lundi 5 octobre 2009

Les moqueuses avaient hélas raison...

"Oh la la, elle va avoir bobo... "


Lorsque je suis rentrée du collège, Maman était au salon en train de choisir des produits de vente par correspondance dont Mme Martin, une dame du quartier, était la représentante. J'ai dit bonjour à cette dame et à Maman, mais l'accueil maternel sentait l'orage. Je voulais aller voir une copine avant le dîner, sous le prétexte de lui rendre un livre, mais Maman n'a pas voulu : "Pas question que tu ressortes, Christine. Tu ferais mieux d'aller travailler tes maths et ton anglais. Prends ton goûter qui sur la table de la cuisine et file dans ta chambre, on a un petit compte à régler toutes les deux... Je finis avec Mme Martin, et j'arrive..."
Les mots de Maman m'ont laissée sans voix... Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais le ton de Maman ne souffrait pas de discussion et je n'avais pas envie qu'elle donne des détails devant Mme Martin...
En allant vers l'escalier pour monter aux chambres, j'ai entendu les pas de mes soeurs qui devaient avoir guetté mon arrivée et épié notre dialogue... Si elles étaient à l'affût, c'est qu'elles en savaient plus que moi...
Je l'ai bien vu en passant devant la porte de leur chambre commune. Aline et Diane avaient l'air moqueur...
J'ai posé mes affaires dans ma chambre et me suis demandée ce qui motivait cette réaction maternelle... J'avais bien quelques bêtises cachées et mensonges non découverts, mais j'avais envie de savoir pour préparer mes arguments quand Maman viendrait pour "régler nos comptes"...
Je me suis décidée à interroger mes soeurs... Sortant à pas de loup de ma chambre, je suis allée dans la leur, demandant si elles savaient pourquoi Maman semblait en colère...
Diane, comme fière de pouvoir renseigner sa soeur, a dit : "Oui, je sais, je sais. Maman a rencontré Mlle Paule au supermarché..."
C'était comme si le ciel me tombait sur la tête. Cette fichue prof qui m'a dans le collimateur et que je déteste... C'est vraiment pas de chance... Surtout que j'ai depuis deux jours la copie de mon dernier contrôle que je dois faire signer à Maman et que je n'ai pas osé lui montrer... Et, en plus, comme j'ai chahuté lors du dernier cours, elle est capable de me donner deux heures de colle supplémentaires...
Je comprends que si Maman a appris tout cela, non pas de la bouche de sa fille avec des mots choisis, mais de celle de la prof qui a dû en rajouter, j'imagine déjà que je peux préparer mes fesses...
J'essaie d'en savoir plus et questionne Aline : "C'est tout ce qu'elle a dit ?" L'ainée de mes petites soeurs jubile intérieurement avec les yeux qui pétillent : "Oui, c'est tout, mais quand Mme Martin est arrivée avec son catalogue, Maman lui a dit que tu avais eu un zéro en anglais et que tu lui avais caché..."
Par réflexe, je nie : "Pff, c'est même pas vrai".
Mais Aline en rajoute une couche : "On verra bien si c'est pas vrai... Parce que Maman elle a dit à Mme Martin qu'elle allait t'apprendre à lui mentir et que ça allait barder pour toi..."
Même si cela ne fait que confirmer mon intuition, je marque le coup et fais la grimace...
Diane et Aline qui me sentent touchée en rajoutent... En se levant, elles se mettent à entamer une sorte de danse. Elles me tournent le dos et me montrent leur culotte en se tortillant et en mettant la main devant leur bouche comme si elles étaient gênées...
"Oh, pauvre Christine, tu vas être punie... Oh la la, elle va avoir bobo... Elle va avoir la fessée, oh la la, la bonne fessée, la culotte baissée... Ouille, ouille, ouille, ça va claquer fort..."
Ce manège est insupportable. Abasourdie un instant en les voyant faire leur danse moqueuse, je réagis enfin et m'avance pour les faire taire...
Mais je n'ai pas le temps de les atteindre que Diane crie déjà : "Maman, Maman, Christine est dans notre chambre, elle nous embête".
Du bas, la voix maternelle gronde : "Mais, ce n'est pas vrai. J'ai dit dans ta chambre, Christine. Tu cherches vraiment les ennuis... Mais, ne t'inquiète pas, j'arrive bientôt..."
Je suis dans une trop mauvaise position pour me défendre et accuser mes soeurs. Ce n'est pas le moment vraiment... Je fais donc demi-tour et rentre dans ma chambre... Avec dans la tête la danse insolente de mes soeurs...
Hélas, comme la danse des Indiens qui faisait venir la pluie, la danse de mes soeurs était prémonitoire... Les moqueuses avaient plus que raison... Une demi-heure plus tard, Maman me rejoignait dans ma chambre et nos explications suivies de son sermon ont eu l'épilogue que je craignais et que mes soeurs annonçaient... Maman m'a donné une fessée magistrale, une bonne déculottée que je n'étais pas près d'oublier...
Et, mes soeurs, depuis leur chambre, pouvaient entendre combien "ouille, ouille, ouille, cela claquait fort..." comme dans leur danse infernale...

2 commentaires:

  1. Que dire sinon encore vous faire des compliments -Non pas pour votre comportement-mais pour votre écriture.Vos textes sont savoureux,pleins de réalisme et de vie..
    J'ose espérer que cette fessée vous a fait réfléchir .. mais pas assez pour que ce soit la dernière !
    Amitiés
    herge

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  2. Qu'elle m'ait faite réfléchir, assurément... Mais, j'avais aussi une rancune tenace vis à vis de mes soeurs dont le manège moqueur m'avait touchée...

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