mardi 12 juillet 2011

Le beau temps ne dure pas éternellement... (5) La crainte était (hélas) fondée

SUITE 4

Je m'étais couchée avec cette angoisse en tête. Demain, lundi, jour de classe après le week-end, jour où Maman était tranquille pour vaquer à ses tâches ménagères, lundi serait forcément jour de lessive, et donc de découverte de mon dernier exploit...
Du 16 avril, jour d'anniversaire d'Anne, hélas ponctué de retour à la maison par une fessée mémorable, à ce 23 mai que nous serions demain, cela faisait donc un mois et sept jours que j'échappais aux foudres maternelles.
Et, cette fois, je me doutais bien que ma météo personnelle prévoyait un orage carabinée. Car, même si, à bien réfléchir, ma faute n'était qu'une succession de mauvais réflexes, le fait d'avoir depuis ces 37 jours frôlé à plusieurs reprises une nouvelle explication avec Maman, ne rendait que plus infime encore ma chance d'y échapper. 



Tournant et me retournant sur mon lit, en cette soirée de fin de printemps assez moite, j'avais du mal à m'endormir. Jusqu'à ce que l'éclair surgisse : la possibilité d'une échappatoire...
Que n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Il suffirait demain matin d'enlever discrètement du panier à linge les quatre pièces de vêtement souillées par le feutre indélébile pour faire disparaître ma faute.
Je gagnerais au moins du temps, et je m'endormis en pensant que j'avais trouvé la solution.
Hélas, le lendemain matin, je ne fus jamais tranquille. Il aurait fallu être seule, fouiller la panière de fond en comble, récupérer les vêtements, réussir à les sortir de la salle de bains sans se faire remarquer, puis les cacher en lieu sûr...
Un matin de classe avec nous trois à passer à la salle de bain et Maman sur le dos, c'était mission impossible...
Il y avait encore une chance que Maman ne se mette pas à faire ses lessives le matin, et que je puisse intervenir à midi.
Je rentrai quand même pas rassurée pour un sou, imaginant que ma bêtise avait peut-être été déjà découverte...
Le sourire maternel à mon arrivée m'ôta un gros poids. Cela montrait bien que Maman n'avait encore rien vu.
Je jouai les innocentes, trop contente que l'orage ne soit pas encore en vue...
Avant de repartir au collège, je prétextai un livre oublié pour remonter et tenter de vider la panière de la salle de bains. Mais, à peine y étais-je que j'entendis le pas de Maman dans l'escalier.
Je dus donc filer dans ma chambre prendre un livre au hasard pour ne pas me démasquer...
Maman, elle, allait dans la salle de bains, justement pour prendre de quoi faire une première machine. Elle avait changé nos draps et emplit une corbeille complète avec.
"Avec tout ce qu'il y a, j'ai bien trois tournées de machine à laver à faire", commenta Maman, en me croisant. "Allez, Christine, il est l'heure, ce n'est pas le moment d'être en retard en cours. File, ma chérie, à tout à l'heure".
J'hésitai un instant, j'avais envie d'avouer, mais c'était si simple de filer et de gagner du temps avant qu'elle ne se mette en colère. J'ai donc tourné les talons et filé, gardant l'image de Maman, son panier à linge sous le bras... Avant d'en remplir d'autres...



Inutile de dire que l'après-midi en cours n'a pas été très studieuse. Je faisias semblant d'écouter, mais j'avais d'autres idées en tête, et elles n'étaient pas gaies...
Par chance, aucun prof ne m'a interrogée et j'ai évité le pire. Dans ce genre de période de stress, j'aurais été capable de me récolter deux heures de colle, ce qui n'aurait fait que doubler la mise de ce qui m'attendait...
Je n'avais aucune envie de rentrer à la maison, mais je n'avais pas le choix...



J'ai pris mon temps, marchant doucement, tête basse, fuyant les copines du quartier qui voulaient faire un bout de chemin ou me raccompagner jusqu'à ma porte. J'avais trop peur de l'accueil pour prendre ce risque.
En arrivant chez nous, j'entendis les cris joyeux de mes soeurs qui jouaient dans le jardin derrière la maison. Je rentrai sans faire de bruit. La maison était silencieuse. Maman était sûrement aussi au jardin.
Avant de signaler mon retour, je n'avais qu'une hâte : monter voir dans la salle de bains, si Maman avait vidé la panière, si mon forfait était découvert...
J'avais le coeur qui battait fort, et il s'arrêta un instant en constatant que tout le linge sale avait disparu...
Tout ou presque, car dans le lavabo rempli d'eau moussante, je reconnus le fond de robe maternelle et mon short tachés qui trempaient. Je compris que Maman essayait de faire disparaître les taches, tentant de détacher l'indétachable...Aïe, aïe, aïe, le suspense n'avait plus lieu d'être. Tout était découvert. En ressortant, les jambes flageolantes, je posai mes affaires dans ma chambre. Sur la table de mon bureau, trônait un petit sac plastique transparent. Maman y avait mis le feutre cassé... 
Elle aurait pu le jeter directement, mais en le posant sur mon bureau, c'était comme l'on présente les pièces à conviction, dans des sacs scellés, pour les montrer aux jurés d'un procès.
Le message était clair. Avant même que j'ai à m'expliquer, cela voulait dire : "Christine, c'est ton feutre, Christine, je sais que c'est toi qui as fait ça. Christine, nous allons avoir un compte à régler".
Je ne savais pas quoi faire. Il fallait que je signale ma présence, avant que Maman ne s'inquiète. J'avais déjà dix bonnes minutes de retard. En même temps, aller à sa rencontre, c'était comme marcher vers ce que je craignais...
Allez, courage, Christine. De toute manière, depuis que ce fichu feutre a craqué sous ton pied, tu ne doutes pas de ce qui t'attend... Sois grande, rejoins Maman, l'heure est venue de l'énoncé du verdict. Allez, Christine, prépare tes fesses...

A SUIVRE

3 commentaires:

  1. Bonjour Christine,

    n'ayant pas consulté votre blog depuis quelques temps, je découvre ces derniers récits d'une traite, ainsi que les intéressants commentaires qui en sont fait par Mardhol et vous même.
    Je ne dirais qu'une chose (car cette personne a une analyse remarquable de vos écrits), c'est que ce récit est l'un de mes préféré à ce jour. Votre sens du détail et du crescendo s'affine de plus en plus (j'adore l'image du stylo placé dans un sac plastique !!), et vous arrivez à me faire revivre certaines émotions de ma jeunesse, non pas tant dans la punition elle-même, mais dans ce qu'il y avant et après. J'aime toujours autant vous lire.

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  2. Ah Christine ! Je vois que la suite est déjà sortie du four ! Mais stoïque en diable, je vais commettre un effort de volonté pour ne pas me ruer dessus tout de suite. Je veux d'abord me fendre d'un petit commentaire sur ce chapitre 5.
    Si Manon me flatte au sujet de la qualité de mes commentaires, elle ne m'en a pas moins ôté les mots du clavier, en pointant ce détail qui m'a moi aussi émoustillé, à savoir ce feutre cassé mis en évidence dans le sac en plastique sur le bureau de la fautive, et qui, avec les habits tâchés baignant dans le lavabo, constitue en effet la preuve indubitable de la culpabilité de Christine, qui sait à quoi s'en tenir concernant son imminent avenir fessier.
    Il n'empêche... et là encore cela participe de l'esprit de votre blog... si l'on peut compatir pour notre tremblante héroïne, on ne peut non plus l'absoudre et la plaindre. Christine n'a pas obéi aux sages conseils de sa mère et, la faute commise, n'a pas su l'assumer, ce qui n'a eu d'autre conséquence que d'aggraver son cas.
    On aurait voulu se muer au moment fatidique en un avatar de tata Jacqueline, qui elle aurait incité Christine à avouer d'emblée sa bêtise, à tenir à Madame Spaak un discours ressemblant à celui-ci : "Maman, je te demande pardon. Je n'ai pas écouté ce que tu as dit. J'ai cassé mon feutre dans mon short tout neuf et je l'ai sali. Ne te fâche pas Maman, je reconnais mes torts. Je suis prête à payer le pressing avec mon argent de poche et je te promets de ne plus recommencer." Voilà qui eut été faire preuve de maturité, de conséquence, de sagesse même. Voilà qui aurait limité les dégâts, peut-être évité une fessée magistrale. Christine aurait même pu recueillir un compliment de sa mère qui lui aurait répondu quelque chose comme : "Tu as été franche, ma fille, et je t'en félicite." avant de paraphraser le fameux proverbe mentionnant la faute avouée. Mais non, notre attachante tête de mule une fois de plus s'enferre et essaie de passer entre les mailles du filet... tentative bien vaine et qui n'aboutit qu'à étaler la souillure sur la robe en soie de sa mère. La fessée qui s'annonce s'avère donc des plus méritées, dans le sens le plus classique du terme. Point de mensonge éhonté, point d'insolence en public, point de retard provoquant l'inquiétude maternelle, ce sera là la fessée méritée d'une gamine qui a commis une bêtise et ne l'a pas assumée. Je sécherai bien en pensée les larmes de Christine, mais ce faisant je ne pourrai m'empêcher de lui murmurer fermement : "Tu as passé un mauvais moment, mais reconnais que c'était amplement mérité."
    Allez je pose ma plume et m'en vais imprimer la suite, que je commenterai sans doute demain.

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  3. J'avoue volontiers, et avec le recul du temps, ce que je n'aurais jamais osé exprimer à l'époque, mais qui devait quelque part être un peu en moi quand même : oui, Mardohl, oui, en n'avouant pas, en cachant ma bêtise, ce qui a fait d'une petite maladresse avec un short taché, une grosse catastrophe "lingère" avec des vêtements fichus, oui, c'est bien vrai que j'ai moi-même cherché les ennuis et fait que cette fessée qui m'attendait était plus qu'amplement méritée...

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