vendredi 28 janvier 2011

Ces moments où le coeur bat fort : la tuile en maths !

Poursuivons cette petite série de moments particuliers, d'instants où tout bascule, où l'angoisse nait, et où le coeur se met à battre très fort, tant l'imagination submerge mes pensées.
Cette image m'en donne une illustration parlante.
Les maths, c'était mon fort. Ainsi que le français. Deux matières où je pouvais jouer les premiers rôles en classe, ce qui contrastait avec l'anglais, l'allemand, les sciences nat, voire l'histoire géo, selon la personnalité des profs. Si je m'entendais avec, je pouvais exceller, si j'avais un conflit ouvert ou larvé avec, j'étais capable de ne rien faire. Ce qui explique aussi la détermination maternelle, qui savait très bien que son ainée était douée, du moins quand elle le voulait. Voire facile comme en maths, où je pigeais très vite, au point parfois de ne pas avoir à bosser mes leçons ayant tout compris en écoutant en cours.
Le problème avec cette aisance, c'est bien sûr que Maman veillait à ce que j'ai des notes excellentes, et était attentive aux signes avant-coureurs du moindre relâchement qui m'arrivait par périodes bien sûr...
Ce jour-là, je pensais savoir ma leçon de géométrie, même si j'avais un peu bavardé la veille en cours. On était à quatre jours des vacances de Pâques, les contrôles étaient finis et je n'imaginais pas que la prof ferait passer quelqu'un au tableau.
Et, c'est tombé sur moi...
Mme Marchand avait dessiné un triangle rectangle, et me demanda comment on calculait la surface. J'hésitai, et cela déclencha une levée d'une dizaine de bras dans la classe, disant : "Madame, Madame, je sais, je peux répondre ?"
Je savais que c'était facile, mais comme je n'avais pas révisé les formules la veille au soir, j'avais un trou navrant. De voir que moi, l'une des meilleures, je calais, alors que des copines en général pas douées en maths levaient leur doigt me tétanisait. 

Je commençais à paniquer devant le tableau,
incapable de trouver la formule... 

Mme Marchand lança : "Christine, ou vous savez, ou vous ne savez pas. Ne restez pas muette comme ça. Je vous donne encore dix secondes et ce sera un zéro pointé".
Je blêmis à l'annonce de la prof. Je cherchai dans ma tête à toute vitesse et balbutiai :  " Euh, oui, bah, c'est petit côté plus grand côté multiplié par Pi".
Ma réponse provoqua un éclat de rire général. Mme Marchand haussa les épaules : "Mais quelle imagination, Mlle Spaak ! Qu'est-ce que Pi vient faire par là ? Vous confondez les triangles et les cercles. Tout ce que vous avez gagné, c'est comme un cercle, mais ça s'appelle un zéro".
Je protestai : "Non, Madame, ça y est, j'ai trouvé, c'est b par c divisé par 2".
"Trop tard, Christine. Cela vous apprendra à réviser vos leçons. Vous ne m'avez pas habituée à sécher ainsi. Ce zéro servira d'avertissement et j'espère que vous allez vous reprendre bien vite", commenta Mme Marchand.
J'étais devenue toute pâle à cette annonce et je regagnai ma place avec une mine d'enterrement. D'autant que la prof revint à la charge : "Au fait, puisque j'ai déjà rempli vos bulletins, ce zéro comptera pour le trimestre prochain. Vous aurez tout le temps pour remonter votre moyenne. Mais, en attendant, vous me donnerez votre carnet de correspondance. J'y mettrai un mot que vous me ramènerez signé demain".
En deux phrases, j'étais passée de la lueur d'espoir au noir absolu. Le zéro qui attendait le prochain trimestre, c'était la possibilité de cacher mon jeu (et j'étais la reine des fortiches en la matière), de ne rien dire à la maison, et de n'affronter le problème qu'après les vacances de Pâques...
Mais, le mot à faire signer ce soir, c'était au contraire la catastrophe nucléaire... On n'attendrait même pas l'arrivée du bulletin trimestriel distribué le dernier jour de cours, non, il allait falloir annoncer à Maman que j'avais récolté un zéro pointé, une grosse bulle soulignée en rouge dans l'une de mes deux matières préférées...
Jamais, elle ne l'admettrait... Je le savais, je n'avais aucune illusion... A la fin du cours, Mme Marchand me retint le temps de rédiger son petit mot.
Je la regardais écrire avec le coeur battant. J'étais à côté d'elle et je pouvais lire les mots qu'elle écrivait en cherchant les termes appropriés : "Christine ne savait pas ses leçons du jour. J'ai dû lui mettre un zéro qui figurera sur le bulletin du prochain trimestre. J'espère que ce n'est qu'un relâchement passager. Il serait utile que votre fille se reprenne. Je ne doute pas que vous y veillerez..."
Elle me rendit mon carnet de correspondance, sentant bien que j'étais au bord des larmes : "Je suis désolée, Christine, je ne peux pas passer cela sous silence. Je n'ai pas envie que tu gâches tes possibilités. Tu peux être une très bonne élève, mais il faut travailler régulièrement. Je me dois d'avertir ta mère. A toi de lui prouver, à elle comme à moi, que ce n'était qu'un incident de parcours et que tu sauras te reprendre en main..."
Me reprendre en main... l'expression m'aurait faite sourire si je n'étais si angoissée... C'est Maman qui allait "me reprendre en main", je le savais. Je ne pouvais pas le dire à Mme Marchand, j'en aurais eu trop honte, mais son mot c'était comme un bon de commande d'une fessée maternelle. A livraison expresse, le soir même. Plus fort que La Redoute et son 24 h Chrono.
Faire signer mon carnet de correspondance avec ce mot et cette annonce du zéro pointé, c'était comme si je venais voir Maman en lui disant : "J'ai mérité la fessée, donne-la moi"
Pas la moindre chance, je ne m'en donnais pas l'ombre d'une, et en relisant le mot de Mme Marchand, j'étais déjà en train de me demander : aujourd'hui, je sors à quelle heure, est-ce que Maman sera à la maison, les petites ont-elles danse ou pas, n'est-ce pas le soir où Tata devait passer ? Bref, j'étais déjà dans l'anticipation, dans l'angoisse de savoir quand je le dirais, où, devant qui, avant ou après le diner, etc, etc. Mes pensées n'étaient même plus à savoir comment j'éviterais la fessée, mais à en imaginer le lieu, la scène, sachant que j'allais prendre une tannée maison, une déculottée magistrale. Pas étonnant que mon coeur s'emballe en y pensant...
A SUIVRE

3 commentaires:

  1. Certains détails pèchent par leur crédibilité. Mais je suppose, chère Christine, que vous avez été tributaire de la photo.
    Ainsi, votre héroïne me paraît un peu grande pour bûcher sur des problèmes de surface (c'est le cas de le dire). Une étude de fonction ou une équation différentielle m'eussent paru plus adéquats. De même, confondre les ronds et les triangles, c'est tout de même un peu gros pour notre surdouée en maths ! Et la maîtresse, sur le coup, ne se montre vraiment pas sympathique : un zéro pointé alors que Christine a fini par trouver la réponse sans aide. C'est bien sévère, d'autant qu'elle n'en réalise pas les conséquences pour le postérieur de son élève.
    Mais on voit, et c'est amusant, Christine retrouver aussitôt toute sa vivacité pour le calcul... de probabilités, d'où la myriade de questions qu'elle se pose : où, quand et devant qui la fessée va être donnée ? Certes, l'irrémédiable menace de la fessée engendre en elle une capacité... exponentielle à dresser des statistiques.

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  2. Mardohl pinaille. Ok, je me suis adaptée à cette image trouvée et qui fait ressurgir, elle, de vrais souvenirs, et c'est là l'essentiel...
    Mais, j'étais en Cinquième et on n'y est pas non plus à résoudre des équations du deuxième degré.
    Et puis si on finasse, une tenue sans manche avant Pâques n'était guère crédible non plus.
    Reste que ma capacité à calculer les probabilités par rapport à ce qui m'attend est en effet un élément notable. Je me demande même si je ne vais pas, contrairement à ce que j'avais dit en me limitant aux moments précis, développer la suite de cette histoire là... Elle vous intéresserait peut-être ?
    Quant à la réaction de la prof, elle vient dans un contexte où je sèche alors que des camarades lèvent le doigt, voire soufflent la réponse. Elle sait aussi que je suis en général du genre à n'écouter à moitié, mais à comprendre tout, et je crois qu'elle profite de l'occasion rare qu'elle a de me prendre en défaut dans sa matière pour bien marquer le coup.

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  3. Une suite basée sur un calcul de probabilités ? L'angoisse de savoir si la fessée va être donnée en présence des petites sœurs ? voire de la tante ? Voilà qui me paraît une piste prometteuse, que j'attends avec impatience.

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