SUITE 145
Babette et Brigitte cherchèrent bien à me faire dire que j'avais été punie pour mes cent lignes. Et, bien sûr, dans leur imagination, ce ne pouvait être qu'en recevant la fessée...
Mais, je dus paraître sincère, car elles n'insistèrent pas trop...
Cela dit, j'imagine qu'elles ne se contentèrent pas de me questionner et durent passer par les petites soeurs pour savoir si je ne mentais pas.
D'ailleurs, je me doutai d'une manoeuvre de ce genre quand j'entendis Diane, le lendemain soir, me demander si j'avais été punie en classe, ce que je niai sans vraiment la convaincre. Et, poursuivant son enquête, soeurette interrogea même Maman, avec un petit air innocent : "Est-ce que tu as donné la fessée à Christine avant-hier ?"
La question étonna Maman qui répliqua : "Mais qu'est-ce que tu racontes, Diane ? Bien sûr que non. D'où sors-tu cette histoire ?"
Sentant que son interrogation intriguait Maman, Diane rétorqua : "Euh, bah, comme Christine faisait une drôle de tête, je croyais... euh..."
Maman ne fut qu'à moitié convaincue, mais coupa là la conversation en remettant Diane en place : "De toute façon, Diane, cela ne te regarde pas. Je gronde ta soeur quand je le juge nécessaire. Comme toi et Aline. Mais je n'aime pas les petites curieuses de ton genre..."
Et d'ajouter : "Je ne dis pas que Christine n'a pas failli en prendre une ces derniers temps, ni que cela n'arrivera pas bien vite, mais cela ne concerne qu'elle et moi ?"
Diane prêchait le faux pour tenter de savoir le vrai.
Maman lui avait bien affirmé que je n'avais pas reçu de fessée...
Mais ses dénégations confirmaient aussi que je n'étais pas passée loin...
Maman lui avait bien affirmé que je n'avais pas reçu de fessée...
Mais ses dénégations confirmaient aussi que je n'étais pas passée loin...
Ce qui confirmait bien que cela risquait bien d'arriver...
J'enrageais, mais je me gardai bien de dire quoi que ce soit que Diane puisse interpréter, commençant à me douter qu'elle devait avoir eu connaissance de ma punition de cent lignes... Et je n'avais nulle envie que Maman n'en découvre, et le motif, et le fait que j'avais menti, du moins par omission, ce qui aurait constitué autant de motifs pour Maman de tenir ses promesses...
De fait, j'en arrivais à ne pas croire à ce qui m'arrivait, ou plutôt à ce qui ne m'arrivait pas... Chaque jour, pour ne pas dire chaque demi-journée, chaque retrouvaille avec Maman, je ne me sentais pas tranquille, imaginant éventuellement une rencontre avec la jeune prof d'anglais, ou que quelque autre motif ne fasse, pour ainsi dire, déborder le vase des promesses maternelles...
Ayant déjà échappé à la fessée, une fois par une étonnante clémence maternelle, et une autre fois en n'avouant surtout pas avoir été punie de 100 lignes pour bavardage en classe, j'en devenais fataliste, à la fois fière de moi et sans illusion...
Fière de moi, en secret bien sûr, car une telle double échappatoire, je n'en avais guère, et peut-être jamais, connu dans mes trois précédentes années depuis l'entrée au collège... J'avais en la matière bien plus de souvenirs de deux fessées reçues à peu d'intervalle, que le contraire.
Sans illusion j'étais aussi, car si par moment je me prenais à rêver que cela dure longtemps encore, il y avait vite un avertissement maternel, une remarque acide, voire une menace claire qui me rappelait que je "ne perdais rien pour attendre". Quand ce n'était pas du genre : "Si tu me cherches, tu vas me trouver", qui pouvait faire croire que la fessée me "manquait" alors qu'au contraire, elle peuplait presque chaque nuit mes cauchemars...
J'avoue même que, chaque soir, en me mettant en pyjama ou chemise de nuit, comme à chaque fois que je me séchais en sortant de la douche, j'avais un regard dans la glace sur ma lune bien blanche, épargnée, pour ne pas dire rescapée...
Moi, qui avais toujours en mémoire quelques vues de mes fesses bien rougies, écarlates, au sortir d'une fessée magistrale, et aperçues dans une glace, qui me renvoyait ce que mes soeurs, si j'avais été punie devant elles, avaient pu voir... Moi donc, je prenais cette blancheur persistante comme une victoire. Mais, consciente aussi que gagner une bataille n'est pas gagner la guerre...
J'avais donc comme une fascination devant l'image de mes fesses blanches, et parfois, lorsque je me savais seule à l'étage, en me regardant le bas du dos dans la glace, je posais ma main sur l'épiderme, ce qui certaines fois me donnait comme la chair de poule... J'osais même esquisser comme une douce claque, un petit tapotage qui, déjà à lui seul, me rappelait trop ce que je craignais, et faisait que très vite je me rhabillais, devenue toute craintive, alors qu'il n'y avait aucune chance que quelqu'un l'entende...
J'arrivais à prendre chaque nouveau jour sans fessée comme une victoire...
J'en regardais en cachette avec une grande satisfaction
mes fesses bien blanches, allant jusqu'à les tapoter doucement,
avant de me rhabiller très vite ayant trop peur d'être surprise ainsi...
Fière de moi et sans illusion à la fois, disais-je tout à l'heure. Fière, je l'étais vraiment à chaque jour gagné, mais aussi intimement persuadée que cela ne durerait plus guère... Et, paradoxalement, c'était ma meilleure avocate, Tata Jacqueline, qui m'en persuadait sans le vouloir...
Venant régulièrement à la maison, deux à trois fois par semaine, voire plus, ma tante s'inquiétait de l'ambiance familiale, cherchant à aplanir les conflits si nécessaires, et plaidant souvent pour sa nièce préférée, alias moi ! Or, cette période de grand calme pour mon bas du dos depuis nos vacances à la mer lui paraissait une si bonne nouvelle qu'elle m'en félicitait à chaque fois, ce qui agaçait parfois Maman, lui rappelant que j'y avais échappé parfois de peu...
A force de me féliciter, de m'encourager, de fait, Tata contribuait à me faire prendre conscience que c'était une accalmie exceptionnelle, et j'en déduisais en secret, dans mon for intérieur, que cela ne pourrait guère durer plus trop longtemps...
En définitive, les compliments de Tata, je les interprétais au fond de moi comme : "Attention Christine, il va bien falloir un jour préparer tes fesses..."
Tata me félicitait à chacun de ses passages à la maison,
m'encourageant à continuer à être sage...
Mais, cela m'agaçait un peu, tant ces compliments revenaient à dire
que c'était presque étonnant que je n'ai pas encore reçu de fessée...
Cela dit, à ma plus grande satisfaction, cela continua pour moi jusqu'à la fin du premier mois, où je me mis à craindre que le premier carnet de notes ne réserve de mauvaises surprises. Même si mes notes continuaient à être correctes, j'avais peur de certaines appréciations...
Ma crainte était renforcée par le fait que, mes soeurs ayant eu leur carnet un jour avant moi, le sien avait valu à Aline une fessée donnée sur le champ, dans le salon devant Diane et moi... De quoi raviver mon angoisse en réécoutant les bruits et assistant à la scène d'une déculottée somme toute expéditive, mais plutôt carabinée pour l'aînée des petites, qui eut tort de trop se débattre et eut droit à une tannée bien rougissante malgré ses cris et supplications...
Diane ayant eu au contraire des louanges de son institutrice, elle fut félicitée par Maman, qui, se retournant ensuite vers moi, commença par douter que je puisse avoir mon carnet seulement un jour plus tard, se montra méfiante : "Bon, Christine, j'espère que tu n'as pas caché ton carnet pour gagner une journée... Ce serait bien de toi ce genre de choses... En tout cas, on verra demain, et je te souhaite que le carnet soit bon... Sinon, tu as vu ce qui vient d'arriver à Aline... Cela pourrait être ton tour... Et tu sais que je ne plaisante pas"...
Quoiqu'il en soit, la démonstration maternelle m'avait bien angoissée. J'en retenais la vitesse à laquelle les petites fesses de ma soeur avaient rougi, ses cris, et plus encore quand elle avait tenté de s'échapper. Rien que cela me faisait remonter de vives peurs, tout en sachant qu'avec ma taille d'ado, la fessée s'il y en avait une serait bien plus longue et démonstratrice... J'en frissonnais, rien que d'y penser...
Le décevant carnet de notes d'Aline lui avait valu une déculottée magistrale,
donnée dans le salon, devant les yeux de Diane et moi.
Ayant tenté de se rebeller, Aline avait vu sa tannée rallongée...
J'avais assisté à cette fessée qui avait ravivé mes angoisses,
J'avais assisté à cette fessée qui avait ravivé mes angoisses,
d'autant que Maman n'avait pas manqué de me menacer
de prendre la suite d'Aline si mon carnet n'était pas excellent...
Après une nouvelle nuit où je ne dormis pas très bien, les pensées obnubilées par ce qui était arrivé à Aline, je reçus lors du dernier cours de la matinée mon carnet de notes mensuel qui me rassura plutôt. De fait les notes qu'il contenait je les avais déjà montrées à Maman, et côté appréciations c'était plutôt globalement positif. Hormis en maths, où le "Des résultats corrects" était pondéré par "Pourrait toutefois mieux faire".
Hormis aussi en anglais, où la jeune prof avait écrit : "Un travail assez régulier, qui mériterait parfois plus d'attention en classe".
Je me doutais bien que cela ferait tiquer Maman, mais j'avais surtout peur qu'il y ait une allusion aux 100 lignes pour bavardage dont je ne m'étais surtout pas vantée...
Soulagée, je préférai même ne pas attendre le soir pour montrer mon carnet, et le tendis à Maman en rentrant à midi.
Elle ne manqua pas de relever les deux commentaires des profs de maths et d'anglais, comme je m'en doutais, exprimant d'ailleurs une idée qui me fit grimacer intérieurement : "J'espère, Christine, que cela va mieux aller avec cette nouvelle prof qu'avec Mlle Paule. D'ailleurs, j'aimerais bien la connaître cette jeune enseignante. J'attends encore un peu, mais un de ces jours je prendrai rendez-vous avec elle..."
Je me suis bien gardée de rétorquer quoi que ce soit à cette volonté maternelle de rencontrer la jeune prof... Mais, je n'avais pas de mal à imaginer ce qu'une telle rencontre aurait assurément comme conséquence au retour à la maison... J'avais en la matière encore en tête quelques exemples où Maman avait été convoquée au collège, et avait promis devant moi qu'elle allait me "reprendre en main", avant que nous ne retournions au domicile familial où j'allais prendre une tannée mémorable...
L'envie exprimée par Maman de prendre rendez-vous
avec ma jeune prof d'anglais ravivait des souvenirs encore vifs...
Ceux de rendez-vous pris par Maman avec des profs,
quand ce n'était pas à la demande des enseignants pour se plaindre
de mon attitude en classe...
Cela s'achevait par un retour peu glorieux à la maison...
Un retour pendant lequel, je tentais en vain de m'expliquer,
Un retour pendant lequel, je tentais en vain de m'expliquer,
mais où Maman déjà me promettait une déculottée
dont je me souviendrais.
Tremblante, émue, pleurant même déjà parfois,
j'imaginais déjà ce qui m'attendait, ce vers quoi je marchais...
Mieux valait ne pas commenter les propos de Maman, et de ne surtout pas lui laisser deviner combien cette hypothétique rencontre avec la prof d'anglais m'angoissait, ce qui l'aurait évidemment incitée à vite solliciter un rendez-vous...
Je me sentis donc fort soulagée quand, finalement, n'ayant pas de sujet de grogne véritable, Maman signa le carnet en espérant "quand même que le prochain serait encore meilleur", ce que je promis bien sûr, ce qui ne me coûtait rien, mais confortait ma mère.
En tout cas, de mon côté, je rayonnais intérieurement, toute heureuse que la signature du carnet se soit passée comme une simple formalité, sans grand sermon, ni menaces d'orage fessier...
D'ailleurs, quand l'après-midi même, lorsque mes moqueuses de camarades, revinrent à la charge, imaginant que je montrerais mon carnet en rentrant après les cours, et me prédisant de chaleureuses explications en me disant : "Alors, Christine, ça va barder à la maison... Tu es prête pour la bonne fessée que va te donner ta Maman ?", je pus nier de façon catégorique.
"C'est pas vrai. D'ailleurs, mon carnet est déjà signé, na ! Et Maman ne m'a même pas grondée", répétai-je à mes moqueuses, sans pour autant les convaincre.
Et comme, pour une fois, Babette et Brigitte ne revinrent pas à la charge le lendemain, ni les jours suivants, j'en conclus a posteriori (car à l'époque je ne le savais pas) qu'elles avaient eu, par les petites soeurs interposées, confirmation de ce que j'avais dit...
Je dois avouer que ce premier carnet passé comme une lettre à la Poste, à l'issue d'un mois toujours sans fessée depuis les vacances à la mer, avec en prime la satisfaction intérieure d'avoir échappé à une déculottée méritée par les 100 lignes pour bavardage en cours, grâce qui plus est à un mensonge fait à Maman, commençait à me bercer dans une douce euphorie...
Je gardais des moments d'angoisse, des cauchemars en repensant aux menaces maternelles, mais je me mettais à croire en ma bonne étoile. Parfois même, je me sentais Super Christine, la grande fille Spaak, celle qui réussit à éviter toutes les fessées, celle qui cette année laisse le rôle de la punie à ses petites soeurs...
Cela m'était déjà arrivé, par petites périodes, lors de moments d'accalmie, de plusieurs semaines sans affronter les foudres maternelles, sans la moindre fessée...
J'avais alors tendance à me relâcher un peu, à prendre un peu mes aises avec la discipline familiale, voire à me laisser aller davantage dans mon attitude en classe...
A force d'avoir peur tous les jours, j'ai commencé
à croire en mon étoile, à me dire que j'y échapperais
encore longtemps... Comme si j'étais à l'abri...
Le seul problème, c'est que si la trouille me dictait de faire attention,
la confiance, elle, me faisait me relâcher un peu...
C'est vrai qu'en y réfléchissant, toute période où j'avais repris confiance m'avait amenée à un peu de relâchement, à faire moins attention, etc. Jusqu'à un faux pas, une erreur, une tuile... J'aurais dû en prendre conscience... Oui, j'aurais dû...
A SUIVRE