réalité, c'étaient mes fesses que je devais préparer, et je me refusais mentalement à endosser à nouveau ce rôle...
J'entretenais le faible espoir que Maman change d'avis : la nuit porte conseil, dit-on... Mais, de fait, 90 % de mon être n'y croyait pas. Le regard et le ton de Maman ne me laissaient aucun doute sur sa détermination...


J'ai dormi par intermittence, me réveillant en sursaut parfois, me sentant prête à pleurer à d'autres moments. Comme si le moindre bruit dans la nuit m'annonçait l'arrivée de Maman, le moment fatidique... Je ne me souviens pas de mes rêves, mais je suis sûre qu'ils tenaient du cauchemar, qu'ils devaient être cuisants...
Le plus dur était de trouver une position où je me sentais bien. Si je dormais sur le dos, j'avais l'impression d'avoir chaud au bas du dos au bout d'un moment, et mon imagination prenait le dessus. Si je me mettais sur le ventre, la position fesses en l'air m'amenait à me croire déjà sur les genoux maternels.
C'est sur le côté que je me sentais finalement le mieux, remontant les genoux pour me mettre en boule, et me calant bien le dos contre le mur qui était à droite de mon lit. Comme si je me protégeais...


Au petit matin, je me suis réveillée un peu embrumée. J'avais envie de faire pipi et je suis allée soulager mon besoin naturel à pas de loup, pour ne réveiller personne.
Ayant soif, je me suis dirigée vers la cuisine, descendant les escaliers, mais je suis remontée bien vite, toujours sans bruit. Maman était déjà levée. Il est vrai qu'il était 7 h 45, une heure où l'on est largement levées les jours d'école.
Elle devait profiter du calme de la maisonnée pour faire un peu de ménage, s'occuper de mille choses qu'une Maman doit faire. Et tant qu'on n'a pas trois enfants sur les bras, la tranquillité est appréciable.
Je ne voulais surtout pas me retrouver en face d'elle...
Je suis allée boire quelques gorgées au robinet de la salle de bains, et je me suis recouchée le plus discrètement possible.
Elle avait dit qu'on dormirait jusqu'à 9 h. Je n'allais pas hâter la manoeuvre. Surtout ce matin-là !
Il restait plus d'une heure à attendre. Je savais que j'aurais du mal à me rendormir. Cela aurait été bien pourtant, car je ne serais pas retombée dans mes angoisses qui grandissaient à mesure que les aiguilles de mon réveil matin tournaient...
Vers 8 h 30, cela commença à bouger dans la chambre des petites. Elles étaient réveillées et je les entendais papoter à voix basse. Puis, les minutes passant, elles parlaient et riaient de moins en moins discrètement.
Je pestais intérieurement contre elles. Je n'avais pas envie que Maman vienne plus tôt que l'heure prévue...
Mais, le manège de mes soeurs éveilla l'attention maternelle. Notre mère monta donc, ramenant une pile de linge qu'elle venait de repasser, pour le ranger dans nos armoires respectives.
Elle entra dans la chambre de mes soeurs : "Déjà réveillées, les filles ? Il est presque neuf heures moins le quart, et vous avez bien dormi. Allez, vous pouvez vous lever et ouvrir les volets. Le petit déjeuner est prêt dans la cuisine. Mais, rangez-moi donc tout ce qui traîne. Je passerai l'aspirateur tout à l'heure, et je ne veux rien par terre, ni sous les lits".


Maman ressortit et vint vers ma chambre.Elle y entra sans frapper, j'étais sous les draps, jouant celle qui dormait à poings fermés...
"Allez, debout, Christine. Réveille-toi...", lança-t-elle, avant d'aller déposer quelques pièces de linge repassé dans ma penderie.



Je continuai à jouer la mal réveillée, baillant et n'ouvrant qu'à peine mes yeux. "Mais, il n'est pas encore 9 h, M'man. Je suis fatiguée, je voudrais dormir encore un peu".
Maman rétorqua : "Non, Christine. Tes soeurs sont déjà debout. Allez, bouge-toi. Tu serais moins fatiguée si tu t'étais couchée plus tôt, ma chérie..."
Je n'avais pas envie du tout de me lever. Je savais qu'elle n'était pas placée sous une bonne étoile pour ma petite personne...
Maman était ressortie pour aller dans sa chambre ranger le reste du linge. Je n'avais toujours pas bougé d'un pouce : "Christine, allez, j'ai dit debout. Ouvre les volets et aère ta chambre. Tu rangeras aussi ce qui traine avant de descendre petit-déjeuner", lança-t-elle en retraversant le couloir.
De fait, je n'avais pas envie de partager le petit-déjeuner, sachant fort bien que mes frasques y seraient évoquées en famille... Ainsi que leurs conséquences annoncées...
Dans la chambre d'à côté, mes soeurs n'étaient pas pressées de descendre non plus. En rangeant les jouets et livres qui trainaient, Aline avait retrouvé des pièces de puzzle et s'était mise à tenter de les replacer sur leur réceptacle. Diane, pour sa part, avait rouvert un album de bande dessinée et en poursuivait la lecture.
Sa pile de linge remise dans les armoires, le petit-déjeuner prêt qui attendait les enfants, Maman ne chercha pas à faire s'activer les petites qui venaient de bien ranger leur chambre. Tant qu'elles étaient sagement occupées, cela ne servait à rien de précipiter la manoeuvre. Le catéchisme était à 10 h 30, et ce calme allait permettre de vaquer à d'autres occupations, hélas plus sérieuses...
Je pense que Maman s'était mise dans l'idée qu'elle s'occuperait de mon cas dans la matinée, à un moment propice, peut-être quand Aline serait partie au presbytère et que Diane aurait fait ses devoirs.
Mais, puisque Christine n'avait pas envie de quitter sa chambre, n'était-ce pas l'occasion d'aller tenir avec elle une "petite discussion" comme promis ?
Je le compris avant de voir Maman arriver. Quittant mes soeurs, elle leur dit : "Bon, si vous n'avez pas bien faim, je vous laisse encore lire et jouer. Mais, que je n'entende rien. J'ai une petite affaire à régler avec Christine. Je n'ai pas envie d'être dérangée..."
Les mots maternels furent suivis d'un grand silence. Aline et Diane avaient certainement des questions au bord des lèvres, mais elles se gardèrent bien de paraître trop curieuses. Elles comprenaient bien que ce n'était pas le moment...
De mon lit, j'avais tout entendu et mon petit coeur se mit à battre très vite... "L'affaire à régler", moi je savais bien ce que c'était, et comment cela allait se terminer...
Maman rentra donc à nouveau dans ma chambre, la traversa, et alla ouvrir les volets. Il faisait un beau soleil, et assez doux. Elle laissa ma fenêtre, qui donnait sur le jardin, grande ouverte.
"Euh, attend, Maman, j'allais le faire. Je me lève, promis", dis-je pour faire bonne impression. Mais, je restai sur mon lit, me reculant vers le mur.
Elle revint vers la porte donnant dans le couloir, et elle la repoussa d'un geste assez lent, la refermant bien, et vérifiant qu'elle était bien clenchée, avant de se retourner vers moi. Le geste avait été fait méticuleusement, comme pour bien montrer que nous étions maintenant tranquilles, seules, elle et moi, face à face.



"Mais, euh, Maman, tu as dit que le petit-déjeuner était prêt...", balbutiai-je en cherchant une porte de sortie à cette situation compromise...
Elle répliqua de but en blanc : "Le petit-déjeuner attendra, Christine. Tu avais sommeil, et maintenant, tu veux te lever tout de suite. Nous avons autre chose à faire toutes les deux, ma fille, et tu le sais bien..."
Elle pointait son doigt accusateur. Je plaidai : "Dis, on peut en parler plus tard. Je t'expliquerai tout, tu sais."
Son ton monta : "Il n'y a rien à expliquer, Christine, RIEN !!! Tu traines une heure après le cinéma, seule dans la rue avec ta copine. Je me fais un sang d'encre, et tout ce que tu trouves à dire en rentrant, ce sont des mensonges éhontés. Tu n'as même pas le courage de tes actes. Alors, ma chérie, l'explication, c'est moi qui vais te la donner. Et pas plus tard que maintenant..."


En disant ces mots, Maman s'était assise sur le côté de mon lit. Comme dans mes cauchemars de cette nuit, comme dans tant de souvenirs encore vivaces...
Par réflexe, je m'étais levée, sortant du lit en quatrième vitesse, et reculant pour me retrouver dos à la porte, à trois pas des genoux maternels.
"Où vas-tu donc, Christine ?" ironisa Maman. "Tu veux ouvrir la porte ? On peut appeler tes soeurs aussi, tant que tu y es ?"
J'étais tremblante et je comprenais que rien n'y ferait. Je tentai tout de même une supplique : "Maman, non, s'il te plait. Je ne recommencerai plus. Promis. Je rentrerai à l'heure, je ne dirai plus de mensonges. Pardonne-moi, s'il te plait".
Mais, j'étais à bout de nerfs, épuisée par ma nuit courte et en pointillés. Maman, elle, était d'un calme impressionnant, et tapotait ses genoux, en disant : "Allez, Christine, viens ici... Ne fais pas l'étonnée. Tu le sais depuis hier soir. Je te l'ai bien dit que tu méritais une bonne fessée. Et si tes soeurs n'avaient pas été endormies, je te l'aurais donnée sur le champ. Allez, ne m'oblige pas à me relever pour aller te chercher, viens ici, que nous réglions nos comptes..."



J'avais effectivement passé la nuit à craindre ce moment, à angoisser devant ce qui m'attendait. Je pouvais presque m'estimer heureuse que la scène ne se passe qu'entre nous deux, loin de tout regard, même si à côté des oreilles devaient trainer...
Gagner quelques secondes n'aurait servi à rien, et en sanglotant nerveusement, je me suis rapprochée à tout petits pas de mon lit.
Maman continuait à tapoter ses genoux : "C'est bien, ma chérie. Allez, sois courageuse, viens ici..."
Une fois à la portée de sa main, elle me happa le bras et me fit basculer en travers de ses genoux... Elle s'attaqua immédiatement à baisser mon pantalon de pyjama. Je tentai de le retenir en geignant : "Non, Maman, non, non, non, nooooon !"
Elle m'attrapa le bras qui s'agrippait à ce fragile rempart. "Lâche ça, Christine. Ne fais pas d'histoires. Tu sais très bien que je vais baisser ton pantalon, et que je vais baisser aussi ta culotte, parce que les bonnes fessées, Maman les donne déculottée. Et tu es bien placée pour le savoir... Alors, lâche ça, tout de suite..."
J'ai obtempéré à contre coeur, mais Maman a immédiatement bloqué mon bras au milieu de mon dos, dégageant le pyjama, avant de faire glisser aussi la culotte vers le bas.
Ma lune était toute dégagée, offerte à la main correctrice. Je sanglotais, submergée par l'émotion. Pas encore du fait des claques maternelles, mais ce n'était qu'une question de quelques secondes... L'orage allait enfin tomber.


J'y avais tellement pensé, les heures précédentes, que la fessée arrivant, j'étais en partie soulagée, avec le poids de l'angoisse en moins.
Maman avait la situation parfaitement en mains et ses claques tombaient à rythme régulier. Il n'y avait pas cette hâte ressentie parfois, ces accélérations désordonnées qui caractérisaient certaines phases de nervosité maternelle.
Non, la fessée était cette fois vraiment "appliquée", comme une véritable leçon. De mon côté aussi, je la prenais presque calmement, sans trop gigoter, sauf par de rares moments.
Maman n'était plus sous le coup de l'énervement de la veille au soir, et elle avait eu, elle aussi, la nuit pour y repenser, pour forger sa détermination que ma conduite méritait une fessée magistrale...
En poursuivant sa claquée longue et méticuleuse, elle reprenait en litanie les griefs qui m'étaient reprochés : "Ah, je vais t'apprendre à être en retard. Tiens, tiens, tiens ! Ah, je vais t'apprendre à me mentir..."
Mais, il y avait aussi des phrases qui révélaient le fond de la pensée maternelle : "Ah, tu m'as fait une de ces peurs... Tu n'imagines pas ! Qu'est-ce que je deviendrais si il vous arrivait quelque chose... Ne t'avise pas de recommencer, tiens, tiens, tiens !"
Et les claques redoublaient prolongeant une volée mémorable qui ne semblait jamais vouloir finir. J'avais les fesses écarlates, bouillantes, et je n'avais plus de force pour gigoter, laissant la main maternelle aller au bout de ce qui était une sorte de "tannée" au sens premier du terme.
Je pleurais à chaudes larmes, en me sentant toute chose, comme toute bête. Je comprenais que Maman avait eu peur qu'il me soit arrivé quelque chose. Je comprenais que sa réaction était à la hauteur de l'affection qu'elle portait à ses filles. Cette fessée magistrale était quelque part comme le témoignage de son amour.
J'avais envie de crier : "Maman, pardon, pardon, pardon de t'avoir fait peur".
Je n'en étais pas encore à dire que je méritais cette fessée, mais lorsqu'elle finit enfin, je n'étais pas en colère contre Maman, comme parfois quand je me sentais punie à tort. Je n'étais pas à l'inverse jusqu'à vouloir la remercier. Mais, j'avais un sentiment mêlé, d'une part, celui de la punie honteuse d'avoir pris une déculottée mémorable, et d'une autre, celui de savoir que, même en lui en faisant voir de toutes les couleurs, j'avais une Maman qui tenait à moi et à mes soeurs plus que tout.