jeudi 30 septembre 2010

Mes ruses de Sioux : la malade imaginaire (2)

SUITE 1
Une matinée euphorique


 "Youpi !!!", je n'ai pas osé crier, me méfiant quand même d'un retour imprévu, mais j'avais envie de chanter, de hurler au monde que j'étais la plus maline des filles, la meilleure comédienne.
J'avais un sourire jusqu'aux oreilles en entendant les petites partir avec Maman vers l'école, sachant que je restais là, que j'allais éviter les cours et surtout le fameux contrôle d'anglais annoncé la veille.
Mon stratagème avait marché au delà de mes espérances. J'avais réussi à faire monter le thermomètre et à faire croire que la mesure était naturelle. J'avoue qu'il y avait eu un moment de grand stress, une grosse montée d'adrénaline lorsque j'étais à côté du radiateur guettant le moindre bruit qui m'aurait faite replonger sous les draps.
Ah, c'était "trop beau", me disais-je, sans me rendre compte que ce bout de phrase pouvait me faire craindre d'avoir à redescendre de mon nuage.

Maman m'avait prévenue qu'elle faisait quelques courses après avoir amené mes soeurs à l'école et j'avais une bonne heure de tranquillité où je pouvais profiter de ma situation, avant de faire à nouveau semblant d'être malade dès que Maman reviendrait.
Je suis allée en douce prendre du chocolat, et un gâteau sec. Il faut dire que mon régime de malade imaginaire m'avait faite dîner d'un seul bol de soupe et que le petit déjeuner à une Christine affichant 38°8 avait été frugal.
Or, la Christine ravie de jouer un tour à sa mère et au monde entier commençait à avoir la fringale. Heureusement, Maman ne s'est aperçue de rien quand elle est revenue. J'avais regagné mon lit et je faisais la grimace, gardant une main sur mon ventre en prétendant que j'avais encore mal.

Maman trouvait mes symptômes bizarres
 Maman cherchait à me faire dire plus en détail ce que je ressentais. Elle avait tâté mon ventre et mes réactions lui semblaient bizarres. Je me plaignais à la fois des intestins et de l'estomac et j'étais évasive pour donner des précisions.
Je commençais à comprendre qu'il faudrait être plus précise si je voulais abuser aussi le médecin de famille que Maman avait déjà appelé avant d'amener les filles à l'école. Comme elle était tombée sur le répondeur, elle le rappela devant moi. Il était en consultation toute la matinée et promit de passer à la maison en début d'après-midi, dès après son déjeuner, conseillant d'ici là à Maman de me donner un peu d'aspirine pour faire tomber la fièvre si elle augmentait encore.

Elle revint avec thermomètre et suppositoire au paracétamol


Ayant entendu les instructions du médecin que Maman avait répété à voix haute, j'ai commencé à me rendre compte que mon entourloupe n'était pas encore gagnée...
Maman revint dans la chambre avec thermomètre et suppositoire. "Bon, Christine, on va voir si la fièvre n'a encore monté".
Je savais que je jouais gros et je me suis surprise à poser ma main sur mon front et à dire presque tranquillement à Maman : "Non, regarde, je crois qu'elle a même baissé, je me suis reposée et je suis moins moite". 
Maman me mit à son tour la paume sur le front et acquiesça. "Oui, tu as l'air moins fiévreuse, et de toute manière, cela n'a pas pu changer beaucoup en deux heures. On va attendre midi pour en avoir le coeur net. Si tu souffres moins, c'est déjà rassurant. D'ici là, reste bien au lit, pas question de bouger quand on a près de 39. Tu peux lire si cela ne te fatigue pas trop les yeux, mais repose-toi surtout".

L'euphorie laissait la place à l'angoisse


Maman m'avait laissée dans ma chambre, avec les volets moitié baissés, et en prenant soin de me border comme une malade que j'étais censée être...
Elle avait ajouté en quittant la pièce : "Ne t'inquiète pas ma chérie, j'appellerai le collège dès que le médecin sera passé. Et je demanderai à la maman d'Anne qu'elle nous dise quelles sont les leçons que tu as manquées ou les devoirs à faire. Il ne faudrait pas qu'une petite maladie te fasse avoir de mauvaises notes..."
Voilà encore qui ne me rassurait pas : il allait falloir continuer à faire croire en ma maladie imaginaire et croiser les doigts pour que Maman n'apprenne pas que j'avais loupé un contrôle et qu'elle fasse pas de rapprochement...
Comment faire ? Je commençais à paniquer. J'en aurais presque eu de la fièvre pour de vrai. Je ne supportais plus les couvertures et j'étais assise sur mon lit, me tenant les genoux, recroquevillée comme craintive...
Une petite voix me disait que cela se terminerait mal... J'imaginais que si Maman découvrait ma combine avec le thermomètre et ma manoeuvre pour sécher le contrôle, j'avais du souci à me faire pour le bas de mon dos...
J'avais fait tout cela pour m'éviter une mauvaise note et la fessée qu'elle m'aurait value... Je n'allais quand même pas me retrouver sur les genoux de Maman avant même que le fameux contrôle n'ait été corrigé...
Il fallait donc réussir à duper Maman ce midi et le docteur plus tard. Je cherchais comment faire et je compris que la seule solution serait de pouvoir encore bidouiller le thermomètre...
Il était là, sur la table de nuit à côté des suppositoires, et je me souvins que Maman l'avait remis à zéro, en l'agitant devant moi...
Je vérifiai : c'était bien le cas. Je pigeai que la solution était de le faire remonter comme la veille et de le replacer au même endroit, quitte à faire croire à Maman que ce serait une prise de température normale quand elle viendrait vérifier.
C'était risqué mais jouable et je n'avais pas d'autres solutions crédibles. J'ai donc repris le thermomètre et l'ai mis sur le radiateur. J'avais la trouille et j'ai dû me reprendre à plusieurs reprises pour enfin le laisser à une température plausible.
Le premier essai marquait 41° et c'était impossible. Le deuxième 36°1, le troisième 40°5. A chaque fois je le ré-agitais pour faire redescendre le mercure, avec des sueurs froides du fait des risques encourus.
Je réussis enfin à le laisser afficher 38°4. Et j'ai reposé précisément l'instrument où Maman l'avait laissé. Restait à croiser les doigts, à m'ôter de la tête les mauvais pressentiments qui m'annonçaient une autre fièvre, mais sur les fesses. Finalement, cette matinée s'achevait sur une tonalité plus stressante qu'elle n'avait commencé...
Midi était passé de 15 minutes quand mes soeurs sont rentrées de l'école. Le déjeuner était presque prêt. La viande qui mijotait à petit feu dans la cocotte pouvait attendre que chacun ait fini avec ses occupations. Mes soeurs n'avaient qu'à vérifier leur cartable pour l'après-midi. Maman allait monter pour prendre ma température. J'avais répété la manoeuvre cent fois dans ma tête, pour rester bien calme.
C'est alors que le téléphone sonna...
(A SUIVRE)

3 commentaires:

  1. Savoureux épisode ! Vous savez ménager le suspense et tenir le lecteur en haleine. L'angoisse de Christine, succédant à son euphorie initiale, est bien rendue, crédible, et on imagine aisément son appréhension face au "quitte ou double" dans lequel elle s'est imprudemment fourvoyée, ses aller-retours furtifs du radiateur au lit, le ventre noué par la peur.
    Il n'est pas inintéressant non plus de voir Madame Spaak jouer son rôle de mère inquiète, prévenante, rassurante, attentive à la santé de sa fille, trouvant les mots et les gestes adéquats. Si le stratagème de Christine est éventé, la colère maternelle d'avoir été bernée, compatissante à tort, devrait logiquement aboutir à une fessée exceptionnelle, se démarquant des autres par sa longueur et son intensité.
    Nous verrons au(x) prochain(s) chapitre(s) si cette logique sera respectée.

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  2. Quelle fine feuilletoniste vous faites ! Interrompre le récit au moment où il bascule, laisser le lecteur haletant, fébrile d’impatience à l’attente de la prochaine livraison. Vous vous jouez de nous, chère Christine. Qu’annonce cette sonnerie du téléphone ?

    Nous savons tous qu’avant le soir Christine sera fessée ; la cause est entendue, l’affaire est pliée. Mais nous brûlons d’apprendre comment la ruse a été découverte, comment la jeune Sioux a été confondue, et quel moyen sa mère a trouvé pour qu’un souvenir vraiment cuisant reste associé à cette vilaine tromperie.

    Vite, vite, la suite
    François

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  3. Tous pressés... Moi, je l'étais moins.... Merci des compliments en tout cas...

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