samedi 23 octobre 2010

Mes ruses de Sioux : la malade imaginaire (9)

SUITE 8

Je n'avais pas la moindre envie d'aller jouer chez mes copines. Je savais que le compte-rendu de mes mésaventures faisait le tour de la classe et du quartier, et je n'aurais convaincu personne en niant l'évidence.
Finalement, la punition supplémentaire de me priver de sortie en devenait bien plus supportable. Et puis, j'avais bien conscience qu'il fallait que je révise pour ne pas rater mon contrôle d'anglais...
J'ai donc passé deux jours à plonger dans les livres, cahiers et manuels, avec beaucoup de bonne volonté, et surtout une motivation première : celle d'éviter un nouvel orage...

Réviser, réviser... pour éviter l'orage...


Maman appréciait que je ne rechigne plus à travailler dès que j'étais rentrée à la maison. Elle comprenait bien que ce changement d'attitude avait pour origine la tannée majuscule que j'avais prise, et aussi la perspective de nouveaux ennuis si les notes ne suivaient pas...
A la maison, j'étais plus ou moins à l'abri des moqueries de mes copines ou des voisines du quartier, mais je ne pouvais guère oublier, ni le passé récent, ni l'avenir probable...
Mes exploits demeuraient présents dans les conversations familiales. Je passerai sur les rappels ou menaces lancées à l'encontre de mes soeurs par exemple, mais où la référence demeurait mon cas. Les "Attention, Aline, si tu veux prendre la suite de Christine sur mes genoux, tu n'as qu'à continuer comme ça..." pouvaient alterner avec un "Diane, si c'est une fessée que tu cherches, tu as vu avec ta grande soeur que je ne plaisante pas..."
Cela faisait filer doux mes soeurettes, mais chacune de ces menaces me ramenait à ma condition de sujet de référence en la matière.
La "gravité" de mes actes au yeux de Maman faisait aussi qu'elle n'a pas manqué d'en conter le moindre détail à ses proches. Deux amies venues prendre un thé eurent droit à une version complète, ma grand-mère paternelle qui était toujours très protectrice envers ses petites filles eut un compte-rendu plus sommaire.
En revanche, à Tata Jacqueline, sa petite soeur, Maman ne cacha rien de rien. Il faut dire que ma façon de faire monter le thermomètre et de tromper la vigilance maternelle avait d'abord fait éclater de rire ma chère Tata. Comme si elle était fière de l'imagination et du culot de sa nièce préférée.
Maman avait donc dû insister pour qu'elle comprenne que ce n'était pas drôle et que cela ne pouvait être toléré...
Tata s'en doutait bien et a dit à son ainée qu'elle supposait que j'avais été punie en conséquence. Elle lui confirma en précisant comment elle m'avait déculottée devant mes soeurs et donné une volée dont je me souviendrais longtemps...
Tata aurait voulu m'emmener faire des courses, mais Maman lui précisa que j'étais privée de sortie pour la semaine et que j'avais d'ailleurs du travail et "intérêt à réussir le contrôle d'anglais, sinon ça barderait encore..."

Même Tante Jacqueline s'amusait
à me rappeler l'enjeu avec un sourire un rien moqueur...



Quand Tata est repartie, elle est venue nous faire une bise avant de quitter la maison. Tendre et proche de moi, elle m'a serré dans ses bras en me glissant à l'oreille : "Ah, ma chérie, tu en fais voir de drôles à ta mère. C'était bien essayé, mais on ne trompe pas facilement une Maman".
En me laissant, elle m'a recommandé de bien travailler : "Fais tout ton possible, ma puce. Parce que ta mère n'a pas l'air de plaisanter. Vaudrait mieux que tu ramènes une bonne note, sinon, ma pauvre chérie, tu sais ce qu'elle t'a promis... Pas besoin de te faire un dessin, non ?"
Et Tata d'associer le geste à la parole avec un petit regard en coin, un rien moqueur... Ah, si même elle s'y mettait, je n'en sortirais jamais des peurs et des angoisses à imaginer ce qui m'attendait au cas où...Même motivée à travailler, j'avais accumulé un retard qui était difficile de rattraper. Persuadée que je réussirais à échapper au contrôle, et manigançant ma petite manoeuvre depuis au moins deux semaines, j'avais décroché en ne travaillant pas les leçons des derniers cours. Le retard était donc certain dans une matière où mes conflits fréquents avec une prof que je n'aimais pas et qui me le rendait bien faisaient que je savais que je ne bénéficierais d'aucune indulgence dans ma notation...

Au cas où, au cas où, mais plus j'y réfléchisais et plus j'étais consciente que le risque était grand...

On peut trouver plus sereines comme conditions pour réviser. Tendue, presque paralysée par l'enjeu, j'avais bien du mal à avancer et à retenir mes leçons...

A SUIVRE

2 commentaires:

  1. Tu l'avais bien chercher cette punition. Et je suis sur que tu en merites toujours...

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  2. Voilà Tata qui s'y met, et voilà le suspense qui renaît avec la menace d'une autre fessée... mais peut-être que Christine y échappera et peut-être y aura-t-il même renversement de situation avec le report du courroux maternel sur l'une des petites sœurs.
    Au fait avec la mention de "grand-mère paternelle", nous tenons-là la première allusion - indirecte certes - au père de Christine. Eternel absent mais qui, dans cet univers exclusivement féminin, se devait d'avoir une maman. Peut-être que cette précision était nécessaire pour écarter toute ambiguïté : non, Maman Spaak ne parle pas à sa propre Maman, se qui explique la légère euphémisation qu'elle opère en un "compte-rendu plus sommaire". Peut-être aurait-elle été beaucoup plus explicite avec sa propre mère.

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