jeudi 20 août 2015

Chronique d'un redoublement : 91. Ce qui c'était passé chez Babette et les raisons de son attitude

SUITE 90

Je me demandais bien pourquoi Babette avait adopté d'un seul coup cette attitude à mon égard. Même si je devinais aisément que la discussion entre Mme Vitez et Maman avait servi de déclencheur, de détonateur. Seulement, je ne savais pas exactement ce que la mère de Babette lui avait rapporté.

Dans mon imagination, le seul espoir était que Mme Vitez se soit convertie aux méthodes Spaak. J'y avais cru un instant, quand j'avais vu le regard noir de Babette en la retrouvant le lundi matin au collège.
Je me disais même que sa mauvaise note doublée d'un commentaire acerbe de la prof avait pu lui valoir un retour sur les genoux maternels, elle dont sa mère avouait qu'elle avait abandonné ce genre de sanction depuis la sortie du primaire.
Et, comme je l'ai dit précédemment, des images m'étaient venues à l'esprit, imaginant Marie-Elisabeth déculottée par Mme Vitez. Il est vrai que je n'avais aucun mal à imaginer la scène, puisque c'est ce qui me serait arrivée à coup sûr, si c'était moi qui avait ramené un carnet comme le sien à la maison...


Je me demandais le pourquoi de l'attitude de Babette...
J'en arrivais à espérer que sa mère se soit convertie
aux méthodes de la mienne...
J'imaginais aisément Mme Vitez lui régle son compte, comme Maman
aurait agi à coup sûr, si j'avais ramené le même carnet qu'elle...

De fait, cela ne s'était hélas (du moins pour moi) pas passé ainsi du tout, et j'en avais eu confirmation quelques jours plus tard, en écoutant à nouveau des confidences entre nos deux mères, qui se voyaient régulièrement dans la perspective du stand qu'elles allaient tenir à la kermesse des écoles.

Les premières allusions aux méthodes de Maman avaient été faites le soir même de la fameuse discussion des mères. Retrouvant sa fille à la maison, Mme Vitez lui fit remarquer qu'elle n'avait pas apprécié sa façon de lui répondre à la bibliothèque. Elle ajouta : "Tu as de la chance que je ne sois pas aussi sévère que Mme Spaak, sinon cela aurait bardé..." Babette avait haussé les épaules, plutôt incrédule... Sa mère lui avait alors lancé : "Tu ferais mieux de te méfier, tu sais, je ne plaisante pas et je pourrais revenir aux bonnes vieilles méthodes qui ont l'air de réussir avec ta copine Christine..."


Les menaces de Mme Vitez étaient explicites...
Babette n'en croyait pas ses oreilles...


Mme Vitez avait accompagné ces menaces d'un geste de la main, paume ouverte, qui évoquait au minimum des claques, et Marie-Elisabeth n'avait pas insisté. Mais, l'information n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde, bien décidée qu'elle était à chercher à en savoir plus, d'autant que Babette n'avait pas d'atomes crochus avec  moi, Christine, qui, forte de mon année d'avance, regardait un peu de haut les Sixième, avant que ces dernières ne me retrouvent comme redoublante de Cinquième...

Là où Babette en sut davantage sur les méthodes "spaakiennes", ce fut en ramenant son avant-dernier carnet de notes mensuel,  celui où j'avais décroché mon 16,5 en sciences naturelles et Babette un 3 sur 20, doublé d'une appréciation salée de la prof.

Mme Vitez découvrit ce résultat dont sa fille avait volontairement "oublié" de lui parler, sachant que le carnet arrivait et qu'il serait assez tôt pour pondre une explication à la gomme, et tenter de minimiser ce faux-pas.
La mère de Babette ne fut pas dupe des racontars de sa fille, ni du fait qu'elle n'avait, soit-disant, "pas pensé" à lui annoncer ce résultat trois ou quatre jours avant... 
Mme Vitez, énervée, avait lâché : "Franchement, tu cherches les ennuis, ma fille. Ne t'étonnes pas si tu es encore privée de télévision toute la semaine. Et je ne sais pas ce qui me retient de te flanquer une fessée en plus" !
Les derniers mots avaient résonné dans la pièce, comme un coup de canon. Mme Vitez s'était surprise elle-même, et elle regrettait presque ses paroles en voyant les yeux écarquillés de sa fille, incrédule. Elle hésita même quelques secondes, prête à faire machine arrière, prête à revenir sur ses menaces, ou à en ressortir par une pirouette...
Mais, alors que sa mère cherchait ses mots, Babette, elle, joua l'indignée au lieu de faire profil bas...
Elle rétorqua : "Pff, tu dis n'importe quoi. Ca va pas la tête ?"
C'en était trop, Mme Vitez ne pouvait laisser sa fille répondre ainsi, au risque de se faire marcher dessus à l'avenir. 
Elle cria : "Marie-Elisabeth !" le prénom entier qui accompagnait les échanges les plus sérieux. Sa fille releva la tête, lui faisant face, et Mme Vitez lui décocha un aller-retour de gifles cinglantes, là encore se surprenant elle-même.

Babette prit les claques sans avoir le temps de se protéger, d'autant qu'elle ne s'y attendait pas. Interloquée, le souffle coupé, elle éclata en sanglots et fila dans sa chambre sans demander son reste. Elle en referma même la porte en la claquant plus ou moins, ce que Mme Vitez décida d'ignorer, là où certainement une Maman Spaak aurait monté derrière sa fille pour corriger sur le champ ce geste d'humeur...


Giflée d'un aller retour sévère auquel elle ne s'attendait pas,
Babette en larmes s'était réfugiée dans sa chambre,
claquant la porte derrière elle, ce qu'une Maman Spaak n'aurait jamais
laissé faire, mais que Mme Vitez fit semblant de ne pas entendre,
déjà consciente d'avoir sévi plus que d'habitude...


Mais, déjà, pour la mère de Babette, ces deux claques lui semblaient un pas en avant dans la reprise en main de sa fille.

Cela avait en effet calmé, au moins le temps de la soirée, ma camarade de classe, qui était restée pleurer dans sa chambre, ne réapparaissant que lorsque sa mère l'avait appelée pour le dîner. Le sujet n'avait pas été abordé à table, Mme Vitez se félicitant de voir sa fille ne pas faire d'histoire.

C'est en venant lui dire bonsoir à l'heure du coucher, que mère et fille eurent une conversation à propos de ce qui s'était passé. Babette voulait se faire consoler, voire plaindre. Mme Vitez, même si elle se posait des questions au fond d'elle-même, garda ce cap de sévérité retrouvée, expliquant à sa fille : "Et si tu recommences, c'est de tes fesses que je pourrais m'occuper". On était déjà passé du futur au conditionnel, de la promesse à la possibilité, mais cela impressionna pourtant Babette qui protesta : "Même pas vrai, je suis trop grande !"

La réponse de sa mère allait indirectement me causer bien des soucis par ce qu'elle révélait à ma camarade de classe : "Trop grande, toi ? A ta place, je me méfierais. Ce n'est en tout cas pas ce que pense la maman de Christine, qui lui donne encore la fessée quand c'est nécessaire. Et à ce qu'elle dit, ce n'est pas si rare que ça..."
Babette, qui avait déjà eu vent de rumeurs de ce genre me concernant, continua à jouer les incrédules, histoire d'en savoir plus : "Tu dis ça pour me faire peur. Je suis sûre que tu exagères".  Alors Mme Vitez en rajouta, d'autant plus que, au fond d'elle-même, les méthodes de Mme Spaak sans aller jusqu'à justifier, minimisaient toutefois les gifles données à sa fille, et dont elle se demandait si elle avait eu ou non raison d'agir sur le coup de la colère.

Elle fut claire : "Non, je n'invente rien. Sa Maman me l'a dit devant elle et Christine ne l'a pas contredite. En tout cas, Mme Spaak ne laisse rien passer. Chaque colle ou chaque mauvaise note, et c'est la fessée. Apparemment, cela donne des résultats. Méfie-toi quand même, que je ne m'y mette pas à mon tour..."


Mme Vitez eut une longue discussion avec sa fille au moment du coucher,
justifiant sa sévérité revenue (mais relative) en confiant à Babette
ce qui se passait pour Christine et ses soeurs...
Autant de confidences qui ne tombèrent pas dans l'oreille d'une sourde...

Ne sachant pas si sa Maman était totalement déterminée, et échaudée par la paire de gifles reçue, Babette promit à sa mère de travailler, de ne plus répondre, etc., etc. 
Mme Vitez constata quand même avec intérêt que deux claques avaient suffi pour ramener sa fille à de meilleurs sentiments. Mais, en même temps, elle se sentait gênée d'avoir dû recourir à la force. Et c'est comme pour se justifier qu'elle avait bien expliqué à Babette que cela aurait pu être pire, détaillant l'exemple des méthodes de Mme Spaak pour faire comprendre qu'elle s'en sortait plutôt bien avec deux gifles, là où la mère de sa camarade n'aurait pas hésité à recourir à la fessée...
Vu du côté de Babette, dans son for intérieur, il était clair que c'était moi, Christine, qu'elle rendait quelque part responsable d'avoir déjà pris deux claques. et de s'être faite menacer de pire... 
Et c'est en y pensant, en imaginant comment Maman devait s'occuper de mes fesses, "à chaque mauvaise note, à chaque colle", comme Mme Vitez l'avait révélé, que Babette s'endormit, bien décidée à en savoir encore plus et à s'en servir pour se moquer de moi... 


Cela tourna longtemps dans la tête de Babette... Alors, Christine, celle qui 
jouait les grandes l'an passé, celle qui la prenait parfois de haut,
Mademoiselle Christine Spaak filait droit à la maison et, en plus,
elle récoltait une bonne fessée de sa Maman, "à chaque colle, 
à chaque mauvaise note" ! 
Babette imaginait le tableau et pensait déjà :
"Ah, quand les copines vont savoir ça..." !


A son tour donc, Babette pouvait imaginer comment on réglait le compte des indisciplinées ou des fainéantes dans la maison Spaak... A cette différence près que chez nous, ce n'était pas de l'imagination, mais bien notre lot au quotidien... Et Babette avait là bien des éléments pour me mettre plus que mal à l'aise... 


A SUIVRE 


10 commentaires:

  1. Mardohl et Dominique sont attendus au parloir, hi hi...
    Du moins, aimerais-je lire leurs commentaires...
    Merci d'avance !
    Christine

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  2. Dans ce chapitre, vous opérez au procédé littéraire bien connu de « mise en abyme ».
    Je m’explique : d’ordinaire, Christine, par ses aveux, nous fait entrer dans l’intimité de la famille Spaak, notamment en ce qui concerne les fessées maternelles. C’est comme si elle en chuchotait la confidence à son lectorat privilégié, alors que (contrairement à sa mère qui ne s’en prive pas), elle s’efforce de n’en laisser sourdre aucune allusion dans son entourage.
    Or, dans cet épisode, au contraire, c’est Christine elle-même qui, par le biais des propos éducatifs tenus entre les deux mères, pénètre dans les détails les secrets de la maison Vitez, et, de narratrice, se mue à son tour en spectatrice d’une scène familiale privée. (Elle parvient même à reconstituer certaines habitudes domestiques, comme par exemple le fait que Madame Vitez apostrophe sa fille par son prénom entier pour la remettre à l’ordre.)
    Hélas, le bénéfice pour elle en demeure nul, et le résultat s’apparente pour elle à un scenario catastrophe. En effet, non seulement Babette n’a pas reçu la fessée (ce qui l’aurait empêché de se moquer de Christine sur ce point, Christine pouvant lui rendre la pareille) mais conformément à ce que vous craigniez, Madame Vitez lui a détaillé l’intégralité des méthodes spaakiennes, ce qui donne à Babette toutes les armes pour ruiner la réputation de son antagoniste.
    Aussi, cette simple paire de gifles, que Christine aurait encaissée comme un moindre mal, risque de peser lourd sur sa destinée, car elle constitue pour Babette un camouflet inaccoutumé, et, sachant sa camarade indirectement responsable, elle sera bien tentée de s’en venger sur elle. (Ce qui revient au genre de monologue interne que j’avais esquissé dans un précédent commentaire : « C’est à cause de cette fille de prolétaire que maman a osé lever la main sur moi. Elle va me le payer cher. Toute la classe va savoir qu’elle se fait déculotter devant ses petites sœurs. »)
    On pourra allègrement comparer le système éducatif des deux familles, Madame Vitez culpabilisant pour deux simples claques, dans un cas de figure où Madame Spaak n’aurait pas hésité à se fendre d’une fessée. Je souligne également la réaction de déni insolent de Babette face à l’explicite menace maternelle : « Ça va pas la tête ? » ou « Même pas vrai, je suis trop grande », qui montre bien que, dans son esprit, la fessée est assimilée à une punition enfantine, dont son âge l’exonère, mais dont celles qui la reçoivent encore doivent être marquées du sceau de l’infamie.

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  3. Toujours pas de nouvelles de Dominique ? Bouderait-il ? Ne trouverait-il plus mon blog intéressant ? A moins que ce ne soit les effets des vacances, et qu'il se réserve pour la rentrée qui approche... Je l'espère bien. Même si Mardohl est revenu (momentanément) en force, je préfère avoir deux commentateurs et analystes patentés qu'un...

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  4. Petite précision par rapport au commentaire de Mardohl. Je ne pense pas que Babette ait pu parler de prolétaire ou jouer d'une différence sociale. Il n'y en avait guère entre nous, toutes issues d'une petite bourgeoisie de province. Il y avait bien une ou deux filles de docteur et une fille d'architecte qui étaient ouvertement aisées, mais entre les Vitez et nous, ce n'était pas flagrant comme différence.
    Pour l'emploi du prénom ou du diminutif, c'était fréquent, même chez nous. Moins pour Diane et moi qui n'avions pas de diminutif particulier, mais Aline par exemple était appelée Alinette quand tout allait et ALINE !!! quand cela allait barder.
    De même, parfois, Mlle Paule, ma bête noire de prof d'anglais, avait tendance à m'appeler Christine en temps normal, alors que je tendais le dos quand elle commençait une phrase par "Mademoiselle Spaak" ! Cela a souvent signifié une mauvaise note, un mot à faire signer, ou deux heures de colle, dont je savais que cela entrainerait une chaude réception à la maison ponctuée par une fessée maternelle...

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  5. Chère Christine,

    « Coucou me revoilou !». Non je ne boudes pas et votre blog est toujours aussi intéressant, il se trouve simplement que j'ai eu la chance de pouvoir bénéficier de longues vacances (congés non pris et récupérations cumulées, comme mes amis des Dom-Tom) en compagnie de mon fils donc j'ai profité un maximum, en délaissant quelque peu votre blog (simple consultation) je l'avoue humblement.
    J'ai donc pu voir que mon compère Mardohl avait pris le relais et je l'en remercie. Bien entendu je sais que vous préférez les commentaires aux excuses d'absences, mais de par mon éducation, je me devais de le faire.

    Sinon, au sujet des épisodes, ayant interrompu ma prose au n° 84, je m'interroge sur la nécessité d'un retour en arrière dont vous n'êtes pas très friande, même si je sais que venant de mon compère ou moi-même cela ne vous dérange et que l'abondance ne nuis pas, je sollicite votre avis ?


    Amicalement, Dominique

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  6. Voilà une bonne nouvelle. Heureuse que Dominique soit de retour. Je commençais à désespérer, même si la prose de Mardohl m'a beaucoup apporté. Mais, en enfant gâtée que j'étais parfois, de par Mamie surtout, je préfère deux commentateurs à un seul, surtout que les deux ont chacun leur registre.
    Cela dit, comme je dois m'absenter une dizaine de jours, pour une formation assez pointue, j'espère lire nombre de commentaires nouveaux à mon retour. Et, n'hésitez pas, Dominique, à retourner en arrière. Ne serait-ce que pour quelques phrases ou un détail qui vous semble digne d'être souligné. Merci d'avance.

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  7. « Dans ce chapitre, vous opérez au procédé littéraire [...] ». Erreur lexicale : j'aurais dû écrire « Vous recourez au procédé littéraire [...] ».
    Sinon, je note qu'il n'y a pas lutte de classes entre Babette et vous. (Mais je note, excusez la taquinerie, l'absence de toute figure paternelle, chez les Vitez comme chez les Spaak.)
    Pour l'heure, je vous souhaite une bonne formation, et attends avec une impatience que vous n'imaginez que trop, la suite de vos mésaventures.

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  8. De retour sur la toile. Je vais me remettre à écrire la suite la semaine prochaine. J'espérais quand même un peu plus de commentaires durant mon absence...
    Alors, Dominique, j'avais pourtant donné mon feu vert pour des commentaires, même sur des épisodes précédents...
    Je rassure Mardohl, qui se veut taquin, il y avait bien un papa chez Babette, mais je n'étais pas chez elle, et c'est bien Mme Vitez qui était en relation fréquente avec Maman.

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  9. Chère Christine,

    Désolé, Christine, la reprise a été plus difficile que prévue (pleine campagne de production) et le temps m'a manqué pour les moments de détente, mais je vous promets un rattrapage dans les jours à venir.
    Et avec l'annonce sur la suite, Madame Christine enfile la casquette de professeur en me collant une punition pour devoirs non rendus, pas sympa la prof ! Ma seule consolation étant que Maman n'est plus là, pour en rajouter si vous voyez ce que je veux dire (boutade Dominicaine, bien sur)


    Amicalement, Dominique

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  10. Vous avouerez, Dominique, que cette longue période sans la moindre production n'aurait pas été tolérée à une certaine époque...
    Et, vous avez su, comme Mardohl, parfois en jouer pour me prédire quelques "réchauffements lunaires" si ma chère mère avait eu vent d'un tel laisser aller de son aînée...
    J'ai donc moins de scrupules à en jouer à mon tour en prenant pour une fois la casquette de la prof qui vous aurait averti qu'elle allait en avertir votre mère toujours là bien sûr dans cette hypothèse...
    Je ne doute pas que, comme moi, en une situation similaire, vous auriez immédiatement deviné que votre retour au domicile familial allait être douloureux...
    Je pense même que Dominique aurait compris qu'il n'avait plus qu'à "préparer" ses fesses...
    En espérant que cette perspective angoissante va amener cette fois ledit Dominique à tenir ses promesses de "rattrapage" les jours prochains, hi hi...

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