mercredi 18 avril 2012

Chronique d'un redoublement : 32. Quand l'aveu se fait attendre...

SUITE 31

Que faire ? Il était midi cinq, il fallait rentrer déjeuner à la maison. Je me sentais bouleversée, et je n'arrivais pas à remettre mes idées en place, à trouver des arguments pour présenter au mieux ce qui venait de m'arriver.
Je me suis assise un instant dans la cour, angoissée, paralysée. Comment lui dire ? me demandai-je. Sans réponse, il restait le conseil de la petite voix : "Ne t'affole pas, Christine, gagne un peu de temps. Tu sais bien qu'à midi, c'est un peu la course à la maison. Attends-ce soir pour en parler..."
C'était plus pratique en effet... Je sortis le carnet de correspondance et le laissai dans le casier avec les livres dont je n'avais pas besoin, et je repartis vers la maison. Pas très rassurée, en me demandant si j'allais pouvoir cacher mon trouble, comme je savais le faire plutôt bien l'année précédente.


J'étais en retard d'une dizaine de minutes en arrivant à la maison. En chemin, la voix sérieuse avait repris le dessus, et j'étais quasiment décidée à dire une partie de la vérité, à avouer que j'avais été punie en anglais, mais en donnant une version édulcorée, histoire de préparer le terrain, et de ne montrer le carnet de correspondance que le soir-même...
En fait, ça tournait dans ma tête, et j'étais vraiment hésitante.
Entrant à la maison, Maman et mes soeurs n'attendaient que moi pour passer à table. Elles étaient toutes les trois au salon, et cela me bloqua. Mieux valait un moment calme pour m'expliquer en tête à tête...


"Tu n'es pas en avance, Christine. Allez, on passe à table", lança Maman, sans me demander la raison, et je pus donc d'autant mieux cacher la nervosité qui m'étreignait...
Dès le déjeuner fini, je filai dans ma chambre, passer la petite demi-heure qui restait avant que je doive repartir. Je fis semblant de travailler à réviser mes leçons, et j'évitai les interrogations maternelles.
J'étais finalement assez heureuse d'avoir gagné quelques heures, et l'après-midi étant consacrée à deux heures de sport et une heure de dessin, je tentai de ne plus trop penser à ce qui m'attendait...
L'angoisse repartir de plus belle quand je dus retourner à la maison à la fin des cours...
A nouveau, ma petite tête bourdonnait, une partie cherchant les mots que j'allais employer pour avouer mon acte d'indiscipline, l'autre me disant que j'avais déjà gagné du temps à midi, et que rien ne pressait. Surtout à l'aube d'un week-end de quatre jours...



En même temps, j'avais envie de soulager ma conscience, j'aurais voulu que tout cela soit à conjuguer au passé, déjà... Sauf que cela signifiait, et il n'y avait pas le moindre doute, que j'allais prendre une fessée magistrale... Et, cette perspective a de quoi modérer les ardeurs d'une demoiselle qui aimerait être franche, mais en devine les conséquences...

Si à midi, j'étais arrivée après mes soeurs, ce soir-là, j'étais la première à la maison, même si je me doutais qu'elles ne tarderaient plus.
Demeurait toutefois un créneau de quelques minutes où j'étais seule avec Maman. La petite voix de la franchise me poussa à en profiter. J'allai donc poser mes affaires dans ma chambre et me dis que je devais aller tout dire sur le champ.
Je descendis et rejoins Maman qui était assise sur le canapé du salon. Je restai dans l'entrebaillement de la porte, hésitant encore. Elle leva la tête et dit : "Ton goûter est dans la cuisine, ma chérie."
Je restai immobile un instant, avec les premiers mots de l'aveu sur le bout des lèvres, mais rien ne sortit. Maman releva à nouveau la tête et demanda : "Tu ne vas pas goûter, Christine ? Tu as quelque chose à me dire ?"
Je balbutiai : "Euh, oui, euh..." Cela allait sortir, mais je me ravisai et je m'entendis dire : "Euh, oui, euh, oui, oui je vais goûter", tout en tournant déjà les talons.



La tempête reprit dans mon crâne, et je m'en voulais d'avoir hésité. Mais, une image m'avait bloquée. Quand elle avait relevé la tête, j'avais baissé la mienne, prête à l'aveu, mais mon regard s'était fixé sur les genoux maternels qui semblaient me dire : "Je t'attends", sur la main droite de Maman posée sur le canapé et que j'imaginais déjà me rougissant le bas du dos...
Je ne pouvais me faire à cette idée qu'il "fallait" que j'avoue ma faute, et qu'en même temps cela m'entrainerait sans coup férir justement là, précisément, sur ses genoux...

Cinq minutes plus tard, les petites arrivaient. Le soir, Maman allait les accompagner à une répétition de leur spectacle de danse. Le week-end allait être long, il n'y avait donc pas d'urgence à faire les devoirs. Et, même si elle avait certainement senti mon malaise, Maman n'y revint pas.





On put donc dîner tranquillement, l'ambiance étant plutôt détendue, et comme elle s'absentait avec les petites durant une heure et demie après le repas, Maman me laissa seule, "comme une grande". Avec simplement le numéro de téléphone de Tata Jacqueline, en cas de problème, et en ayant prévenu la voisine d'en face pour qu'elle ne s'étonne pas.

J'en profitai pour regarder la télévision et tenter de penser à autre chose. La consigne était que je me mette au lit à dix heures du soir. Ce que je fis, à un quart d'heure près, tenant à montrer l'image d'une fille obéissante et à qui on peut faire confiance...



Maman était satisfaite. Elle coucha les filles, et vint me dire "bonne nuit". Un moment de douceur que j'appréciais. J'hésitai un instant à me confier en profitant de cette ambiance apaisée, mais je n'en fis rien, laissant Maman me faire deux grosses bises et m'étreindre avant de me laisser dormir.


Quand elle repartit de ma chambre, elle éleva la voix contre mes soeurs qui étaient très excitées par leur soirée, et Maman dut menacer de s'occuper de leurs fesses pour obtenir le calme.
Finalement, cette journée qui avait été marquée par l'épisode de mon inconduite en anglais, s'achevait dans le calme.
J'avais moitié conscience que ce n'était pas bien d'avoir caché la vérité. Mais, du moins, venais-je de passer une soirée paisible...
J'avais été traitée comme une grande, profité de la télévision toute seule, et Maman venait de câliner son ainée pour qu'elle dorme bien.
"Allez, demain, il fera jour", susurrait la petite voix tentatrice. C'est déjà un peu de tranquillité de gagné...
Et, c'est vrai, qu'en pensant à ce carnet de correspondance que j'avais au fond de mon cartable, cette soirée calme était inespérée...
Sûr que si j'avais avoué, j'aurais été privée de télé, mais s'il n'y avait eu que cela... Sûr que Maman se serait fâchée. Aurait-elle agi avant le dîner comme l'autre fois, après le repas, pendant que mes soeurs se préparaient, ou au retour de la répétition ?





Je n'avais pas envie de savoir, mais les hypothèses tournaient, et je n'arrivais pas à empêcher mon imagination de travailler. En tentant de trouver le sommeil, chacune me revenait. Je revoyais les genoux de Maman qui m'avaient bloquée dans ma volonté de franchise, je m'y voyais allongée, je m'y voyais déculottée, je m'y voyais les fesses écarlates...
Des images, des sensations troublantes, mais d'un autre côté, j'avais encore le bas du dos épargné, je n'avais pas eu à attendre en tremblant que Maman vienne régler ses comptes. Ce n'est pas Mlle Paule qui avait décidé de mon emploi du temps. J'avais quelque part "gagné" du temps.
Je savais bien qu'il faudrait y passer, que la fessée m'attendait. Mais, c'était comme un secret que je gardais pour moi. C'était mon secret, "ma" fessée, et tout compte fait je ne regrettais pas vraiment que la petite voix tentatrice ait eu le dessus !

A SUIVRE

4 commentaires:

  1. Chère Christine,

    Comment ne pas être inspiré par cet épisode, décrivant avec justesse (comme d'habitude) les phases et le cheminement angoissant, parsemé d'embûches, d'une jeune écervelée devant faire l'aveu de son forfait à sa Maman, dont elle connaît l'issue inéluctable et qu'elle redoute.

    Anéantie, le cerveau bouillonnant de pensées conflictuelles, partagé entre 2 voix générant une confusion sur l'attitude à adopter (aveu ou faux-fuyant) la demoiselle s'interroge et hésite, car sur le principe elle dispose de trois choix aux conséquences fessesques plus ou moins denses :
    1) Aveu spontané et total = Fessée magistrale, certainement différée pour la soirée.
    2) Aveu enrobé (à midi) = Fessée du soir, tournant à la tannée pour motif incomplet.
    3) Faux-fuyant = Fessée retardée et 'gérée' avec le risque d'être démasquée et au final, tannée redoutable garantie pour mensonge et tromperie.

    Cet enjeu étouffe notre narratrice qui n'est pas aidé, dans sa prise de décision, par les éléments extérieurs :
    Temps compté au déjeuner, aucune question maternelle.
    Week-end prolongé
    Libérée sa conscience, mais à quel prix !
    Attitude maternelle évocatrice de moments douloureux
    Retour des petites
    Satisfaction maternelle envers sa grande fille pour la soirée et moment de tendresse au coucher
    Tout ceci pousse notre conteuse vers la solution de tranquillité, ne voulant pas gâcher une soirée sereine et l'imaginaire toujours en ébullition, celle-ci vivant par anticipation des sensations qu'elle connaît parfaitement, mais satisfaite d'avoir encore ses fesses immaculées et finalement contente du répit accordé par cette petite voix, sachant secrètement qu'une tannée l'attendait.

    Compte tenu de ce choix fait par Christine, plusieurs questions me brûle les lèvres :
    Sera t-elle démasquée ?
    Attendra t-elle la fin du week-end pour avouer ?
    Libérera t-elle sa conscience, sous le poids de la pression ?
    Comme on-dit, suite au prochain numéro, dont j'imagine qu'il sera aussi délicieux que les précédents et m'inspirera, ainsi que les autres lecteurs.

    Amicalement, Dominique.

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  2. ENCORE UNE CONTRIBUTION ENVOYEE PAR MARDOHL :

    Nous vivons plus que jamais en direct-live le débat interne entre les sous-personnalités contradictoires de Christine, qui luttent et se font entendre tour à tour pour accélérer ou retarder l’aveu.

    Mais la crainte de ce qu’implique la réelle réalité (sic) d’une fessée magistrale, tend à étouffer la voix de la raison. Et dans cette excellente scène de focalisation, l’image des genoux et de la main droite de Madame Spaak, véritables instruments du châtiment auquel Christine se sait promise, bloquent l’aveu dans sa gorge. (Tout comme l’évocation crue de la chiourme, du carcan, de la chaîne au pied fait hésiter Jean Valjean à se dénoncer pour sauver du bagne un innocent condamné à sa place.) Cette défaite temporaire de la sincérité face à la « matérialité » (ou devrais-je écrire « corporalité » ?) de la fessée, souligne une fois encore la vulnérabilité de la narratrice, qui pour effrontée qu’elle puisse être en classe, n’en redevient pas moins, à l’heure de payer les pots cassés, une petite fille inconséquente tremblant pour ses fesses.

    Du coup, et pour ce premier soir, la petite voix tentatrice a repris le dessus : Christine a caché sa bêtise, ce qui lui a permis de passer une soirée tranquille, ce qu’elle ne regrette pas, fière sans doute d’avoir son destin en main... du moins pour un délai de quatre jours. (Sa situation n’est-elle pas comparable à celle de Tintin, à qui, dans « Le Temple du Soleil », l’Inca laisse choisir la date et l’heure de son exécution sur un bûcher ? Las, je doute que dans votre histoire, une éclipse de soleil ne vienne inopinément sauver notre héroïne d’une sévère brûlure postérieure !)

    Il reste donc à notre punie en puissance quatre jours pour l’être en acte. Voyons à quel moment elle va se décider. Je ne sais si vous sollicitez sur ce point l’avis du public, voire invitez votre lectorat au pronostic, mais d’après moi, elle ne se décidera qu’au soir du quatrième, après avoir passé un week-end prolongé dans l’angoisse. Et peut-être même que Madame Spaak lui fera payer si cher la rétention de son carnet de correspondance, que Christine regrettera, cette fois, d’avoir, contrairement à la dernière occurrence, attendu le dernier moment.

    Nous aurions ainsi droit, par un jeu de symétrie, à des considérations inverses de celles du précédent chapitre. Alors que Christine à ce moment-là avait jaugé tous les inconvénients d’un aveu précoce, on la verrait cette fois mesurer, les fesses écarlates d’une tannée exceptionnelle, tout ce qu’il en coûte de trop tirer sur la corde. Peut-être en viendra-t-elle à quêter désormais un juste milieu...

    Mais je ne m’étale pas davantage dans mes réflexions personnelles et attends de savoir si mes prédictions s’avèrent fondées ou non. Et dans tous les cas, même celui d’une évaluation erronée, je ne vous en lirai pas moins avec attention et plaisir.

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  3. Bonjour Christine,

    Coucou me revoilou ! C'est un vrai plaisir de lire vos récits, ainsi que les excellents commentaires de vos lecteurs, en particulier Dominique et Mardohl.

    Cette position ambiguë que vous évoquez est bien connue pour ceux et celles qui savent que cette inconduite scolaire les mènent tout droit vers une déculottée parentale (règle de la double peine), d'où l'hésitation et la tentation de garder le silence pour retarder l'échéance, voir même y échapper à la faveur de circonstances positives incitant l'autorité à la clémence, accordant un sursis exceptionnel sur l'instant et promesse d'exécution immédiate au prochain écart.

    Dans votre cas, on imagine aisément que la précédente incartade très récente et encore présente dans les esprits ne peut favoriser votre défense face à une mère considérant alors que la leçon n'a pas été retenue et doit donc faire en sorte que cette fois-ci, sa fille comprenne le message.

    Consciente de cela, l'aveu n'en est que plus difficile et le déroulement de la journée va faire pencher la balance vers le voix tentatrice du silence, épargnant ainsi vos rondeurs de la dextre maternelle, et ceci durant 4 jours peut être ? Mais certainement pour un résultat plus funeste.

    Car, embarquée comme vous l'êtes, je crains réellement pour vos fesses lors de la confession qui risque fort de connaître une flambée exceptionnelle et sans commune mesure à ce jour, vous donnant l'occasion de comparer entre l'aveu et le silence.

    Désolée Christine, pour ce mauvais présage, mais si je m'en réfère à ma propre expérience sur le sujet où la douleur du moment surpassait, mes ressentis habituels, accompagnée d'une brûlure insupportable et persistante pour mes fesses, je vous vois donc mal partie dans cette affaire.

    Cordialement, Sonia.

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    1. bjr sonia

      moi j avais une mere impitoyable et sans concession pour les mensonges et les cacheteries des notes scolaire moi pour une telle histoires mes fesses serais sur ecarlates et brulante de douleurs
      tres coordialement
      daniel

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