vendredi 4 mai 2012

Chronique d'un redoublement : 34. Comment perdre bêtement un joker...

SUITE 33

J'avais encore mieux dormi que la veille. Après 36 heures écoulés depuis ma mésaventure en cours d'anglais, je me sentais presque fière d'avoir tenu ma langue. J'avais profité d'une journée de samedi en position de grande, contrairement à Aline qui avait eu affaire à la dextre maternelle. Les devoirs étaient programmés pour lundi, et il serait bien temps alors de négocier une passe qui s'annonçait plus que périlleuse...
Bien sûr, la menace qui pesait au dessus de mes fesses demeurait dans mon esprit et j'y avais pensé au cours de la nuit quand des moments d'angoisse me prenaient.
Mais, j'avais encore moins envie de vider mon sac en ce dimanche, et je comptais sur ma bonne étoile pour passer la journée sans incident.
La venue de Tata Jacqueline pour le déjeuner était un bon moyen de diversion. Et, fidèle à ma tactique, je me proposai pour aider Maman. C'est moi qui ai mis la table, qui ai aidé à beurrer les toasts apéritifs, et je suis restée dans les parages quand Tata est arrivée, histoire de pouvoir entendre les conversations et faire diversion éventuellement si les deux soeurs s'attardaient trop sur des sujets à risque.

J'eus droit aux compliments de Tata pour mon attitude coopérative et ma gentillesse. Maman rétorqua bien qu'il fallait "se méfier de l'eau qui dort", mais elle disait cela sans arrière-pensée. Même si je pense a posteriori que mon comportement de grande fille modèle pouvait commencer à lui paraître suspect...

Qu'importe, puisque finalement elle préférait profiter de cette bonne disposition de son ainée, et n'allait pas commencer à chercher la petite bête en ce jour de repos.

Après le déjeuner, nous sommes allées en forêt, sous un joli soleil automnal, et Maman et Tata trouvèrent même des champignons. Toujours tranquille d'apparence, je veillais à ce que mes soeurs ne s'éloignent pas trop et j'évitai de me salir. Bref, on m'aurait donné le bon dieu sans confession, comme on disait dans nos campagnes.

De retour à la maison, Tata a accepté bien volontiers de rester dîner. Maman a fait couler un bain pour mes soeurs, s'est occupée d'elles, pendant que je lisais. J'ai aussi aidé Tata à préparer la petite récolte de champignons, et j'appréciais qu'elle m'apprenne ainsi des petites choses, ce qui me confirmait dans mon statut de grande.

Les petites étaient en pyjama pour dîner, moi j'irais faire ma toilette après. Nous reprenions bien les rôles de chacun, contrairement à un autre dîner de sinistre mémoire...



Le dîner était aussi la marque d'une nouvelle journée qui s'achevait au mieux pour moi, et j'y prenais un malin plaisir.

Le seul bémol de cette journée fut que je ne sus pas tenir ma langue. Non pas bien sûr que j'avouai ma faute, oh que non ! 
Mais, la conversation revenant sur nos résultats scolaires, Tata voulut faire dire à Maman que cela allait quand même mieux que l'année passée.
La réponse maternelle demeura prudente : "On n'est qu'au début de l'année, et c'est encore heureux que Christine ait des notes correctes. Le redoublement sert à cela, et j'espère surtout que cela va continuer. Je connais ma fille, et je sais qu'il faut rester vigilante."
Tata voulait rester confiante et dit : "Au moins, si les résultats sont plutôt réguliers, c'est l'essentiel. Rappelle-toi de la kyrielle de zéros en anglais l'an dernier. S'il y a moins de matières à problèmes, c'est déjà une preuve que Christine fait des efforts, non ?"

L'exemple choisi me fit sursauter. L'anglais, bien sûr. Tata savait bien que cela avait été une de mes bêtes noires.
J'aurais pu saisir la perche et expliquer qu'il y avait eu un problème, mais je me voyais mal finir la soirée avec les fesses à l'air. Surtout en présence de Tata. J'aurais surtout dû ne pas relever, et faire comme si de rien n'était, pour que l'on change de sujet...

Mais, par réflexe de défense, pour me justifier, je lançai : "Oh, non je n'ai plus de zéro, j'ai même eu un 13 et demi vendredi !"

La nouvelle fut accueillie avec joie par Tata, et un peu plus de réserve par Maman, qui espéra que cela continue dans ce sens.
Mais, en écoutant ces réactions, je me mordis les lèvres. Je venais d'utiliser mon joker, sans mettre les autres cartes sur la table. Cette bonne note était en effet mon principal argument pour tenter de plaider la clémence maternelle quand elle apprendrait mon histoire de chahut et de colle...

Je cachai mon trouble, mais j'avais bien conscience que j'avais fait une boulette en me faisant féliciter pour une matière qui allait me valoir au contraire une fessée magistrale...

Moi qui préparais depuis deux jours mon argumentaire, j'allais avoir plus de mal à m'endormir sereinement... Surtout que le jour suivant allait être celui des devoirs...
Vous imaginez aisément quels genres de cauchemars ont pu peupler ma nuit...





A SUIVRE

5 commentaires:

  1. Bonjour Christine.

    La fessée d'Aline n'est, on peut le penser, qu'un prélude à la vôtre. Elle fut, dites-vous, rapide et efficace. Savez-vous si maman avait baissé la culotte ? La photo fait penser que non, d'autant plus que vous parlez d'une fessée rapide. Mais vous qualifiez aussi cette fessée d'efficace, alors... D'autant plus qu'une culotte est si vite baissée...

    Quant à vous, chère Christine, je crains que vous soyez bientôt victime d'une déculottée totale. Devant tata Jacqueline et les soeurettes ?

    Amicalement, à bientôt.
    Alinement vôtre.

    Louis3901
    gallie050753@yahoo.fr

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  2. LE COMMENTAIRE DE MARDOHL

    Chronique d'un redoublement 34 (critique)

    Je ne sais si c’est là encore l’une de mes critiques que vous paraphrasez (et si c’était le cas j’en serais flatté), mais vous me reprenez la formulation « griller un joker », tout en filant une métaphore dans laquelle la révélation annoncée de Christine est vécue comme une partie de cartes dans laquelle Christine conserve une certaine marge de jeu... mais dans laquelle elle n’en commet pas moins une maladresse de débutante en sortant trop tôt la carte la plus forte de sa plie, ce qui la démunira d’autant plus en défense lorsqu’il s’agira d’abattre complètement la donne.

    Mais pour l’heure, Christine conserve sans faillir ses mauvaises cartes, car le moment ne s’avère pas propice pour les montrer. Un beau dimanche en famille, la visite de tante Jacqueline, la promenade en forêt, la cueillette de champignons qui permet à notre héroïne de se voir gratifiée d’un petit cours mycologique au retour, et le dîner durant lequel elle retouve son statut et sa tenue de « grande »... On ne peut que comprendre qu’elle tienne à maintenir l’illusion et les dehors d’une aînée exemplaire.

    Christine peut en effet s’ingénier à jouer les petites filles modèles pour le plus grand plaisir de sa tante et celui, quelque peu dubitatif certes, de sa mère, qui ne croit pas si bien dire en parlant de se méfier de l’eau qui dort. Cette journée reposante, notre narratrice la ressent avec une sérénité des plus ambiguës, de celle qui, toute délicieuse qu’elle soit, n’en advient pas moins à la veille (ou l’avant-veille) d’un orage inéluctable. C’est un peu le dernier repas du condamné que vous nous racontez-là, chère Christine, et nous verrons sous peu selon quel degré de dignité vous marcherez à l’échafaud.

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  3. Sérénité ambiguë de cette journée, souligne avec raison Mardohl, sorte de bonheur interdit, de bonheur volé, puisque je profite de la journée, je me laisse complimenter, traiter comme une grande, alors que je sais très bien que, si Maman savait mon dernier exploit, il en serait tout autrement...

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  4. Chère Christine,

    Voilà une héroïne reposée par une nouvelle nuit sans cauchemar, qui se flatte d'avoir tenu sa langue et a bien l'intention de passer un dimanche aussi tranquille, s'évertuant à donner le change pour ne pas éveiller les soupçons d'une mère vigilante, plus réservée que sa sœur, sur l'attitude de sa fille.

    Journée enchanteresse et bucolique pour notre Christine qui tel un ange veille sur les petites, étalant des qualités de grande sœur et de nièce préférée, à l'écoute des conseils de Tata, reprenant alors une position plus conforme au sein du clan SPAAK.

    Sauf que notre conteuse bercée par l'euphorie retrouve sa faiblesse, se laissant surprendre, au détour de la conversation et livre bêtement l'atout majeur de sa future plaidoirie, détruisant sa stratégie de défense et offrant ainsi un élément à charge supplémentaire à l'accusation.

    Dés lors, cette troisième nuit ne peut être qu'agitée pour Christine, son esprit se projetant sur le programme studieux et fastidieux du lendemain, mais également plus propice aux confessions surtout en l'absence des petites sœurs durant l'après-midi, en profitera t-elle ?

    Amicalement, Dominique.

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  5. Comme Mardohl, Dominique ressent bien le plaisir que j'ai à jouer les anges, les grandes, quitte à mentir par omission en n'avouant pas l'incident survenu en classe. Merci pour vos commentaires.

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