samedi 23 avril 2011

Moments cruciaux : choisir le bon moment....

Chacun l'aura bien compris : entre la franchise et l'aveu spontané pour soulager ma conscience, dès que j'avais quelque chose à me reprocher, d'une part, comme le conseillait Tata Jacqueline, et la tentation de gagner du temps, de chercher pour ainsi dire à mener le jeu, à garder le contrôle des événements à venir, d'autre part, j'ai le plus souvent eu tendance à choisir d'instinct la deuxième solution.
Même si elle prolongeait mes angoisses, même si je tendais le dos et devais ruser au maximum, j'avais l'impression que c'était toujours mieux de "gagner" du temps.
Je cachais mes méfaits, j'ajoutais souvent, par ricochet, quelques mensonges, ne serait-ce que par omission, qui aggravaient mon cas, mais je ne le vivais pas ainsi. Au fond de moi, il y avait cette fierté de mener ma barque à ma guise ou presque, car bien sûr je n'arrivais pas toujours à mes fins, loin de là...

Ces quelques images me semblent illustrer un de ces nombreux épisodes...

Maman s'était assoupie sur le canapé...



J'avais un mot de la prof d'anglais à remettre et faire signer. Deux jours déjà que je l'avais caché sous une pile de livres de l'étagère du haut de ma chambre, en espérant que Maman ne viendrait pas farfouiller par là ou faire les poussières.
Il fallait rendre le mot le lendemain, et les créneaux favorables se faisaient rares pour aborder le sujet.
J'ai attendu que les petites soient parties à un goûter d'anniversaire chez une copine du quartier. Moi, je faisais mes devoirs au calme dans ma chambre, pour faire bonne figure.
J'ai hésité un quart d'heure, puis un autre encore avant de descendre parler à Maman. J'avais la trouille, mais c'était le moment ou jamais...
Descendant à pas de loup, pour pouvoir calmer ma respiration et bien reprendre mes esprits avant d'entrer dans la pièce pour faire face à Maman, j'ai été étonnée de n'entendre pas le moindre bruit.
Je me suis approchée du canapé, avec le mot à faire signer en évidence dans ma main, prête à bafouiller : "Euh, M'man, faut que je te dise, euh..."
Mais, ô surprise, Maman s'était assoupie...
Elle profitait de ce calme sans les petites pour se reposer et je me sentais toute drôle, là devant elle. Je n'allais quand même pas la réveiller, risquer qu'elle se sente dérangée... Non, il allait falloir attendre, attendre et revenir, bref avoir à nouveau ce courage qu'il m'avait fallu pour descendre les escaliers, la peur au ventre...
Je suis remontée en jetant un dernier regard vers elle... Maman semblait douce, apaisée, mais je me doutais que son réveil serait moins calme...


Je n'ai pas vraiment pu travailler une fois retournée dans ma chambre. Je guettais les bruits, j'attendais le réveil maternel...
La sieste improvisée fut assez courte. Vingt minutes plus tard, le téléphone a réveillé Maman. Un coup de fil rapide, puis le calme à nouveau, mais j'entendais qu'elle avait allumé la radio en sourdine, comme un fond musical.
J'ai pris mon courage à deux mains. Mieux valait ne pas attendre qu'elle fasse autre chose ou qu'elle sorte faire des courses avant d'aller récupérer mes soeurs.
Je n'avais aucune envie d'aller avouer ma faute, ce nouveau chahut dont parlait la prof dans son mot. Mais, je savais que c'était un moment approprié, comme je l'espérais en cachant la lettre depuis deux jours...
Comme une demi-heure plus tôt, je descendis les escaliers avec une peur grandissante... Je devinais vers quoi je m'avançais...
En passant le pas de la porte, je me suis retrouvée face à Maman. Elle était assise dans le canapé, et me souriait... Pour l'instant !


J'avais préparé des phrases pour aborder le sujet, mais face à Maman, elles me restaient dans la gorge...
Si moi, j'avais en face de moi une mère apparemment tranquille, reposée par une petite sieste aussi rare que bien venue, Maman, elle avait une autre image, une de celles qui ne trompent pas, une de celles qui parlent sans avoir à dire un mot...



J'étais plantée devant Maman, les bras dans le dos, cachant le mot à faire signer... J'avais le regard qui fuyait, qui regardait le sol, et mes pieds qui se tortillaient...
J'avais certes choisi le moment, mais cela ne rendait pas l'exercice facile pour autant. J'étais au pied du mur, il fallait que je parle, ou du moins que je tende le mot à Maman qui aurait compris aisément...
"Tu en fais une drôle de tête, Christine... Qu'est-ce qu'il y a encore ? Quand je te vois comme ça, je me doute bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas... Tu t'es encore faite remarquer au collège ? C'est cela, hein ?" Maman avait deviné. Comme si c'était écrit sur mon visage, comme si ma gêne, ma peur était inscrite en sous-titres sur l'image qu'elle voyait de moi...
J'ai tendu mon papier, j'ai balbutié des explications emberlificotées, j'ai essayé de convaincre sans y croire moi-même.
Maman ne m'a pas vraiment écoutée. Elle répétait qu'elle avait "bien senti depuis un jour ou deux" que je devais cacher quelque chose, que je "cherchais vraiment les ennuis", que c'était "inadmissible d'être encore remarquée de la sorte en cours d'anglais", etc., etc. 


J'étais hélas consciente qu'elle n'avait pas tort, que je ne pouvais pas m'attendre à être félicitée, et que j'allais avoir droit à ce que je méritais...
Cinq minutes plus tard, je plongeais en travers des cuisses d'une mère déterminée à me flanquer une fessée magistrale...
Cela faisait deux jours que je cherchais à en retarder l'échéance, deux jours que je la craignais en secret, et j'en avais même comme choisi le moment. Je n'étais donc pas surprise, ce qui ne rend pas la position pour autant plus facile...
J'avais les nerfs en pelote, surtout après être descendue deux fois au devant de cette tannée quasi programmée.
La fessée allait me calmer et me calmer pour de bon... Comme je nous savais seules dans la maison, je n'avais pas à craindre les oreilles indiscrètes et moqueuses de mes soeurs, et je ne me suis quasiment pas débattue pendant que Maman dégageait ma lune avec une application qui montrait qu'elle allait me gratifier d'une fessée en bonne et due forme, qu'elle allait prendre le temps de s'appliquer à la rendre mémorable...
Culotte largement baissée, fesses bien à l'air, l'heure était venue... Et j'ai reçu la "bonne fessée" promise, la longue tannée qui m'a embrasé le bas du dos, pendant que je pleurais abondamment, ne retenant pas mes larmes, mes cris, mes sanglots, mes soupirs. Une fessée à huis clos, juste entre mère et fille, mais quelle fessée !

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