vendredi 17 novembre 2017

Chronique d'un redoublement : 124. De l'aveu au réglement de comptes sur les genoux maternels

SUITE 123

Je sortis donc de ma chambre et descendis l'escalier vers le rez-de-chaussée. J'avais la tête qui bouillonnait, mais je ne voulais plus réfléchir, sinon je ne serais jamais descendue, et il n'était pas question d'attendre le retour de mes soeurs, cette menace que Maman avait distillée en ne doutant pas qu'elle ferait son effet...

Quitte à retrouver le chemin des genoux maternels, mieux valait que ce soit sans témoin, même si, la plupart du temps, je m'arrangeais pour gagner du temps plutôt que de précipiter les événements...
Maman était assise sur la banquette du salon, et mes copies de maths étaient posées bien en évidence sur la table basse devant elle. Je m'arrêtai à l'entrée de la pièce, la tête et le regard baissé, sans rien dire. Maman m'interpela : "Ah, te voilà quand même, Christine ! Tu n'es pas pressée de t'expliquer à ce que je vois... Mais, je devine pourquoi..."
Je gardai le regard fuyant et murmurai : "Mais, je, euh, je suis là, M'man" !
Elle rétorqua : "Heureusement encore... Mieux valait pour toi que je ne sois pas obligée de venir te chercher..." Et, me désignant le fauteuil à sa droite, elle ajouta : "Assieds-toi là, et réponds donc à la question que je t'ai posée tout à l'heure... Qui a signé cette copie d'un 5 sur 20 en maths ? Allez, Christine, réponds bien cette fois... J'espère pour toi que la fessée que je t'ai donnée t'a fait retrouver la mémoire..."


Maman m'avait demandé de m'asseoir, et me montra la copie
à la signature falsifiée... J'hésitais encore, mais comprenais
que cette fois, j'allais bien devoir avouer mon forfait... 

Je sentis mon coeur qui battait la chamade. J'étais comme haletante, au bord des larmes, et me mis à balbutier : "Bah, euh, je, euh, je ne sais, euh..." J'allais presque encore nier, et Maman haussa la voix, en criant presque : "Christine !!!"
Le ton était celui d'une colère sourde, et je me repris, bredouillant : "Oui, Maman, oui... Oui, euh, c'est, euh, enfin, c'est moi... C'est moi qui ai signé le devoir. Je, euh..."
Maman m'interrompit : "Et pourquoi donc, Christine ? Pourquoi ne me l'as-tu pas montré ce contrôle ?"
Je tentai : "Euh, bah, il fallait le rendre, et j'avais, euh, oublié..., euh, de le faire signer"
La réplique maternelle fusa : "Tu avais oublié ? Ne me prends pas pour une idiote à nouveau, Christine. Dis-moi plutôt que tu avais peur de me la montrer cette mauvaise note, très mauvaise même pour une redoublante censée être bonne en maths. C'est cela, hein ?"
Je baissai la tête et me mis à sangloter : "Bah, euh, oui, M'man, euh, je voulais pas que tu me disputes..."
Elle eut un sourire en coin, devant le terme que j'employais : "Que je te disputes, comme tu dis... Que je te gronde, c'est ça...? Sois donc plus précise, Christine... Qu'est-ce qu'elle donne, Maman, à sa grande fille quand elle ramène une mauvaise note ? Ou quand elle ment effrontément comme tout à l'heure ? Allez, dis-le moi..."
Je sanglotai à nouveau et baissai la tête sans répondre. Maman reposa la question : "Allez, Christine, Maman donne quoi aux menteuses ? Comme tout à l'heure... Tu as oublié déjà ? Tu veux que je recommence ?" Devant l'insistance maternelle, je répondis à mi-voix: "Non, non, ne recommence pas. Bah, la, euh... c'est la f..., la fessée, M'man".
Maman enchaina : "Parfaitement, Christine, la fessée. Et donc, c'est bien pour éviter une bonne fessée que tu savais mériter que tu as décidé d'imiter la signature de Maman, en imaginant que personne ne s'en apercevrait..."


Maman me poussait jusqu'au bout de mon raisonnement,
et je ne pus qu'expliquer le pourquoi de cette falsification. 
C'était par peur d'être "grondée" ce que Maman me fit préciser en me faisant
reconnaître que c'était pour éviter une fessée méritée... 

Je lâchai entre deux sanglots : "Oh, pardon, pardon, Maman. Mais, euh, comment tu as vu ?"
Elle rétorqua : "Le pardon, on verra plus tard... Mais, d'abord, tu imagines que je puisse ne pas me souvenir si j'ai vu ou non un de tes contrôles ? Et puis, même si ce n'est pas trop mal imité, je te signale que je mets toujours "Vu" et non "Vue" ! Et que lorsque je signe, je n'oublie jamais de mettre un tout petit tiret entre A et M, d'Anne-Marie, même en initiales... Tu vois, il faudra faire plus attention, si tu voulais un jour recommencer...  Mais, j'espère bien t'en ôter l'envie..."
Je me mis à pâlir, autant par la menace finale, que du fait d'avoir pu faire ces deux erreurs manifestes dans mon travail de faussaire en herbe...
Je répliquai en tentant d'être convaincante : "Oh, non, Maman, non, je ne recommencerai pas, jamais, promis, jamais de jamais... Pardon, je te demande pardon..."
Maman était visiblement excédée : "Enfin, tu as quand même réussi à tromper la vigilance de ta prof de maths... Heureusement pour toi qu'elle ne l'ait pas vu, sinon je me demande si ne serais pas aller te flanquer une volée devant elle..."
Je suppliai : "Pardonne-moi, Maman, pardonne-moi... Je te montrerai tout maintenant, tout, même les mauvaises notes, si j'en ai encore..."
Maman me cloua le bec : "Tais-toi donc, Christine... Quand je pense que tu as réussi à rouler ta prof... Ah, tu devais bicher intérieurement, ce jour-là, et depuis des semaines, à rire sous cape en te disant que tu avais échappé à une nouvelle fessée... Mais, la chance n'est pas éternelle, ma fille. Un jour, il faut payer ses dettes, et ce jour est arrivé... Il va bien falloir que tu la reçoives, cette fessée, Christine... Et avec les intérêts !"


Maman n'avait pas tort : je me souvenais combien  je "bichais"
intérieurement après que la prof n'ait pas remarqué la fausse signature...
J'étais toute heureuse d'avoir pu, ce qui était assez rare,  
éviter une nouvelle déculottée...

Je pris ma petite voix suppliante : "Mais, Maman, ça y est, j'ai déjà eu ma fessée tout à l'heure..."
Elle me fit taire : "Tais-toi donc, Christine. Ne dis pas n'importe quoi. Tu as juste eu ce que tu méritais pour m'avoir menti effrontément, alors que je te mettais le nez sur ta fausse signature... Mais, il n'en reste pas moins que ton 5 sur 20 en maths méritait une bonne fessée, et que c'est même parce que tu n'en doutais pas un instant que tu as essayé d'y échapper... Pas question donc que tu reçoives pas ton dû !"
Je ne savais plus quoi dire, et ne faisais que répéter : "Non, Maman, non, oh non, non..."
Mais, elle n'en avait pas fini avec sa sentence... Et poursuivit : "Mais si, mais si, Christine, tu n'imaginais pas que j'allais te faire grâce d'une fessée avec laquelle tu joues à cache-cache depuis des semaines... Tu vois, c'est le dernier jour de l'année scolaire, cela tombe bien pour régler les comptes..."


Maman annonça qu'on allait régler nos comptes... Je protestai en rappelant 
que je venais déjà de recevoir "ma" fessée, une heure avant dans ma chambre...
Mais, Maman rétorqua que c'était pour avoir menti effrontément,
que cela n'allait pas m'empêcher de recevoir mon dû...  

Maman avait une logique imparable, et son raisonnement ne me surprenait pas, tant j'y étais habituée. Mais, je constatais qu'elle insistait sur la fessée à laquelle j'avais voulu échapper, jusqu'à me faire admettre que c'était un dû, ce dont je me doutais au fond de moi. 
Sauf que, dans son esprit, il n'y avait pas que la mauvaise note et le mensonge, et la suite me fit encore angoisser davantage...
Elle poursuivit donc : "Mais, à l'heure des comptes, il faut aussi parler de la signature imitée... Et, c'est autrement plus grave qu'une simple mauvaise note, Christine. Il faut que tu en aies conscience... Cela s'appelle un faux, une contrefaçon, un usage de faux, et si tu étais majeure, cela pourrait t'envoyer au tribunal, voire en prison. Il n'est pas question que je te laisse faire... Alors, je t'annonce déjà que tu devras me faire une série supplémentaire de devoirs de vacances pour que tu comprennes combien c'est grave ce que tu as fait là..."
Des devoirs en plus, cela ne me réjouissait guère, mais j'avais l'impression que j'allais assez bien m'en tirer... 
J'avais cependant tiqué sur le "je t'annonce déjà" qui sous-entendait une suite autre que les devoirs de vacances...
Hélas, j'avais raison de tiquer, car Maman reprit en disant : "Bon, on verra ça pendant les vacances mais, en attendant, j'ai un moyen plus sûr encore pour que tu te rappelles de tes premiers essais de faussaire, et t'ôter l'envie de recommencer... Et ce moyen, Christine, cela va être une tannée magistrale, une déculottée dont tu te souviendras longtemps, ma fille... Et, estime toi heureuse que je n'attende pas le retour de tes soeurs pour te rougir les fesses devant elles..."
La détermination maternelle était impressionnante, et je me suis remise à pleurer, voyant déjà Maman se décaler pour s'asseoir au milieu du canapé. Je soliloquai : "Maman, Maman, oh non, Maman".
Mais, cela ne servait à rien, et l'ordre tant craint retentît, alors que Maman tapotait ses genoux pour m'indiquer le chemin : "Allez, Christine, viens ici... Tout de suite..."


Maman avait annoncé la sentence, et s'était décalée pour être assise
au milieu du canapé, une position que je lui connaissais bien...
Elle me présentait ses genoux... Je comprenais bien que ne pas m'avancer, 
ou la faire attendre l'aurait incitée à décider d'attendre le retour de mes soeurs...
Je m'approchai donc, lentement, pleurant sous le coup de l'émotion,
consciente que je venais en quelque sorte apporter mes fesses
pour "une tannée magistrale, une déculottée" dont je me souviendrais...
 

A SUIVRE

11 commentaires:

  1. Si je voulais vous taquiner, j’ergoterais sur l’inexactitude du titre : s’il y a en effet « aveu », le chapitre se clôt juste avant que le « règlement de comptes » n’ait effectivement lieu. (Mais ce n’est que partie remise, n’est-ce pas ?)
    Ce qui m’a marqué dans cet épisode, c’est l’évocation de l’appareil judiciaire, par lequel votre mère souligne la gravité de votre faute. En effet, il ne s’agit pas d’une « simple mauvaise note » ou d’un banal problème de discipline, strictement limités aux codes familiaux et scolaires, mais d’un « faux et usage de faux », qui relève, lui, du code pénal, et qui en effet pourrait vous attirer passablement d’ennuis si vous la commettiez en tant qu’adulte. Pas question donc, de vous laisser filer sur une si mauvaise pente, il en va de son devoir de mère de vous prévenir de la délinquance.
    Je pourrai vous citer de mémoire maints exemples, littéraires et moins littéraires, dans lesquels un adulte recours à la menace juridique pour mettre en garde un enfant ou un adolescent. Dans une planche de « Gai-Luron » du regretté Gotlib, le personnage éponyme sermonne en ces termes un bambin qui lui a jeté des cailloux : « On commence par le lance-pierre et on finit sur l’échafaud. Tu voudrais finir sur l’échafaud ? » ce à quoi le sanglotant fautif répond « Non » d’une toute petite voix contrite. Dans un épisode d’une série de ma jeunesse (je crois qu’elle s’appelait « Tonnerre »), deux pré-adolescents, qui avaient imprudemment provoqué un accident en tirant avec leurs carabines à plomb, se voyaient appréhendés et menottés sans ménagement par des policiers, qui les amenaient manu militari au poste. Comme j’avais été moi-même effrayé ! Je pense encore à ces procédés que l’on nous rapporte des Etats-Unis, où des mères de famille dépassées appellent à leur secours des agents de police qui s’en viennent en voiture, toutes sirènes hurlantes, pour sermonner la progéniture terrifiée. Ou encore ces programmes scolaires obligeant des écoliers américains à visiter des prisons, où des détenus leur enjoignent de ne pas suivre leur exemple.
    Bref, je ne vais pas multiplier les exemples, même si, à mon souvenir du moins, c’est la première fois dans votre blog que votre mère recourt à cet argument, lequel annonce une fessée hors norme, « magistrale » selon les termes de la juge.

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  2. Oui, je vous trouve taquin, cher Mardohl, à propos de ce titre... car l'épisode va bien de l'aveu jusqu'au règlement de compte. J'y décris en effet tout ce dialogue mère-fille, où Christinette prend conscience qu'elle ne peut qu'avouer, et surtout que plus rien n'y fera, qu'elle n'échappera pas à une correction exemplaire...
    De cette dernière, il sera question dans le prochain épisode, mais celui dont nous parlons va bien de l'aveu, du "plaider coupable" comme aux Etats-Unis, qui enlève toute possibilité d'acquittement, mais fait espérer une peine tenant compte de la reconnaissance de culpabilité...
    D'ailleurs, c'est vrai que dans ma position d'alors, nier encore, faire durer, risquait surtout de conduire à ce que la scène suivante ait Aline et Diane comme témoins...
    Cette épée de Damoclès au dessus de la tête, pour ne pas dire de mes fesses, je vais bien "de l'aveu au règlement de compte" puisque, vous l'avez certainement noté, cher expert en références spaakiennes, la mort dans l'âme, tremblante et angoissée, mais consciente que toute autre attitude me nuirait plus encore, j'obéis à l'appel maternel, et j'avance vers ses genoux, comme si j'apportais ma lune redevenue rose pâle pour ce qui s'annonçait comme "une fessée hors norme", selon votre expression bien trouvée...
    Voilà pour un premier commentaire à vos premiers commentaires... Mais, je suis sûre que Mardohl le perspicace a encore à dire sur cet épisode, non ?

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  3. En effet Christine, cet épisode appelle d’autres commentaires, que je vous distillerai cette fois l’un après l’autre, et non d’un seul bloc.
    Ainsi, quand vous demandez à votre maman comment elle a éventé votre manigance, elle vous répond par les deux erreurs que vous avez commises : le fallacieux ajout d’un « e » à « vu » (plutôt que de rêvasser au cours de maths, vous auriez dû mieux réviser l’accord des participes passé : « vu » utilisé sans auxiliaire et ne qualifiant aucun sujet, demeure invariable) et l’omission du trait d’union entre les doubles initiales de votre maman.
    Cette erreur de copie m’a tout de même intrigué, me rappelant que vous vous étiez exercée à imiter cette signature sur toute une page, puis une vingtaine de fois. Aussi suis-je remonté à l’épisode 119 pour constater que, effectivement, même si vous vous étiez appliquée à pencher l’écriture à droite, comme le fait votre mère (qui en effet constate que ce n’était « pas trop mal imité »), vous aviez paraphé « Vue » (au lieu de « Vu ») et « AM S » (au lieu de « A-M S »).
    J’avoue que j’ai été déçu moi-même de ne pas m’être montré assez attentif pour relever d’emblée votre erreur. (Enfin… sans vouloir me chercher des excuses, je me suis dit aussi qu’il n’était pas impossible que vous ayez rectifié votre texte après coup, comme il vous est d’ailleurs arrivé de le faire, pour le faire correspondre au réquisitoire de votre mère. Ne vous en offusquez pas, les plus grands écrivains, Balzac par exemple avec « La Comédie humain », retouchaient volontiers leurs romans antérieurs pour les faire correspondre à leurs plus récentes publications, afin de donner à l’ensemble de leur œuvre une plus stricte cohérence.)
    Cette bévue dans le méfait m’évoque un mensonge de la désobéissante Sophie, qui le voit si facilement s’évanouir face au solide bon sens de Madame de Réan. Voulait-elle accuser les rats d’avoir dévoré les fruits confits sur l’étagère ? Mais les rats n’auraient pas pris la peine d’approcher un fauteuil pour l’atteindre. Dans vos écrits comme ceux de la comtesse de Ségur, la pécheresse se piège elle-même, trahit son écart par manque de jugeote, se voit confondue devant l’omniscience maternelle. Ainsi demeure sauve la morale, comme est brillamment démontrée la supériorité cognitive du bien sur celle du mal. (Autrement dit, le diable est toujours perdant.)

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  4. Non, cher Mardohl, je n'ai pas rectifié mon texte après coup. Pour le "Vue" ce qui est plus drôle, sauf que cela ne prête pas à rire pour Christinette à ce point du récit, c'est que j'ai souvenir d'avoir mis exprès un "e" après avoir réfléchi, en me repassant les termes de la prof qui avait dit : "Vous montrerez la note à la maison et ramènerez la copie signée au prochain cours".
    J'avais hésité en me demandant si c'était le contrôle qui allait être "vu" ou bien la note, la copie, toutes deux du féminin qui devraient être "vues" par Maman. Je ne connaissais pas en Cinquième toutes les subtilités des accords des participes, et c'est finalement une faute non pas d'étourderie, mais due à une intense réflexion qui m'avait trahie..
    Mais je ne suis ni Balzac, ni Sophie Rostopchine, ne me flattez pas ainsi. Je reconnais plus ce genre de qualité à Maman Spaak, dont effectivement l'omniscience lui a souvent évité de se faire rouler dans la farine par ses filles, dont bien sûr en premier lieu la grande qui, vous l'avouerez est en position plus que délicate dans cet épisode...
    Merci encore Mardohl de ces commentaires fractionnés. Ils me permettent de réagir à chacun, et d'aller plus au fond des choses.
    J'attends donc la suite avec intérêt... Même si Christinette, elle, n'est pas du même avis...

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  5. Un autre indice accusant de l'extrême énervement de votre mère : elle en vient à évoquer la possibilité, dans le cas où la prof de maths aurait découvert elle-même la falsification, de vous corriger carrément devant elle. Je crois bien que c'est la première fois que Madame Spaak mentionne explicitement l'éventualité d'une fessée devant un témoin n'appartenant pas au cercle familial. Auquel cas, vous devez une nouvelle fois vous estimer heureuse que la tannée à venir, pour historique qu'elle s'annonce, vous soit administrée dans l'intimité.

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  6. Je ne sais pas si elle aurait mis ses menaces à exécution, mais vous avez raison : cela montrait l'extrême énervement maternel.
    Je crois aussi que c'était en réaction au fait que la prof aurait pu ainsi mettre le doigt sur un défaut d'éducation en quelque sorte. Que j'ose imiter la signature maternelle, que je réussisse à le faire sans que Maman ne s'en aperçoive était pour elle comme si elle était en partie responsable. Comme si la prof allait lui reprocher de ne pas assez surveiller sa fille...
    C'est dans cette hypothèse que Maman aurait pu imaginer de concrétiser sa menace, pour lui montrer comment elle élevait ses filles.
    Cela est un peu comme quand la boulangère avait dénoncé une de mes manoeuvres faite dans le dos de Maman. Maman avait annoncé clairement que cela allait barder à la maison, mais elle était à deux doigts de le faire devant la boulangère, pour justifier sa capacité à nous faire bien nous tenir...
    Je crois qu'il y a d'autres exemples de ce type, jamais concrétisés, mais qui sont symboliques de sa façon de raisonner... J'essaierai d'en retrouver.
    En tout cas, c'était évidemment aussi utilisé entre nous, comme une menace supplémentaire, une façon de me dire, si tu recommences, tu pourrais avoir des ennuis devant témoins...
    Et, bien sûr, tout comme je me sens presque chanceuse que mes soeurs ne soient pas là, rien que le fait d'imaginer que j'aurais pu être fessée devant la prof de maths, me fait prendre conscience que cela aurait pu être pire que ce qui m'attend...
    Mais, relativiser en ces circonstances n'est pas chose aisée... S'estimer heureuse que la prof de maths n'ait pas été conviée peut vaguement consoler... Mais, ce n'est pas grand chose quand vous êtes en train d'avancer vers les genoux maternels, et que vous savez que vos fesses vont y être exposées, toutes déculottées, et tannées par une mère décidée comme jamais...

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  7. Quel calme dans les commentaires ! Heureusement que Mardohl est là pour rebondir sur les récents épisodes. J'espère qu'il a encore à dire sur celui-ci...
    Sinon, plus de nouvelles des autres, même si je sais que les textes sont lus...
    Dommage, car cela ne me donne pas envie de me presser d'écrire la suite... Christinette, elle-même, préférerait que je ne la raconte pas, mais cela se comprend... La situation s'annonce brûlante pour une partie de son anatomie...

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  8. Je souligne encore les métaphores « comptables » qu’utilise votre mère pour annoncer cette fessée, l’économie familiale impliquant, pour une ménagère aussi consciencieuse que madame Spaak, la gestion du budget aussi bien que celui de la discipline. Il s’agit ainsi pour sa fille, telle une créancière de recevoir « son dû », de « régler les comptes », de « payer ses dettes », et même, en filant la métaphore, « avec les intérêts », compte-tenu du délai écoulé entre la perpétration et la sanction du forfait. Christine elle-même assimile ces considérations facturières en évoquant « son dû ».
    Et tout comme la narratrice, le lecteur tique à l’adverbe, lourd de sous-entendu, utilisé par votre mère : ce « déjà » supposant que notre « faussaire en herbe », condamnée à l’incertitude, ne s’en tirera pas uniquement avec cette magistrale fessée et ces devoirs de vacances.

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  9. Je pointe, enfin, la maïeutique presque socratique par laquelle votre mère vous amène à vous confesser et même à articuler, bien malgré vous, le terme « fessée ». Elle commence par vous faire avouer explicitement que vous avez signé le contrôle vous-même. Pourquoi l’avez-vous fait ? Parce que vous avez oublié de le lui montrer ? Mon œil ! Parce que vous ne vouliez pas le lui montrer. Pourquoi ne le lui avez-vous pas montré ? Parce que vous craigniez les conséquences. Quelles conséquences ? Allons, quelles conséquences ? Et Christine, balbutiante, mentionne elle-même les six lettres de la sentence.
    Très juste, désireuse de vous prouver que la tannée qui vous attend ne relève en rien de l’arbitraire, votre mère par ses questions vous « guide » sur sa logique procédurière, laquelle aboutit inexorablement à vous faire admettre ce verdict sans appel : cette mauvaise note malhonnêtement dissimulée vous ayant valu une fessée en temps normal, il est parfaitement fondé que vous la receviez, à présent que le contrôle a été découvert. Et sans encore parler de la signature imitée, faute gravissime entre toutes, et qui dans ce retour de manivelle assurément vous vaudra l’une des plus magistrales fessées de votre existence.

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  10. Bonne remarque de Mardohl sur les métaphores "comptables" utilisées par Maman Spaak. Mais, c'est vrai que c'est une notion omniprésente dans notre éducation. Ne serait-ce que parce que le travail était évalué par des notes, des chiffres, qui impliquaient des félicitations ou des sanctions, à l'heure où l'on "réglait les comptes".
    De même que l'autorité s'appuyait parfois sur un compte comme quand Maman faisait exécuter quelque chose, en disant : "Attention, je compte jusqu'à trois..., qui faisait filer doux ou obtempérer la récalcitrante...
    Quant à la notion de "dû", elle en devenait concrète. Avoir deux heures de colle ou récolter un zéro, c'était avoir "droit" en plus à une fessée, d'autant qu'avec Maman un "compte" se devait d'être réglé...

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  11. Pour ce qui est de la technique maternelle pour me faire avouer, l'enchainement de questions est effectivement efficace. Du grand art. Pas question de se contenter de mon aveu, il faut pour Maman que j'explique le pourquoi j'ai osé jouer les faussaires... Pas question de se laisser berner par l'essai d'affirmation que j'avais "oublié" de faire signer la copie...
    Non, Maman tient à me faire dire que j'avais peur des conséquences de la mauvaise note, donc à ce que je reconnaisse que je voulais éviter la fessée que j'aurais reçue comme si elle m'était due...
    Voilà qui permet à Maman de me faire en effet admettre, du moins au plan du raisonnement, que cette fessée due, au motif caché puis découvert, se doit d'être donnée... Et cela sans préjuger de ce que le grief de "faux et usage de faux" mérite...

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