mardi 17 avril 2012

Chronique d'un redoublement : 31. Un petit geste aux grosses conséquences

SUITE 30

Cette fessée pour la première colle de l'année m'était restée en travers de la gorge, si j'ose dire. Non pas du fait que j'ai récolté une déculottée maison pour mon inconduite en classe, car je n'avais aucun doute là-dessus. Je savais bien qu'en ce début d'année de redoublement, tout ce qui toucherait à l'indiscipline serait puni de la sorte. Maman avait été assez claire sur le sujet, et l'application de la méthode pour les deux premières mauvaises notes ne me laissait aucune illusion sur la réaction maternelle pour un motif qu'elle supportait encore moins que les mauvais résultats.
Avec Maman, on avait parfois le droit à l'erreur sur un devoir mal compris, mais pas question de tolérer chahut ou indiscipline en classe...
Non, cette fessée me laissait un goût amer, du fait que je n'avais rien pu faire pour éviter un timing qui s'était avéré très pénible pour moi.
Oui, bien sûr, le fait d'avouer d'entrée avait diminué mon angoisse, mais cela avait aussi précipité mon rendez-vous avec les genoux maternels...


La fessée reçue avant le dîner, l'avait été certes dans le huis clos de ma chambre, mais le fait de devoir ensuite redescendre, retrouver mes soeurs et la table familiale, moi en chemise de nuit, infantilisée, le visage défait, et cherchant à cacher ma gêne, ma honte, avait été un moment auquel j'aurais tellement donné pour pouvoir y échapper.
Et, en moi, la petite voix tentatrice me répétait : "si tu avais attendu la fin du repas pour parler de ta colle, tu aurais au moins évité cette scène, et le regard de tes soeurs te voyant veiller à ce que la chemise de nuit ne remonte pas, ou leur sourire quand elle voyait que tu gigotais sur ta chaise, imaginant que tes fesses endolories t'empêchaient de t'asseoir confortablement".
J'étais de plus en plus tiraillée entre la prise de conscience que je me devais d'être franche, et le constat que parfois il pouvait y avoir moyen d'arranger les choses, de jouer un peu avec la vérité, ne serait-ce qu'un temps... Et, si j'étais moins portée sur le mensonge cette année, je ne m'en souvenais pas moins que bien des fois, j'avais réussi à gagner du temps sans conséquence funeste, un mensonge n'étant à mon idée réellement un mensonge que si il était découvert...
Un autre élément me faisait aller en ce sens, c'est que le jour de l'arrivée du bulletin de colle, cinq jours après mon aveu, qui m'avait valu cette fessée magistrale d'avant diner, j'avais aussi ramené deux bonnes notes, et j'avais en moi l'idée que si j'avais attendu, peut-être que les bonnes notes auraient compensé une partie de l'effet de la colle, et que Maman aurait peut-être été moins sévère... On peut toujours rêver !


 Il se passa quinze bons jours, sans la moindre alerte. Je ramenai même quelques notes satisfaisantes, et c'est vrai que je commençais à me dire que cette année de redoublement allait être plutôt tranquille, puisque j'avais déjà assimilé une bonne part des leçons.
Restait bien sûr à obtenir des notes en hausse sensible par rapport à l'année précédente, mais la classe n'étant pas d'un niveau exceptionnel, j'étais au dessus de la moyenne sans forcer.
Seul inconvénient de cette relative facilité, je pouvais avoir tendance à m'ennuyer, à bayer aux corneilles, voire à me laisser aller à bavarder ou même chahuter.
Je faisais attention, mais la tentation était forte. Surtout que mon statut de redoublante faisait de moi une fille un peu à part dans la classe. J'avais déjà réussi à me mettre certaines des élèves dans ma poche, en les aidant parfois. J'avais aussi, à l'inverse, deux ou trois filles, que je regardais de haut l'année précédente, et qui avaient envie cette année de me le faire payer.
Les petites bagarres en douce ne manquaient pas, style tirage de cheveux ou croche-pied, mais je veillais à les régler sans me plaindre, ma réputation de chahuteuse de l'année précédente jouant contre moi.


Cela dit, je n'avais pas qu'une "réputation" théorique, je savais aussi amuser la galerie en vrai. Cela devait me jouer un mauvais tour en cours d'anglais, le cours de Mlle Paule, celle qui avait été mon cauchemar l'an passé, et que je retrouvais malheureusement pour une année de plus.
J'avais conscience que je devais faire attention encore plus qu'ailleurs, et j'étais donc plus assidue, travaillant mieux que l'année précédente.
Mlle Paule me notait sans me faire de cadeau, m'ayant à l'oeil. Toutefois j'étais en ce premier trimestre dans le tiers ou quart supérieur de la classe, ce qui m'enchantait, mes souvenirs de Mlle Paule étant jusque là si souvent associées à une série de fessées mémorable.
Ce vendredi-là était veille d'un week-end de quatre jours, en raison du 11 novembre ou de la Toussaint, qui devaient tomber un mardi. Mlle Paule, lors de la dernière heure de cours de la matinée, rendit les copies d'un contrôle. J'étais parmi les meilleures, avec un 13,5 sur 20.
Mais, alors qu'elle félicitait les filles ayant eu entre 13 et 16, elle me donna ma copie, en faisant la fine bouche : "Correct, Christine, mais une redoublante devrait avoir au moins 15 sur des exercices aussi simples".
Ravie quand elle avait énoncé ma note, sa remarque m'avait douchée. Et, comme elle se trouvait à remonter vers le tableau, je lui avais tiré la langue dans son dos, provoquant l'éclat de rire de la moitié de la classe qui pouvait me voir...
Se retournant brusquement, elle se trouva en face d'une classe à moitié hilare, alors que, me sentant prise, je m'étais figée dans un air sérieux qui détonnait totalement. J'aurais ri comme les autres, elle n'aurait rien vu. En tentant de reprendre une attitude normale, je signais mon forfait.
Et, comme, interrogeant la classe, il y eut une bonne âme pour cafarder que Christine avait fait des grimaces, je tombais de haut...
"Christine, vous me donnerez votre cahier de correspondance à la fin du cours. Je vais y mettre un petit mot. Et vous aurez deux heures de colle en prime !", lança-t-elle devant une classe qui fit "Oh" à cette annonce.
A la sonnerie, je restai avec Mlle Paule qui avait son petit air revêche que je lui connaissais bien. Elle ne fit guère de commentaires, mais se lâcha davantage par écrit.
En me tendant le cahier de correspondance, elle me dit : "Bien sûr, Christine, c'est à ramener signé au prochain cours. Votre Maman voulait que je lui donne régulièrement des nouvelles. Je ne suis pas sûre avec ce mot que je lui écrit, que vous réussissiez à la faire rire comme vous avez distrait vos camarades, mais vous n'avez qu'à vous en prendre à vous-même, et je ne doute pas que votre mère saura vous ramener à une meilleure attitude..."



J'ai pris le cahier, et suis sortie tête basse. Il fallait rentrer à la maison pour déjeuner. Arrivée près des casiers où on laissait nos affaires, j'ai ouvert le cahier de correspondance pour lire le mot de Mlle Paule. J'avais le coeur qui battait en lisant : "Christine semble reprendre ses mauvaises habitudes. Elle préfère amuser ses camarades en faisant le clown derrière mon dos que de travailler sérieusement. Je lui donne donc deux heures de colle, en espérant un sursaut rapide et une tenue exemplaire à l'avenir."

 Je relus deux fois le mot de Mlle Paule. J'étais au bord des larmes. Venant d'elle surtout, ce mot serait pris très au sérieux par Maman. Alors que j'étais heureuse de ma note de contrôle, en quelques secondes, je venais de chuter dans les profondeurs du désespoir. Deux semaines et demie après la première colle, cette deuxième, à nouveau pour un motif de discipline, me dirigeait tout droit vers un sort inéluctable. Ce n'était pas simplement un mot d'une prof mécontente, c'était comme un ticket gratuit pour un rendez-vous avec la dextre maternelle, un bon pour une fessée magistrale, ni échangeable, ni remboursable.
Nul ne le savait encore, même si je suppose que Mlle Paule s'en doutait, mais déjà, moi, je n'avais plus que cela en tête. Ces quelques mots me disaient : "Christine, tu peux préparer tes fesses..."
A SUIVRE

8 commentaires:

  1. ah vos récits me manquaient tellement toujours un tel plaisir que de vous lire merci Christine pour tous ces moments que vous savez nous faire partager et que nous lisons avec déléctation,j'espère que la suite est pour très bientôt

    au plaisir de vous lire

    petitelylye

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  2. Chère Christine,

    Charmante conteuse qui raisonne à nouveau sur cet aveu, considérant que celui-ci la conduit prématurément vers cette déculottée inévitable pour un motif disciplinaire que Maman ne tolère plus et la 'petite voix' insidieuse revient à l'esprit de celle-ci.

    Notre ingénue se dit alors qu'en différant l'annonce, l'après fessée aurait été moins pénible d'une part et imagine même que grâce à ses bonnes notes, durant la semaine, Maman se serait montrée plus clémente (tenant compte des efforts de sa fille) malgré le mensonge par omission, ce qui n'est pas garanti.

    Voilà donc une demoiselle plus raisonnable, studieuse, émergeant du lot assez facilement, aidé en cela par la faiblesse de la classe, mais cette aisance est piégeuse pour notre redoublante (dont le blason n'est pas doré) titillée par ses vieux démons, d'autant plus que dans ce nouvel environnement ses alliées ne font pas légion et ses ennemies ne l'épargnent pas.

    Consciente de l'instabilité dans lequel est évolue, notre conteuse redouble de vigilance surtout en cours d'anglais dirigé par l'intraitable Mlle Paule à l'affût du moindre écart de sa redoublante, ne se privant pas de remarques acerbes faisant craquer celle-ci qui tombe dans le panneau et se fait prendre bêtement, Mlle Paule redevenant alors l'ordonnatrice d'une nouvelle déconvenue fessière pour Christine.

    Abattue par ce coup de massue, la jeune fille est au fond du gouffre et n'a aucune illusion sur son avenir avec une telle prescription, sans prise en charge par la sécurité sociale, mais dont la médication est bien connue par le médecin de famille 'Maman' et sera appliqué avec déontologie.

    Par contre, compte tenu du contexte particulier de cette désillusion, veille de 4 jours sans cours, j'ai dans l'idée que Christine va entendre la 'petite voix', afin de retarder l'échéance pour ses fesses, mais prenant le risque d'être démasquée et avec, sans aucun doute, un résultat beaucoup plus néfaste pour ses rondeurs.

    Amicalement, Dominique.

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  3. Merci Dominique. Votre commentaire croise la suite de cet épisode, et vous découvrirez que votre intuition n'est pas mauvaise...
    En espérant que la suite en question vous inspirera également un joli commentaire. Merci d'avance.

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  4. Vous avez bien choisie l'illustration de Dana Kane administrant une fessée ! c'est une fesseuse particulièrement remarquable, et cela concorde bien avec votre récit, vos choix en images sont toujours exceptionnels!

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  5. Puis-je vous demander Ma chère demoiselle Spaak, voyant bien comment vous choisissez vos illustrations avec précisions, suivez vous ces fesseuses dont vous nous montrer des images? j'entend par la, Clare Fonda, Alicia Pannettiere, Snow Mercy ou Dana Kane? Bref c'est simplement par curiosité!

    Dans l'attente de votre réponse, votre fidèle lecteur, Pierre

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  6. je confirme Anonyme :) le poids des mots et le choc des photos nous pourrions dire

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  7. Non, Pierre, je ne suis pas ces professionnelles. D'autant que les sites semblent payants. Mais, je trouve beaucoup de leurs images via Google tout simplement et je sélectionne ce qui se marie au mieux avec mes récits.

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  8. LE COMMENTAIRE ENVOYE PAR MARDOHL :

    Chère Christine, est-ce à mon hommage que vous avez mentionné ces succulents détails, tels que la chemise de nuit qui tend à remonter ou votre gigotement sur la chaise ? Allons, modestement, je ne prétendrai pas vous les avoir susurrés, vous déclarant simplement les avoir appréciés !

    Dans cet épisode, on entend souvent murmurer cette « petite voix » tentatrice (incarnant le véritable petit succube qui s’agite en elle) poussant Christine à temporiser, à gagner du temps et la persuadant, patents arguments à l’appui, que jouer sur le mensonge ne s’avère finalement pas si désavantageux que cela. Ne pas dévoiler immédiatement cette colle lui aurait par exemple permis d’échapper à ce dîner en infantilisante tenue, voire à tabler sur l’indulgence maternelle au vu des bonnes notes ramenées quelques jours plus tard.

    Et voilà que Christine va pouvoir éprouver cette alternative : une colle infligée par la prof d’anglais à notre incorrigible redoublante, et qui plus est pour un motif d’indiscipline. C’est en effet le rendez-vous assuré avec les genoux et la dextre maternelle. Mais cet incident survient à l’orée d’un congé de quatre jours. Christine aura donc tout le loisir de retarder l’aveu fatidique. Le lecteur imagine déjà la tempête qui va déferler sous le crâne de la narratrice. Qui l’emportera, dans ce cornélien duel, de la Christine franche ou de la Christine cauteleuse, de la petite fille modèle ou de la récidiviste chahuteuse, de l’ange ou du démon ? Notre attachante narratrice va-t-elle, comme la dernière fois, décharger tout de suite ce qui lui pèse sur la conscience, pour en finir au plus vite avec ses angoisses, ou « jouer la montre » au risque d’accroître l’intensité de l’orage fessier auquel elle est promise ? Et dans ce dernier cas, de combien de temps va-t-elle retarder sa confession ? Avouera-t-elle au premier, deuxième, troisième ou quatrième jour ? Ma foi, les paris sont ouverts pour votre lectorat !

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