mercredi 11 octobre 2017

Chronique d'un redoublement : 120. L'avant-dernier jour de cours passe de moqueries légères à une angoisse bien réelle...

SUITE 119

Ce lundi était donc pour ma classe le dernier après-midi de travail, puisque nous n'aurions plus cours qu'une demie journée, le mardi matin. L'ambiance était déjà un peu aux vacances, n'ayant même plus de notes à attendre.
Alors qu'elles m'avaient laissé un peu tranquille question moqueries, ce qui n'était pas pour me déplaire, Babette et Brigitte revinrent à la charge durant la récréation de ce dernier après-midi. 
"Alors, Christine, tu dois être contente que l'année se termine... Il n'y a même plus de notes à montrer à ta Maman", avait ironisé Brigitte. Comme seule réponse, j'avais haussé les épaules, ne voulant pas prolonger la conversation. Babette avait pourtant rajouté : "Alors, ça va être les vacances pour tes fesses, hi, hi... A moins que tu ne fasses d'autres bêtises... Je me méfierais, moi... C'est bien long deux mois de vacances..."


Babette et Brigitte étaient revenues à la charge en cet avant-dernier
jour de classe. Elles s'amusèrent à souhaiter des vacances à mes fesses...
Mais, elles doutaient que je puisse passer plus de deux mois
sans nouvelles déculottées... 
J'espérais pouvoir leur donner tort... 

La fin de la récré sonnant, je pus me passer de leur répondre, me disant surtout au fond de moi qu'au moins je n'allais plus avoir durant l'été ces moqueuses sur le dos à guetter les moindres de mes mésaventures...
D'ailleurs à bien y réfléchir, c'était vrai que, sans notes à faire signer, ni bulletins de colle à craindre, cela allait être un peu "les vacances" aussi pour mes fesses... Du moins, pouvais-je l'espérer...
En dernière heure de cours, Mlle Paule nous remit, elle aussi, sa liasse de copies des compositions et contrôles de l'année. Je savais que je les rangerais plutôt au fond dans ma pile, car ce n'était pas les plus brillantes, et que certaines d'entre elles me rappelaient de bien mauvais souvenirs... Pour ne pas dire du genre souvenirs claquants...
Quand je rentrai à la maison ce lundi soir, je sortis les copies reçues l'après-midi pour les mettre dans le tiroir de mon bureau avec celles de maths et de français récupérées le matin... Mais, je retrouvai ces dernières sur mon plan de travail, ce qui montrait qu'elles avaient été sorties par Maman...
J'eus comme un gros moment d'inquiétude, me demandant si ma supercherie n'avait pas été dévoilée... Je guettai les réactions de Maman, mais elle ne me dit rien sur le moment, et je commençai à me rassurer... De toute manière, pensai-je, si cela était le cas, je n'aurais pas tardé à en entendre parler... Et pas seulement "parler", je suppose...
Le soir avant le dîner, à l'heure où elle venait souvent vérifier nos leçons et devoirs, Maman vint me demander de lui donner les copies reçues l'après-midi...
Je les lui confiai, sans bien sûr y remettre celles récupérées le matin, et que j'avais déjà bien remises au fond de mon tiroir...
Elle prit les trois liasses, sciences-nat, histoire-géo et anglais, et s'apprêta à ressortir de ma chambre. Je ne pus m'empêcher de demander, inquiète : "Tu les prends ? Tu veux en faire quoi, dis ?"
Maman me regarda avec un drôle d'air : "Mais, je veux les voir, tout simplement" lança-t-elle, avant d'ajouter : "Et je veux aussi vérifier quelque chose..."
Je mourais d'envie de lui demander quoi, mais j'avais peur qu'elle ne me réponde qu'elle voulait vérifier toutes les signatures... Je ne rétorquai donc rien, cachant tant bien que mal mon, angoisse...


 Maman voulait "vérifier quelque chose" sur mes copies de l'année...
J'avais peur d'avoir deviné quoi... 
Maman avait remarqué que je faisais une drôle de tête...
Malgré qu'elle me tende des perches, 
je restai muette et dans la dénégation, ne serait-ce que pour gagner du temps... 

"Tu as un drôle d'air, Christine... Tu as quelque chose à me dire, peut-être ?", demanda Maman. Je répondis du tac au tac : "Oh, non, Maman, non, non, rien du tout, rien du tout..."
Ma hâte à répliquer n'avait rien de naturelle, et je vis bien qu'elle n'était pas du genre à convaincre Maman. Bien au contraire...
Maman, d'ailleurs, poussa un long soupir, et conclut : "C'est comme tu voudras, Christine... Mais, tu ne pourras pas dire que je ne t'aurai pas tendu la perche..."
Puis, elle sortit de ma chambre, avec les copies, appelant mes soeurs et moi à descendre dîner. Le repas fut émaillé de réflexions joyeuses des petites, ravies d'être à la veille des vacances. Moi, je restai plus circonspecte, troublée par la petite phrase de Maman me lançant : "Tu ne pourras pas dire que je ne t'aurai pas tendu la perche..."
J'avais bien une petite idée, mais je craignais trop que ce soit la bonne, car cela ne me présageait rien de bon...
Le dessert avalé, nous montâmes dans nos chambres, nous préparer pour la nuit, Maman annonçant qu'elle viendrait nous éteindre à 21 h. Elle coucha d'abord les petites, avant de venir me dire bonsoir.
Elle avait les copies dans la main qu'elle avait eu le temps de revoir après le dîner. Elle alla directement les ranger dans mon tiroir avec celles du matin, en commentant : "Décidément, les contrôles de maths et français sont bien vite rangés. Tu deviendrais très ordonnée, ma grande... C'est bien... A moins qu'il n'y ait une autre raison..."
Je balbutiai : "Oh, non, M'man, non".
D'ironique, le ton de Maman devint plus sérieux : "Ne parle pas trop vite, Christine. Cela vaudrait mieux pour toi... Bon, je range toutes les copies ensemble... J'ai revu celles d'anglais notamment, Il y a vraiment eu de l'abus... Mais, cela a été réglé en son temps... Pour le reste, je n'ai rien trouvé d'anormal pour l'instant, à part dans les copies de maths, si tu vois ce que je veux dire..."
Je blêmis, balbutiant : "Euh, non, non, j'vois pas".
Maman lâcha une fois de plus un gros soupir, ajoutant : "Dommage, Christine, dommage, un peu de franchise aurait pu améliorer ton cas... Tant pis pour toi..."


Je commençais à ressentir une forte angoisse qui montait en moi...
Je ne savais plus quoi penser, mais je savais qu'avouer
ma supercherie aurait déclenché l'orage...
Je ne m'en sentais pas la force, ni le courage... 

J'étais prête à soulager ma conscience, mais en moi, une petite voix me disait que les allusions de Maman étaient énigmatiques, et pas claires, ce qui laissait une petite chance qu'elles ne soient pas ce que je craignais... D'où une sorte de réflexe de continuer à ne rien dire...
Maman me dit bonsoir en poursuivant : "De toute façon, tu as encore quelques copies à récupérer demain matin... Je préfère avoir tout vérifié avant qu'on ait une discussion toutes les deux... Je serais à ta place, je préparerais bien mes arguments...  Mais je ne crois pas qu'ils seront suffisants pour t'éviter des ennuis..."   
Je demandai, haletante : "Mais, qu'est-ce que tu veux dire, M'man ?"
Elle me mit un doigt sur la bouche, comme pour dire "chut !"   et conclut : "Ne fais pas l'innocente, Christine... Tu sais très bien ce que je veux dire, et je suis sûre que tu devines ce qui t'attend, ma fille... Ne me prends pas pour une idiote, cela n'arrangerait pas tes affaires, crois-moi..." avant de tourner les talons et de me laisser seule dans ma chambre, en proie à une angoisse terrible... De quoi donner libre cours à mes pires cauchemars...
Maman n'avait pas dit clairement ce qui la fâchait... Mais, à n'en pas douter, cela n'augurait rien de bon pour moi...


Maman avait décidé d'attendre l'arrivée des dernières copies, 
que nous aurions le lendemain matin...
Je pouvais m'estimer heureuse de gagner une journée,
mais il y avait à craindre que cela n'aggrave mon cas...
Et puis, les mots employés par Maman,
insistant sur le fait que je devais "préparer mes arguments",
et ne doutant pas que je "savais" ce qui "m'attendait",
faisaient bien qu'en mon for intérieur je sentais
qu'il fallait que je prépare mes fesses...
J'imaginais même la scène... 

Je craignais évidemment qu'elle n'ait découvert la fausse signature, mais je me disais que si ce n'était pas cela, j'aurais été stupide de dévoiler ma supercherie... 
Il est vrai qu'il y avait dans les liasses de copies, quelques unes qui n'avaient pas été signées, car les profs ne le demandaient pas à chaque fois... Donc, je pouvais imaginer que Maman aurait pu se fâcher en découvrant quelques devoirs bâclés ou preuves de leçons mal apprises... 
Mais, quand même, ses petites phrases en forme de menaces à peine voilées me montraient bien que c'était du sérieux, et que j'allais au devant de sérieux ennuis...


A SUIVRE

8 commentaires:

  1. Il flotte dans cet épisode une atmosphère de plus en plus oppressante, selon le schéma narratif propre à ces contes fantastiques du XIXème siècle, ou plus proche de nous, aux films d’horreurs. Vous voyez ce que je veux dire ? Le héros, inconscient, au mépris de tout bon sens, commet une transgression (s’installer dans une maison hantée, acquérir une œuvre d’art maudite, etc.) suite à laquelle une mécanique implacable se déclenche. Des événements étranges, a priori anodins dans un premier temps, vont se succéder, et progressivement devenir de plus en plus inquiétants, piégeant inéluctablement comme dans un étau qui se referme le malheureux personnage, qui perd prise sur la réalité, nie l’évidence des faits, refuse de reconnaître son erreur, jusqu’à la catastrophe ultime à l’issue de laquelle celui-ci perd la vie ou la raison.
    Dans votre cas, qui avez commis la violation ultime en imitant le paraphe de votre mère, vous subissez les mêmes inexorables tribulations qu’un héros de récit fantastique. (A la différence que vous n’y risquez pas votre existence, mais la couleur de vos fesses.)
    D’entrée de jeu, Brigitte et Babette, avec leurs sempiternelles moqueries, jouent le rôle d’oiseaux de mauvais augure, mais leurs commentaires demeurent rabâchés et sans fondement.
    Plus menaçant en revanche demeure le fait que dans votre chambre, les piles reçues le matin même (dont celle de maths, comportant la signature incriminée) ne se retrouvent, non plus dans le tiroir où vous les aviez rangées, mais sur le plan de travail, ce qui vous confirme que votre mère les a consultées… sans pour autant les ranger là où elle les avait prises (et où vous vous empressez de les enfouir, comme pour dissimuler votre faute).
    Après quoi, votre mère après le dîner, réclame et emporte les trois liasses de l’après-midi pour « vérifier quelque chose ». Le danger se précise et vous compose une mine abattue que votre mère ne manque pas de remarquer. Comme un chat jouant avec sa proie, elle vous demande l’air de rien si quelque chose vous pèse sur la conscience, et devant votre réponse négative, vous oppose de façon sibylline qu’elle vous aura « tendu la perche ».
    Cette phrase, proférée comme une dernière mise en garde non respectée, vous tourne en tête et vous renfrogne pendant le dîner, tandis que vos sœurs, bien loin de partager vos angoisses, se réjouissent de leurs vacances imminentes.
    Au moment du coucher, votre mère vous fait remarquer que vous avez déjà rangé les contrôles de maths et de français : ce détail pour vous tout sauf anodin ne lui a pas échappé. Enfin, elle pointe explicitement votre attention sur « les copies de maths » et suite à vos dénégations réitérées, laisse tomber un impérieux « tant pis pour toi », avant de quitter votre chambre sur un discours peu équivoque, vous laissant en proie à vos démons.
    Même si tout semble indiquer que votre mère ait découvert le pot aux roses, vous vous raccrochez à l’espoir que ses allusions convergentes et réitérées ne portent sur un autre élément que cette fausse signature.

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  2. Merci Mardohl ! C'est toujours un plaisir de lire vos commentaires vraiment de grande qualité, avec des références judicieuses, et une remarquable analyse des pensées et raisonnements des protagonistes, et bien sûr de celles de Christinette, dont vous cernez si bien les évolutions de ressentis... Comme dans cet épisode, où j'avais presque envie de soulager ma conscience, d'avouer, mais où la peur de ce que cela risquait de provoquer me poussait à encore et toujours vouloir gagner du temps...

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  3. Vos compliments me touchent, chère Christine, mais vous voudrez bien me pardonner une erreur : dans mon commentaire, j'ai écrit : "votre mère après le dîner réclame et emporte les trois liasses de l’après-midi". C'est bien évidemment AVANT le dîner que prend place cette action. (Votre mère désirant vérifier vos copies sans délai.)

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  4. Merci de cette précision, cher Mardohl. J'en souris d'autant plus que je parle du déjeuner, alors que vous parlez du dîner. Et que nous voulons dire la même chose, en évoquant le repas de la mi-journée. En tant que Française, je déjeune à midi et dîne le soir. Vous, en tant que Suisse ou Belge (je laisse planer le mystère), dînez à midi et soupez le soir ! Je le précise pour nos lecteurs moins initiés aux nuances de notre langue commune.

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  5. Désolée, Mardohl, je m'aperçois que j'ai fait un rectificatif pour rien. Vous parliez effectivement du "dîner" du lundi soir, où Maman me demande avant les trois liasses de copie. Moi, en rectifiant (avec les histoires de dîner ou souper), j'étais déjà dans le déroulé du déjeuner de mardi midi, celui où je rentre en trainant les pieds... Et, là, Maman ne vérifie le contenu de mon cartable qu'après, puisque le repas est déjà commencé quand j'arrive avec un peu de retard...
    Donc la précision de Mardohl par rapport à son propre commentaire avait bien lieu d'être...
    Ah, cette Christine, quelle manie de réagir vite sans réfléchir... Il fut un temps où cela lui aurait attirer des ennuis... Je n'ose imaginer que vous devinez lesquels...

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  6. C'est tout à votre honneur de reconnaître vos fautes, Christine, comme il m'arrive de reconnaître les miennes. Voilà le résultat d'une éducation sans faille, votre mère serait fière de vous.

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  7. Merci du compliment, Mardohl. Même si l'allusion à ma chère mère évoque en moi bien des souvenirs, qui ne sont pas tous roses... Certains sont plus colorés encore... Vous voyez ce que je veux dire ?

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  8. Mardohl me félicite de savoir reconnaître mes fautes. J'admets, comme il le suggère, que c'est "le résultat d'une éducation sans faille"...
    Il est certain qu'il n'en était pas de même à l'époque de Christinette, où j'ai très longtemps eu la fâcheuse habitude, comme un réflexe, de nier mes fautes, de jouer les innocentes... D'ailleurs, la suite de mon récit en réserve quelques exemples aux conséquences peu glorieuses pour Christinette...

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