vendredi 12 mars 2010

Mes soeurs aussi : une vision qui m'interpelle


 Vision fugace mais qui était parlante...


Mon cours de danse de ce vendredi là devait durer 1 h et demie comme d'habitude. Mais la prof avait un impératif et nous a lâchées à 18 h 15 au lieu de 18 h 45. Je rentre à la maison sans tarder, le temps frais ne prêtant pas à flâner en route.
Je range mon vélo dans le garage et je rapplique dans la cuisine. Maman n'y est pas, même si la soupe cuit à petit bouillon.
Je m'apprête à appeler pour savoir où elle est quand j'entends des bruits de conversation orageuse qui viennent du premier. Curieuse, je monte sans faire de bruit. Les éclats de voix viennent de la chambre de Maman où doit se trouver aussi Aline, d'après ce que je perçois. 
La porte n'est pas tout à fait fermée et je m'approche de l'entrebaîllement avec le coeur battant.
Ce que j'aperçois me fait battre le coeur encore plus fort. La vision est fugace et partielle, mais il n'y a pas de doute, Aline vient de plonger en travers des genoux maternels, sa jupe est dégagée et elle agite ses jambes en se débattant...
Je ne perds pas une miette de ces quelques secondes en espérant en voir davantage, mais j'entends derrière moi une voix. C'est Diane qui tendait l'oreille, elle depuis sa chambre, et m'a vue arriver. "Maman, Christine est rentrée", crie la plus petite de mes soeurs.
Coincée, je pousse la porte et me montre un instant devant Maman qui me renvoie immédiatement : "Sors d'ici, et ferme la porte, Christine. Tu vois bien que je suis occupée".
Je ne peux que rebrousser chemin, non sans avoir croisé un regard furtif, courroucé, d'Aline en bien fâcheuse position....
Arrivée dans ma chambre, j'ai eu de par l'oreille la confirmation que ma vision fugace était réelle... Maman donnait bien la fessée à l'aînée de mes petites soeurs et les bruits caractéristiques résonnaient dans la maisonnée...
Bizarrement, je vivais la situation étrangement avec un mélange de satisfaction et d'angoisse à la fois. Que mes soeurs reçoivent la fessée me vengeait un peu de leurs moqueries, nous mettait à égalité si j'ose dire. Mais, comme elles avaient 3,5 et 5 ans de moins que moi, je trouvais que c'était juste normal, cela ne prenait pas la dimension émotive de ce qui m'arrivait à moi...
Je me disais que c'est bien fait pour Aline et j'avais une petite joie supplémentaire en ayant pu l'apercevoir sur les genoux maternels, même si je l'avais vue qui avait encore sa culotte, ce qu'elle n'a certainement pas dû garder une minute de plus...
Mais, cette satisfaction très compréhensible était accompagnée de sensation bizarre. J'entendais la main de Maman claquer le derrière d'Aline et je ne pouvais m'empêcher de penser que lorsque c'était mon tour, mes soeurs devaient entendre aussi et autant...
J'avais vu le regard furibard d'Aline me voyant la regarder étalée sur les cuisses de Maman. Cela me rappelait d'autres situations où mes soeurs ont cherché à me voir punie, quand ce n'était pas Maman elle-même qui en certaines occasions m'avait corrigée devant elles pour l'exemple...
Je me souvenais que lorsqu'Aline ou Diane surgissait ainsi et me voyait déculottée, j'avais moi aussi un regard qui les fusillait, et une envie de revanche.
Je me doutais bien qu'Aline me revaudrait cela dès qu'elle le pourrait et qu'il fallait que je m'attende à quelques représailles ou coups en douce de sa part...
Bref, la fessée de ma soeur me réjouissait en étant comme un baume au coeur, mais en même temps, les bruits des claques, les pleurs de ma soeur et la détermination maternelle me rappelaient que dans cette maison la fessée était de règle, et que toute aînée que j'étais, je n'en étais pas à l'abri...
Bien sûr, une fois Aline punie, c'était un peu comme si cela éloignait dans le temps ma dernière fessée... Le soir au dîner, c'est sur ses démêlés avec Aline que Maman reviendrait, et nous aurions droit à l'explication de cette tannée reçue par ma soeur, avec l'avertissement fait aux deux autres de ne pas se comporter de la même manière, sinon...
Le soir, c'est Aline que Maman allait consoler et câliner un peu en lui rappelant qu'elle n'a eu que ce qu'elle méritait...
Diane et moi aurions le droit à l'allusion teintée de menace nous appelant à être sage si on ne voulait pas suivre le même chemin que notre soeur.
Mais, en vivant tout cela, je ne pouvais m'ôter de l'esprit que cela se passait aussi ainsi quand j'étais punie. J'avais dans les yeux l'image d'Aline gigotant sur les genoux maternels, mais une petite voix me disait à l'intérieur de moi : "Attention, Christine, ne te réjouis pas trop des malheurs de ta soeur... Aujourd'hui, c'est elle qui a reçu la fessée, mais qui sera la prochaine ? Peut-être Diane, mais rien n'est moins sûr... La prochaine, ce sera peut-être toi, Christine... Ses bruits, ses pleurs entendus tout à l'heure, la prochaine fois, ce seront peut-être tes larmes Christine, et peut-être tes fesses qui claqueront sous la main de Maman, qui rougiront toutes déculottées..."
Et la petite voix, en plus, avait raison...

(A SUIVRE)

8 commentaires:

  1. Je crois que c'est la première fois qu'on parle de la correction des soeurs Enfin. Merci pour ce moment de vie...

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  2. Les seules fois où j'ai été témoin d'une fessée, il s'agissait de ma tante qui punissait ma cousine. Le souvenir dominant que j'en garde c'est une impression de gêne intense, comme une honte par procuration, et le sentiment que je n'étais pas à ma place, que je n'avais pas le droit d'entendre ou de voir ce qui était en train de se passer. Je me souviens aussi qu'à chaque fois cela a créé entre Nathalie et moi un malaise qui a été long à se dissiper. Je n'ai pas le temps d'en dire plus aujourd'hui mais je vous promets d'y revenir. Merci en tout cas pour ce beau texte, vous arrivez si bien à nous faire partager ces complexes interactions et rapports de forces familiaux.

    Bien amicalement

    Agnès

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  3. Là encore, chère Agnès, la cousine fessée est une constante de mon enfance. Je comprends d'autant la gêne que je l'ai éprouvée aussi à voir Anne punie par sa mère... Ce que vous dites de cette "sensation de ne pas se trouver à sa place" est un sentiment que j'ai éprouvé aussi, tout en restant à regarder en sentant un trouble indicible et impossible à évaluer m'envahir. Mon destin était tracé... rire.

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  4. voilà un texte symapthique, nouveau agréable a lire comme d'habitude.
    Je pensais bien que votre mère etait "juste" et que vous n'etiez pas la seule a subir les foudres maternelles. On prend un certain plaisir avoir que ces deux chipies (ou du moins une des deux) qui essayent de ne pas manquer une miette de vos fessées se retrouvent parfois sur les genoux de maman. Bien sur , il a fallu que Diane se mèle -une fois de plus sans doute- de ce qui ne la regardait pas pour que vous n'assistiez pas a la totalité du spectacle . J'espère que cette petite rapporteuse va se retrouver bientot sur les genoux maternels pour une fessée bien meritée et que vous pourrez voir ses petites fesses rougir....
    cordialement

    herge

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  5. Bizarre, bizarre... Plus de nouvelles d'Agnès...

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  6. Chère Christine,
    C'est vrai que j'aurais pu faire l'effort de vous écrire au moins quelques courts messages, ne serait-ce que pour vous dire à quel point j'apprécie le récit que vous êtes en train d'écrire : vivant, mouvementé, plein de détails évocateurs de ce qu'était votre vie à cette époque, enfin et surtout ouvrant de nouvelles perspectives sur vos relations familiales, singulièrement bien sur avec vos soeurs, mais aussi avec votre tante, et affinant encore le portrait que vous faites de votre Maman.
    La vérité c'est que vos derniers textes suscitent tout autant l'intérêt, les questions, l'envie de les commenter et de les mettre en parallèle avec mes propres souvenirs ... et cela est d'autant plus frustrant qu'en ce moment je suis loin d'avoir le temps pour écrire comme je le voudrais, à tête reposée, et tenter une synthèse pas trop embrouillée des idées que vos confidences m'inspirent.
    Par exemple je suis toujours frappée de l'habileté avec laquelle votre Maman savait exploiter les relations (éventuellement les tensions) qui existaient entre ses filles. Lorsqu'elle était amenée à punir l'une ou l'autre d'entre vous, elle faisait en sorte que cela serve aussi de leçon aux autres : non seulement leçon "négative", argument de menace ("Regarde ce qui arrive lorsqu'on n'est pas sage"), mais également leçon "positive", comme si elle vous disait "Comme tu es sage ma chérie, cela me fait vraiment plaisir, pas comme ta chipie de soeur à qui j'ai encore été obligée de donner la fessée...!" ou tout autre sorte de compliment de cet ordre, bien flatteur pour vous... et profondément vexant pour petite soeur si votre Maman jugeait opportun de lâcher ce genre de remarque en sa présence. La belle scène avec votre tante est tout à fait révélatrice de ce genre de stratégie. Ce que j'y vois (dites-moi si je me trompe) c'est que votre Maman devait à ce moment très bien percevoir le petit sentiment d'euphorie qui commencait à vous saisir en vous voyant épargnée par des punitions qui commencaient à tomber de façon répétée sur vos soeurs. Elle s'est servi alors avec une certaine finesse de cette conversation avec votre tante pour vous faire passer, sans en avoir l'air un message d'avertissement : même si vous étiez - pour l'instant - sage et méritante, il était encore hors de question que vous vous estimiez à l'abri des fessées !
    Pas le temps de développer plus. A une autre fois, plus longuement j'espère

    Agnès

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  7. Merci Agnès de ce commentaire et ravie de ce retour dans le sujet qui nous intéresse...
    Vous analysez bien la stratégie maternelle, je crois. L'important était que chaque événement du genre "serve" à ramener la punie dans le droit chemin, mais aussi à faire passer des messages aux deux autres candidates potentielles à la prochaine...

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  8. Comme toujours, un plaisir de lire le récit d'une part et le décryptage d'Agnès d'autre part... Merci mesdames de relater aussi "bien" des choses aussi "enfouies" d'ordinaire.

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