mercredi 3 mars 2010

Va te mettre en pyjama... (4) Un sermon avant de dormir...


(Suite)

La fessée maternelle avait enfin pris fin. Quand Maman arrêta son bras, j'étais presque aussi épuisée qu'elle. Alors que parfois, je me relevais d'une fessée avec les nerfs à vif, et en moi encore comme un sentiment de colère, ce n'était pas le cas là. Maman avait voulu être démonstratrice jusqu'au bout, et elle avait mis l'énergie nécessaire pour que ce ne soit pas qu'une réplique de la volée reçue trois semaines auparavant pour le même motif...
Non, il fallait dans son esprit que je sente bien que sa détermination était entière, que la déculottée n'en était que plus magistrale, plus marquante...
Autant avait-elle été très loquace, durant la fessée, accompagnant ses claques de mots les justifiant, de rappels de ses promesses, de phrases venant comme des explications de ce que je n'avais peut-être pas assez compris la fois précédente... Autant donc avait-elle parlé en me rougissant la lune, autant elle sortit de la chambre sans un mot, me laissant méditer, tenter de sécher mes larmes, de retrouver bonne figure avant de descendre diner, à peine une demi-heure plus tard...
J'appréhendais ce moment qui signifiait se retrouver face à elle, face à mes soeurs qui n'avaient rien manqué de ce qui m'était arrivé, à travers la cloison mitoyenne de nos chambres...
Bien sûr, je devinais chez Aline et Diane, des regards avides d'en savoir plus, des étincelles de rire contenu, des attentes d'explications de la part de Maman.
Mais, heureusement, cette dernière fut plus que discrète. Elle ne laissa même pas glissé la conversation sur ma conduite, demandant plutôt des nouvelles des devoirs des petites, du contenu de leur cours de danse, etc.
J'étais soulagée même si j'ai tendu le dos de bout en bout du repas, avec l'estomac noué et un appétit d'oiseau. Les petites furent juste envoyées dans leur chambre avec un conseil ferme de Maman de ne pas chahuter : "Ce n'est pas le soir pour m'énerver davantage, vous savez...", leur dit-elle de façon sybilline, mais le code était simple et chacune de nous avait bien compris l'allusion...
Je rangeai la vaisselle avec Maman, sans rechigner, mais l'on aurait pu entendre une mouche voler, tant nous étions silencieuses. Puis, elle me demanda de monter et de me préparer pour la nuit.
Cinq minutes plus tard, j'étais déjà en pyjama, les affaires bien rangées, et je me suis même mise au lit dès que je l'ai entendue monter les escaliers. Elle est restée un moment à coucher mes soeurs, puis est à nouveau entrer dans cette pièce où, deux heures plus tôt, elle était venue me donner cette fessée déculottée dont je ressentais encore des picotements dans le bas du dos, et surtout une honte rétrospective et l'envie de l'oublier bien vite.
"Ah, Christine, c'est bien, tu es prête à dormir... Tu vois que, quand tu veux, tu es bien sage... C'est vrai que j'y suis un peu pour quelque chose...", glissa-t-elle en s'asseyant sur le bord de mon lit, là où elle se trouvait tout à l'heure...
"Bonne nuit, Maman, oui, je serai sage, c'est promis...", dis-je avec un ton de sincérité que Maman remarqua.
Je voulais juste qu'elle m'embrasse, qu'elle me dise bonne nuit, que la lumière soit éteinte et que je puisse en finir avec ce jour à marquer d'une pierre blanche, ou d'une lune rouge plutôt...
Mais, Maman resta encore quelques instant à mes côtés, le temps de me refaire un sermon à sa manière, me rappelant que je n'avais qu'à m'en prendre à moi-même car elle n'avait fait que tenir ses promesses...
"Ah, Christine, j'espère que tu as compris cette fois... Tu le sais bien pourtant que je n'admettrai jamais que tu me ramènes des zéros, que tu triches en classe, que tu ne travailles pas. C'est ton avenir qui est en jeu... Tu me remercieras plus tard...", me répétait-elle.
Je ne savais quoi dire. Sauf que je travaillerais, que je ne voulais plus être punie, etc...
"Cela ne tient qu'à toi, ma chérie... Tu crois peut-être que cela me fait plaisir de devoir encore te donner la fessée... Je voudrais bien moi aussi que cela n'arrive plus... Mais, on dirait parfois que tu les cherches, Christine... Car, ne me dis pas que tu ne savais pas ce qui t'attendait en ramenant ce zéro et en provoquant cet appel de Mlle Paule. Alors ne te plains pas, tu as eu ce que tu méritais, une bonne fessée déculottée et j'y ai mis du coeur pour que tu ne l'oublies pas de sitôt..." continuait-elle.
Puis, elle se rapprocha, se pencha sur moi, me prit dans ses bras et me serra un long instant. Elle m'embrassa en me disant "Bonne nuit". J'étais tremblante et j'avais les larmes qui remontaient aux yeux à l'évocation de ce qui m'était arrivé...
Je répondis : "Bonne nuit, Maman".
Elle se releva et avant de tourner les talons et de partir, leva l'index comme une menace en disant : "Allez, dors bien ma chérie, et tâche de ne pas oublier cette leçon... Penses-y bien, Christine... S'il y a à nouveau le moindre problème avec Mlle Paule ou si tu t'avises de faire pareil dans d'autres matières, il ne faudra pas venir te plaindre... Rappelle toi bien de ce qui vient de t'arriver... Si tu recommences, ma chérie, je t'aurai bien prévenue à nouveau, ce n'est pas moi qui céderai..."
Je suppliai : "Oui, Maman, oui, je sais, arrête, j'ai compris. Je te promets..."
Elle éteint la lumière et revint déposer un baiser sur mon front, en répétant avant de partir : "D'accord, Christine, je l'espère bien... Mais, tu avais déjà dit cela il y a trois semaines... Alors, essaie de t'en rappeler plus longtemps... Sinon, tu le sais, ce qui t'attend, ma chérie... Sinon, tu peux préparer tes fesses..."
Elle s'en alla enfin, mais j'eus du mal à trouver le sommeil... En moi repassait le film de la scène de la soirée... Les mots de Maman la faisaient revenir... Et je faisais le cauchemar éveillé que ses prédictions s'avèreraient exactes... Et que mon avenir allait repasser par ses genoux...
Hélas, sans être devin, elle n'avait pas tort... Mais ceci est une autre histoire...

3 commentaires:

  1. Etranges variations d'une fois à l'autre : parfois la fessée libérait d'un coup une tension acumulée , elle semblait évidente, naturelle, somme toute un soulagement.... elle "assainissait l'atmosphère" comme aimait à dire ma tante. Ces jours-ci, la réconciliation ne tardait pas, et quand on redevient bien vite une bonne fille aux yeux de Maman, les minutes humiliantes que l'on vient de vivre, couchée sur ses genoux, prennent moins d'importance.. Mais tout n'était pas si facile, loin de là ! parfois la fessée ne résolvait rien , ou du moins pas tout de suite. quelques soient les mauvaises impressions qui vous assaillaient ces jours-là : amertume, colère, honte, rien ne venait les adoucir, le pardon maternel se faisait attendre un peu trop et l'on restait plusieurs heures à se croiser, dans un atmosphère pesante. Bien sûr tout cela dépendait des jours, des circonstances, du sentiment plus ou moins profond de culpabilité que l'on ressentait, de mon humeur... et de celle de Maman. ce qui est certain c'est que parfois un dernier sermon, même s'il comportait un rappel direct et embarassant à la punition que l'on venait de subir, ne semblait pas trop cher payé s'il permettait de se retrouver dans les bras de Maman et de se sentir - au moins pour quelques instants - entièrement pardonnée.
    Dans tous les cas il était toujours tellement apaisant de finir par se réconcilier avec Maman, mais l'expérience a fini par m'apprendre que si son pardon était complet et sincère, sa mémoire enregistrait tout : la fessée qui venait de m'être administrée s'ajoutait à tout un historique de fessées passées, et elle pouvait à tout moment m'être rappellée, me servir d'exemple, de rappel et de menace.

    Amicalement

    Agnès

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  2. Nous sommes assez au diapason, Agnès. Comme vous le notez bien, la tension accumulée entre mère et fille n'était pas forcément totalement apaisée par certaines fessées. Il pouvait rester de la nervosité, de la rancune presque parfois, un sentiment de conflit pas totalement réglé et cela couvait...
    Mais dans le souvennir que je raconte, cette fois l'application qu'avait mise Maman à régler la question, ajoutée au sentiment que j'avais de l'évidence de ma faute et de la logique de ce qui m'arrivait, aidaient à ce que l'on arrive au pardon réel, à l'embrassade signifiant l'issue de cet épisode.

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  3. c'est vrai que c'est une façon évidente d'effacer l'ardoise ou le tableau noir, d'un coup d'éponge. Mais si on poursuit la comparaison scolaire, si l'éponge n'est pas assez humide, elle laisse sur le tableau des traces de craie et c'est imparfait. Alors oui, sans doute que la maman de C. par sa façon de faire très "entière" et sans demie mesure ne laisse pas place au doute. Quand Maman fesse, "l'herbe ne repousse p..." ?

    Quoi, Attila ? Ben oui, on a des réminiscences parfois...

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