vendredi 23 octobre 2009

Moments cruciaux : Derniers mots d'une vaine plaidoirie...

Je perds mes moyens devant son petit sourire en coin...



Jusqu'au bout, j'ai toujours essayé de plaider ma cause, de trouver des arguments, d'inventer je ne sais quoi pour échapper à la fessée promise et méritée...
Mes ruses de Sioux en témoignent : j'ai souvent tenté le diable, et même aggravé mon cas dans l'espoir pourtant mince de gagner du temps ou de trouver le moment propice où Maman serait plus disposée à être indulgente ou moins sévère...
Mais, à force de jouer avec sa patience, à force de répéter les mêmes promesses rarement tenues, il y avait un moment où je savais, où je "sentais" vraiment que c'en était fini de mes espoirs... Cela fait partie de ces instants vécus qui sont autant de moments cruciaux restant gravés dans ma mémoire...
Cette photo (trouvée) illustre bien une sensation de ce genre. Je me vois en pleine discussion avec Maman installée dans le salon et qui vient de m'y appeler, ou à qui je dois amener une copie ou un carnet à signer...
Je sais que Maman ne laissera pas passer cela, j'ai en tête les épisodes précédents, et ses menaces si je recommençais, mais je tente de la persuader que cette fois c'est différent, que cette fois j'ai compris, que cette fois c'est la dernière, que je ne recommencerai plus, que j'aurai de meilleures notes, etc, etc...
Maman m'a interrompu à plusieurs reprises, me rappelant justement ses promesses, me remémorant ce que pareille note ou pareil comportement m'avait valu déjà, mais je cherche dans ma tête encore un argument, encore une promesse, encore une supplique...
Maman dodeline de la tête... Je vois bien qu'elle ne m'écoute plus... Elle a les bras croisés et les jambes aussi... Je n'ose même plus croiser son regard car l'angoisse me tétanise... Je parle en baissant la tête, attitude qui montre bien que si je plaide ma cause, je suis déjà dans une posture de coupable...
D'ailleurs, les mots se bousculent, je me répète, je redis la même chose et je m'embrouille... "Arrête, Christine, tu sais très bien ce qui t'attend..." Maman n'a même pas dit ces mots que je les entends presque...
Maman esquisse un demi-sourire qui me fait perdre définitivement mes moyens. Elle semble me dire : "Allez, Christine, assez parlé, passons aux choses sérieuses... Tes arguments ne tiennent pas debout... Tu as mérité une bonne fessée... Et tu vas la recevoir ma chérie..."
Il y a comme un instant de silence. Je me tais enfin, ne sachant plus quoi dire...
Je garde la tête baissée et mes yeux sont fixés sur les bras et les jambes croisés de Maman... Je sais qu'elle va décroiser les jambes, se ravancer un peu, poser la main sur ses genoux en tapotant instinctivement comme pour dire : "Viens ici..."
Je vais avoir un mouvement de recul, mais je me laisserai happer par le bras... Je frissonne en regardant ses genoux, là où bientôt je viendrai m'étendre... Depuis que j'ai commencé ma vaine plaidoirie, peut-être même depuis que j'ai eu ma mauvaise note ou fait ma bêtise, je sens que je vais devoir "préparer mes fesses"... Mais, là, à ce moment crucial, je ressens que ma fessée est devant moi...

5 commentaires:

  1. Superbement raconté. Quel bonheur de vous lire

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  2. Parmi les thèmes qui me touchent dans vos textes je note l'importance particulière que vous accordez aux réactions, propos, réflexions et humeurs de votre Maman. Quand on y réfléchit - et je vous assure que vos récit sont bien faits pour stimuler la réflexion... et raviver quelques souvenirs - une des sources de l'émotion que l'on éprouvait à l'idée de recevoir une fessée était la crainte du regard de l'autre, Et tous ces Autres n'étaient pas égaux : à coté de la masse indiférenciés des Témoins possibles (ceux qui un jour - peut-être- assisteraient à la terrible "fessée devant tout le monde", objet de menaces répétées) il y avait les Parents, parfois les Amis et surtout il y avait la personne qui décidait de vous punir et dont l'avis comptait plus que tout.
    Ce que je dis est peut-être un peu confus mais je pense que vous devez me comprendre. Je suis convaincue que je ne ressentais pas la punition de la même façon selon que Maman (ou ma tante, car il lui est aussi arrivé de me punir) était calme ou en colère, ironique ou triste. Ainsi souvent ce qui reste le plus profondément ancré dans la mémoire, ce sont ces attitudes, ces mimiques que vous évoquez : un regard sévère...des lèvres pincées... un air excédé... une longue réprimande sur un ton très doux... des reproches qui au moment où vous les entendez vous font sentir vraiment indignes... une série de plaisanteries ironiques qui me rendaient toute honteuse...ou la sentence simple et sans appel, annoncée d'un ton ferme : "Ca suffit Agnès, maintenant tu vas avoir la fessée...!"
    Bien sûr l'aspect strictement physique est important dans la façon dont l'on ressent une fessée et dont on s'en souvient : entre 3 ou 4 claques d'avertissement et une punition qui vous laisse les fesses brûlantes, il y a un monde... Mais pourtant il me semble que l'aspect psychologique n'est pas absent. Je pense par exemple à la résolution que Maman manifestait lorsqu'elle me saisissait le bras ou le poignet pour m'attirer à elle, ou la surprenante rapidité des claques qui pleuvaient sur mon postérieur lorsqu'elle était vraiment fâchée : les claques étaient certes cuisantes, mais mon émotion était d'autant plus forte qu'elles exprimaient physiquement la colére de Maman . Je suis sûre que vous pourriez me donner d'autres exemples analogues.
    J'espère que ces reflexions ne vous paraissent pas trop superficielles. Est-ce que vous serez vraiment interessés par des récits plus personnels ?

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  3. Sympa encore ce commentaire. C'est bien de vous lâcher doucement, de bien tenter d'expliquer des sentiments qui sont, je suis d'accord avec vous, complexes et confus.
    Il y a en effet tellement de nuances dans les situations, tellement de sentiments forts, tellement de ressentis autrement que par l'aspect physique.
    Quelques interlocuteurs ici regrettent que je parle surtout de ces aspects, de l'attente, de l'angoisse, de l'avant, plus que du pendant la fessée.
    Mais, vous au moins me comprenez. Et je suis d'accord que la résolution maternelle, son état d'esprit faisait que je vivais la fessée de façon plus ou moins marquante.
    Je crois que cela transparait dans divers de mes récits, et j'essaierai d'affiner cela si vous le le souhaitez et si vous poursuivez ce dialogue.
    Il y avait en effet un monde entre la fessée crainte depuis un certain temps, annoncée éventuellement, attendue, et la fessée reçue par exemple sur le champ après une grosse bêtise, du style vaisselle cassée, comme dans la chanson. Colère soudaine, sanction immédiate, exécution rapide, dans le deuxième cas, c'est une histoire courte, ficelée d'un coup avec début et fin, et qui marque moins que l'autre.
    Alors que le cas du bulletin qui va arriver, ou du mensonge que l'on sait qui sera découvert, entraîne l'imagination vers une anticipation, et font que même Maman sent bien qu'il y a quelque chose qui cloche, se doute qu'il va y avoir une explication. On est alors dans une sorte de non dit des deux côtés, de lents préparatifs psychologiques qui donnent comme du volume, comme une autre dimension à ce qui arrivera...

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  4. Merci de votre soutien. Plusieurs de vos textes m'ont déjà donné des idées de remarques, et justement en ce qui concerne cette question de l'impact psychologique de la fessée et de l'importance du contexte, de la préparation, j'ai envie de commenter ce que vous dites de ces moments où vous fondiez en larmes avant la punition. J'en ai les grandes lignes dans ma tête mais je vais essayer de l'écrire avec soin et le placer en commentaire de votre récit.
    Ensuite j'ai de nombreuse idées de thèmes qu'il serait intéressant de développer et sur lesquels votre avis ne me serait pas indifférent, en vrac : les menaces et les annonces de punitions (qu'est-ce qui faisait que d'un coup mon coeur se mettait à s'emballer quand on me grondait), les punitions qui étaient annoncées indirectement (ah les petits mot de Maman...), ces moments si particuliers où tout était incertain et où d'un coup tout basculait, aussi les suites d'une fessée : la honte mais aussi le soulagement et le pardon... j'arrête je préfèr réfléchir un peu plus longtemps à tout cela et vous présenter quelque chose de plus achevé.
    Je ressent vraiment une impression étrange d'oser m'exprimer aussi librement sur ce sujet. Bien que j'y pense souvent, en parler est tout bonnement inconcevable et jusqu'à présent tout ce que j'ai écrit n'était pas destiné à être montré à qui que ce soit. Penser que je suis en train d'échanger des réflexions sur la fessée avec quelqu'un qui est intéressé par cette question et qui me lit avec bienveillance, cela me donne un peu le vertige. Bien à vous, et à bientôt.

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  5. Ravie de voir que cet échange prend forme. Tous les sujets que vous évoquez sont intéressants et demandent à être développés. Je retiens que vous souhaitez écrire quelque chose de plus achevé. Ce sera avec plaisir que j'en prendrai connaissance et que j'y répondrai.
    Merci d'avance.
    Cordialement.
    Christine

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