J'ai quand même fait ce qu'il fallait pour travailler correctement, pour ne pas me laisser aller et les résultats sont des plus corrects.
Bref, je commence à me dire que le beau temps peut durer et, même si les rappels à l'ordre de Maman devraient me faire me méfier, ma tendance naturelle à jouer avec les limites, à ne pas poursuivre plus qu'il ne le faut les efforts, me titille à nouveau.
J'essaie d'être plus calme en cours, mais ma réputation me joue des tours. Comme cet après-midi, où je n'étais pas passionnée par le cours d'histoire. Il faut dire que ma voisine Anne avait pas mal de choses à raconter et nous chuchotions en douce dès que la prof avait le dos tourné.
D'un seul coup, elle nous fit face et lança : "Anne et Christine, vous me copierez cent fois : je ne dois pas bavarder en classe. Pour demain matin, signé des parents bien sûr..."
Patatras ! Ce n'est pas possible. Je proteste : "Non, Madame, s'il vous plait, pas ça. Je ne bavardais pas, je ne faisais qu'écouter."
Mais sa décision était prise et irrévocable : "Christine, arrêtez de vous faire passer pour une sainte. Ce n'est pas la première fois que je vous rappelle à l'ordre. Vous avez de la chance que je ne vous donne pas quatre heures de colle".
"Non, Madame, s'il vous plait, pas ça"
L'argument de la prof était imparable. Mais je me demandais si je n'aurais pas préféré des heures de colle. Cela aurait été pour la semaine prochaine, Maman aurait reçu l'avis du collège seulement mercredi prochain. J'aurais eu le temps de chercher une parade.
Là, il y avait cent lignes à faire. Dès ce soir, et à faire signer... Je comprenais d'un coup que la roue avait tourné...
J'ai terminé l'après-midi de cours dans un nuage. Je ne parlais plus à mes copines, et je ne pensais qu'à une chose... Comment faire avaler ça à Maman ? Et, ses mots de l'autre soir tournaient à nouveau en boucle dans ma tête : "Christine, à la prochaine bêtise, on remettra les pendules à l'heure, ma fille... Je serais à ta place, je me tiendrais à carreau, ou alors, je préparerais mes fesses..."
Comment imaginer qu'il en serait autrement ? Le bavardage en classe, jamais Maman ne l'admettrait... Et que dire ? Que faire ? Moi qui étais si inventive d'habitude, je ne trouvais rien. J'avais le sentiment que c'était perdu d'avance...
Et pour la première fois depuis très longtemps, je suis rentrée à la maison, sans la moindre illusion, me disant que je n'y échapperais pas...
"J'ai éclaté en sanglots dès sa première question"
En me voyant dire bonsoir du bout des lèvres, éviter son regard, Maman a tout de suite senti que quelque chose n'allait pas. "Tu en fais une tête, Christine. Comme je te connais, il y a quelque chose qui ne va pas. Je crains le pire. Mieux vaudrait m'en parler tout de suite si c'est une mauvaise nouvelle..."
Les autres jours, j'aurais dit "Non, non, Maman". J'aurais fui les questions et tenté de gagner du temps pour préparer ma défense. Là, j'en avais trop gros sur le coeur et j'ai éclaté en sanglots... "Maman, Maman, euh, c'est la prof d'histoire. Euh, elle, euh, elle a donné une punition à ma voisine et à moi".
Maman sursaute et soupire : "Ah, c'était trop beau, je me doutais bien que cela ne durerait pas.... Quelle punition donc ? Allez, dis-le."
Je sanglote encore et raconte en chargeant ma voisine. "C'est Anne qui me causait, M'man, je t'assure. Faut qu'on fasse cent lignes de "je ne dois pas bavarder en classe" que tu dois signer".
Maman rectifie : "Christine, il faut être deux pour bavarder. Je ne veux pas savoir qui causait le plus. Tu es punie et c'est tout ce qui compte. Et cela ne va pas se passer comme ça, tu sais. Tu sais ce que je t'ai promis si tu refaisais des tiennes. Je peux te dire que cette fois, il n'y aura pas coup de téléphone de Tata ou de je ne sais quoi pour m'empêcher de m'occuper de toi..."
Je suppliai : "Non, Maman, je t'en prie, je suis déjà punie avec mes cent lignes. Non, s'il te plait..."
J'aurais voulu palabrer mais je savais que ce serait en vain, d'autant qu'Ailne et Diane qui prenaient leur goûter ne manquaient rien de la scène et que je ne voulais pas que Maman en dise trop, une promesse faite devant elles devenant encore plus gênante pour moi...
"Allez, va faire tes devoirs et tes cent lignes. On reparlera de tout cela plus tard. Mais, je peux te dire, ma chérie, que tu peux préparer tes fesses..."
C'était dit et je sentais bien que cette fois, je ne passerais pas à côté de l'orage...
Je suis montée dans ma chambre en pleurnichant et j'ai relu ma leçon d'anglais puis me suis mise à faire les cent lignes. C'était long et fastidieux et je faisais les lignes en colonnes, en écrivant sur toutes les lignes d'une page, "je, je, je", puis "ne, ne,ne, ne", etc. etc.
Il allait falloir quatre feuilles pour faire les cent.
J'en avais écrit les trois quarts quand Maman vint me voir après avoir regardé les devoirs de mes soeurs.
"Tu n'as pas encore fini. Applique-toi, Christine, car si il y a des ratures, je te fais recommencer. Et puis, tu descendras me faire signer ta punition. Je t'attends dans le salon pour qu'on parle... Je dois aller après le dîner à la réunion des parents d'élèves de l'école de tes soeurs. Mais, il n'est que 6 h et quart, on a bien le temps de régler nos petits comptes...", dit-elle avant de me laisser à mon pensum...
"Régler nos petits comptes avant le dîner", je ne m'y attendais guère. Je pensais plutôt que Maman "s'occuperait" de moi au coucher, comme souvent...
Hélas, je n'étais pas en position de discuter du programme... Je ne voyais qu'une chose, j'étais bonne pour une fessée et cela tambourinait dans ma tête....
"Christine, cela ne sert à rien de faire trainer les choses", lança Maman au bout de dix minutes... J'avais effectivement fini, mais je tardais à descendre, imaginant que j'allais marcher vers la fin de ma tranquillité...
"Christine, je t'ai assez prévenue..."
Je trainais les pieds en descendant les escaliers et j'avais les yeux humides en arrivant au salon. Je tendis les feuilles à Maman qui remarqua quelques ratures, mais signa quand même... Elle avait l'index pointé sur moi et me demandait de venir à ses côtés. Je baissais la tête et je plaquais mes mains sur ma jupe comme pour me défendre déjà. Je suppliai : "Maman, je t'en prie, je serai sage, je ne bavarderai plus, je ramènerai des bonnes notes. S'il te plait, non, pas la fessée..."
Elle eut un demi-sourire car j'avais prononcé le mot tant haï la première : "Christine, on ne va pas palabrer des heures. Tu vois bien que tu sais ce qui t'attend. C'est toi même qui le dis... Je t'ai assez prévenue. J'ai même laissé passer bien des bêtises et tu as eu bien de la chance de ne pas en recevoir ces derniers jours. Mais, cette fois, c'en est trop. Tu recommences à te faire remarquer au collège et il n'est pas question que je te laisse reprendre les mauvaises habitudes. Avec toi, il faut sévir sans attendre. Allez, viens ici, que je te donne la fessée que tu mérites plutôt dix fois qu'une".
"Comme pétrifiée, je me laissai allonger en position"
Je ne savais que dire doucement : "Non, Maman, non", et je me laissai attraper par le bras et tirer en travers de ses cuisses en position. J'étais comme pétrifiée. Je ne me débattai même pas vraiment. Dans ma tête, chaque jour, depuis plus d'un mois, je pensais à ce moment, je savais qu'il viendrait, j'en faisais des cauchemars à la moindre menace, mais là, j'avais l'impression que j'étais spectatrice de mon destin, qu'il était écrit et que je n'avais qu'à préparer mes fesses...
(A SUIVRE)